"Caricaturale" ou "réaliste" ? : ce que les eurodéputés pensent de la série "Parlement"
Sur le ton de la comédie, la série Parlement de France Télévisions, dont la troisième saison a débuté le 29 septembre sur france.tv, divise les eurodéputés, mais tous se retrouvent dans son mérite de donner un coup de projecteur sur une institution méconnue du grand public. Son développement suit le parcours semé d'embûches d'un jeune assistant parlementaire, Samy, interprété par Xavier Lacaille, dans le labyrinthe de Strasbourg.
Jeune homme naïf et maladroit, Samy épaule dans la première saison le paresseux eurodéputé Michel Specklin (Philippe Duquesne) puis, dans la deuxième, l'ambitieuse Valentine Cantel (Georgia Scalliet). Dans la troisième, il est devenu conseiller politique et voit revenir Valentine, pressentie pour devenir la nouvelle commissaire française. Pour Manon Aubry, coprésidente du groupe La Gauche au Parlement européen, "l'étonnement que peuvent avoir les téléspectateurs est le même que j'ai pu avoir en arrivant au Parlement et en découvrant son fonctionnement", en 2019.
"La manière dont les négociations se déroulent, le poids et l'influence des lobbys, le fait qu'on puisse gagner une première étape et perdre à la deuxième... Quasiment tout est vrai", note la députée européenne LFI. "Ce qui est caricatural, c'est qu'un homme totalement incompétent accède à la fonction de président", nuance-t-elle dans une allusion au personnage de Michel Specklin.
Satirique, la série n'est pas tendre pour les parlementaires : "Une galerie d'abrutis, de feignants ou d'imbéciles", déplore Sylvie Guillaume, qui ne trouvait "pas terrible" l'image renvoyée dans la première saison. "Heureusement, ça s'est amélioré ensuite", poursuit cette membre du groupe Socialistes et Démocrates (S&D) qui s'apprête à "binge watcher" la troisième saison. Elle trouve au final la série "très chouette, pédago et pas prétentieuse".
Succès public et critique
Anne Sander, membre du groupe du Parti populaire européen (démocrates-chrétiens, droite), est également fan de la série, dont elle apprécie l'humour : "Evidemment, c'est de la caricature, mais ce qui compte, c'est qu'on parle de l'institution, de son mode de fonctionnement." Elle qui fut assistante parlementaire avant de devenir eurodéputée s'est identifiée au personnage de Samy : "J'ai plongé dans le bain à 27 ans, et honnêtement, ce n'était pas facile !" On retrouve sans doute dans ce personnage la patte d'un des scénaristes de la série, Maxime Calligaro, qui fut assistant parlementaire chez les Libéraux entre 2011 et 2017.
D'autres personnages "de l'ombre" sont mis sur le devant de la scène, une démarche saluée par Sylvie Guillaume : "Il y a un certain nombre de gens de l'administration, de conseillers qui ne sont pas visibles mais qui ont un énorme pouvoir dans les négociations."
La découverte de ces coulisses a séduit le public et la critique : les deux premières saisons ont récolté près de 5 millions de vidéos vues et Parlement a décroché le prix de la meilleure série de 26 minutes du Festival de la fiction 2023 de La Rochelle.
Vitrine strasbourgeoise
Comme d'autres eurodéputés interrogés par l'AFP, Anne Sander "espère que ça va donner aux gens l'envie de s'intéresser au Parlement et de le visiter". Depuis le 1er décembre 2022, 251 000 personnes l'ont visité, contre 219 000 personnes pour toute l'année 2022. Rien que cet été, 69 000 personnes sont allées découvrir l'institution. La série a un impact "très positif" et "contribue à inscrire le Parlement européen dans la conscience collective", renchérit l'eurodéputé David Cormand (Verts/ALE).
"C'est fou qu'il ait fallu 70 ans pour qu'une fiction un peu populaire sur l'institution européenne soit réalisée", remarque-t-il, tandis qu'aux Etats-Unis, nombre de séries et de films se sont plongés depuis longtemps dans les arcanes du pouvoir. Le Parlement européen a d'ailleurs bien compris l'intérêt qu'il pouvait en tirer, en facilitant l'accès aux lieux pour les repérages et les tournages, une première pour une fiction.
A huit mois des élections européennes, du 6 au 9 juin 2024, la série pourrait réveiller l'intérêt des citoyens : "Ces élections ne fascinent pas grand monde", reconnaît Sylvie Guillaume, "ça ne peut que contribuer à [leur] donner une meilleure visibilité".
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