Reportage "Ça peut déclencher des malaises, vomissements ou diarrhées" : en Allemagne, des livres du 19e siècle colorés à l'arsenic sont retirés des bibliothèques

Des dizaines de milliers d'ouvrages seraient concernés : le pigment vert vif était très utilisé pour la fabrication des livres au 19e siècle.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Photo de livres mis en quarantaine pour analyse. (JULIA BÖMER/ UNIVERSITÉ DE BIELEFELD)

Des livres contaminés à l’arsenic... L'histoire n’est pas sans rappeler le célèbre film et roman : Le Nom de la rose. Cela se passe en Allemagne, dans plusieurs bibliothèques universitaires et des dizaines de milliers d’ouvrages seraient concernés. En cause : un pigment vert, très à la mode au 19e siècle, et utilisé pour la fabrication des livres.

Plusieurs établissements ont commencé à isoler les volumes suspects pour les examiner. La bibliothèque de l’Université de Bielefeld, une ville de 330 000 habitants au nord-ouest de l’Allemagne, s’apprête à mettre 60 000 livres en quarantaine.

Avec leur couleur vert vif, les livres potentiellement contaminés sont faciles à repérer. Tous n’ont pas encore été retirés des rayonnages de la bibliothèque. Dans l’une des allées, la directrice Barbara Knorn désigne un ouvrage consacré à l’histoire de l’Allemagne : "Ce livre, par exemple, a une couleur verte caractéristique. Parfois, c’est la couverture qui est verte ou alors la tranche du livre. Le danger pour la santé, c’est quand on manipule les livres, quand l’arsenic se dépose sur les mains et qu’on les porte ensuite à sa bouche."

"Un colorant merveilleusement intense et brillant"

60 000 ouvrages vont devoir être testés pour évaluer la présence d’arsenic. Ce sont des livres parus au 19e siècle. À l’époque où un colorant - baptisé Vert de Schweinfurt - était largement répandu. Reinhard Altenhöner, membre du comité directeur de l’association allemande des bibliothèques, estime que 5 à 7% des ouvrages sont contaminés : "C’était un colorant merveilleusement intense et brillant. Fabriquer les livres de cette façon les rendait attrayants. On dit que Goethe aimait beaucoup ce vert. C’est l’arsenic qui donne cette couleur particulière. Et le risque, c’est que ça déclenche des malaises, vomissements ou diarrhées jusqu’au cancer, même si c’est très improbable."

Reinhard Altenhöner, membre du comité directeur de l’association allemande des bibliothèques. (SEBASTIEN BAER / RADIOFRANCE)

Les 24 000 étudiants ont été alertés des risques via la messagerie interne. Cela n’empêche pas Paul, croisé à la sortie de la bibliothèque, d’être un peu inquiet : "Ça fait bizarre de se dire que l’arsenic est partout ici. En ce moment, je viens étudier ici 5 ou 6 jours par semaine… C'est un peu effrayant d'être exposé à des substances aussi toxiques."

La direction de la bibliothèque estime que 6 000 ouvrages de sa collection pourraient être contaminés. Une fois identifiés, ils sont retirés des rayonnages explique Birgit Heuer, qui travaille au service des prêts : "On a demandé aux étudiants de nous retourner les livres qu’ils ont empruntés. Nous les prenons avec des gants et on les emballe ensuite dans des enveloppes ou des cartons en attendant qu’ils soient examinés." Les analyses vont débuter dans les prochains jours. Les ouvrages contaminés à l’arsenic seront mis à l’écart puis numérisés pour rester accessibles aux étudiants.

En Allemagne, des livres du 19e siècle colorés à l'arsenic sont retirés des bibliothèques. Le reportage de Sébastien Baer

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