Le métier de paparazzi est-il devenu cool ?
Souvent considérés comme de la photographie de caniveau, les clichés des paparazzis entrent aujourd'hui au musée. Le centre Pompidou-Metz leur consacre une exposition jusqu'au 9 juin.
Hasard de l’actualité, alors que le débat sur la protection de la vie privée de notre président a monopolisé les médias ces dernières semaines, le centre Pompidou-Metz (Moselle) propose, à travers une exposition inédite, une réflexion sur le métier de paparazzi, de ses méthodes de travail à son esthétique singulière. Longtemps opposé au vaillant photographe de guerre, le paparazzi entre aujourd’hui au musée. Faut-il en déduire que ce métier est devenu respectable ? Eléments de réponse.
Non, paparazzi, c’était mieux avant
C’est en 1960 que le réalisateur italien Federico Fellini baptise ce phénomène médiatique dans son film La Dolce Vita. Contraction de pappataci (petits moustiques) et ragazzi (jeunes garçons), le paparazzi devient alors le symbole de notre société hypermédiatisée. "Un parrainage assez prestigieux", comme le souligne avec nostalgie le Français Pascal Rostain, un des plus célèbres d’entre eux.
"Dans les années 70, c’était cool, c’était drôle. On faisait partie de l’environnement des célébrités, qui s’appelaient Richard Burton, Liz Taylor, Steve McQueen, Romy Schneider, Grace Kelly, Jacqueline Kennedy, Brigitte Bardot… C’est vrai que c’était d’une élégance incroyable, c’étaient des icônes", poursuit Rostain. "Une starlette de la téléréalité qui a un QI de sole meunière et qui affiche un bout de nichon vulgaire, ou un footballeur avec deux neurones, c’est pas quelque chose qui m’intéresse. Et quand je vois des photos de Paris Hilton ou de Britney Spears, franchement, ça me transporte beaucoup moins que des photos que j’ai eu la chance de faire", ajoute-t-il.
Pour Pascal Rostain, le métier de paparazzi est mort le 31 août 1997. Equivalent du 11-Septembre pour la profession, la mort de la princesse Diana a également signé la fin d’une époque. "C’est à ce moment-là que la presse est devenue plus agressive", constate-t-il. Dans l’imaginaire collectif, le paparazzi devient l'incarnation d’un homme sans aucune morale ni éthique, prêt à tout pour voler une photo. Une vision simpliste qui fait depuis beaucoup de tort à cette profession, soumise au même moment à d'autres mutations.
Rostain est catégorique : si "le métier de paparazzi est mort, c'est à cause de vos conneries de téléphones portables". L'apparition du numérique, d’internet et des réseaux sociaux dans les années 2000 a considérablement modifié la profession. Aujourd’hui, rappelle Rostain, "quand on publie une photo dans Paris Match ou dans un autre magazine, elle est copiée dans la seconde par des milliers de sites. Avant, on était exclusif pendant plusieurs mois. Aujourd'hui, c'est pendant dix minutes. Donc si on ne peut plus vendre nos images, ben on ne gagnera plus d’argent." Mi-cabot, mi-désabusé, il ajoute : "On ira pêcher le bar, c’est beaucoup plus intéressant, à 28 euros le kilo à la criée d'Audierne…"
Oui, car ils dévoilent de vrais scoops
Pour Sébastien Valiela, auteur des désormais célèbres photos de François Hollande casqué, la réaction des gens vis-à-vis des paparazzis a changé récemment. "Les gens sont beaucoup plus de notre côté qu’avant et trouvent mon métier super cool. Ils en ont marre qu’on leur mente, qu’on leur raconte n’importe quoi. Ils ont besoin de vérité, de transparence et ils savent que nous, on ne triche pas", constate le photographe, déjà auteur du célèbre cliché de Mitterrand posant la main sur l’épaule de sa fille Mazarine en 1994. Un avis que partage Pascal Rostain, grand défenseur de l’info vérifiée. "Ce qui est important, précise-t-il, c’est que ce soit des images vraies, qui ne trichent pas. C’est pas de la mise en scène et ça a du sens."
Car si la presse anglo-saxonne a la réputation de raconter tout et son contraire, il n'en est pas de même en France, où la législation est plus sévère. Comme le précise Sébastien Valiela, "à part certains titres de presse people qui parlent de téléréalité, des magazines comme Closer, Voici, Paris Match ou VSD sont des titres qui vont raconter des choses vraies. Ces magazines sont souvent attaqués pour le droit à l’image, mais en diffamation ils ne perdent quasiment jamais. En France, une histoire annoncée en une est presque toujours vérifiée ensuite."
Et si c’est l'histoire que racontent ces clichés qui intéresse le grand public, c’est leur forme qui fascine les artistes. Car les conditions dans lesquelles les paparazzis opèrent génèrent une esthétique particulière. La rapidité et l’improvisation avec lesquelles ils prennent une photo ont des conséquences sur la composition de l’image. Depuis les années 1960, ce style a inspiré de nombreux artistes. Du chantre du pop art Andy Warhol à des courants plus contemporains, ils ont très vite décelé dans ces traques au téléobjectif ou au flash une esthétique intéressante dont ils pouvaient s’inspirer.
Parmi les plus connus, la Britannique Alison Jackson s’amuse à mettre en scène des sosies de stars et à les photographier dans des conditions de contraintes similaires à celles rencontrées par les paparazzis. Elle crée ainsi de véritables fantasmes médiatiques ou le spectateur/voyeur est confronté à des images qu’il rêve de voir dans la presse, comme la reine d’Angleterre sur ses toilettes ou, plus improbable encore, la princesse Diana faisant du shopping avec Marilyn Monroe.
En fait, nous sommes tous des paparazzis
La vérité, nous avoue Pascal Rostain, c’est qu’à notre époque, "on est tous des paparazzis". Il raconte : "Quand on a commencé, on était cinquante dans le monde. On se connaissait tous. Aujourd’hui, on est des milliards avec les téléphones qui font des films. Les pararazzis s’appellent Barack Obama, Mick Jagger ou Johnny Hallyday. Les gens s’autophotographient. Ils s’autopaparazzient." Peu optimiste quant à l'avenir de la profession, Rostain envisage l'exposition du centre Pompidou-Metz, pourtant sans précédent, "à titre posthume". Si paparazzi n’est ni le plus vieux métier du monde ni le plus cool, il pourrait bien, tout simplement, être en voie de disparition.
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