L'ablation du sein, bouclier efficace contre le cancer ?
Alors qu'Angelina Jolie a annoncé avoir subi une mastectomie préventive, francetv info fait le tour de cette pratique médicale de plus en plus médiatisée.
Le mannequin Samantha Day, les actrices Christina Applegate, Giuliana Rancic et Kathy Bates... Plusieurs personnalités américaines ont révélé ces derniers temps avoir subi une double mastectomie, en prévention d'un cancer du sein ou d'une récidive. En annonçant s'être fait retirer les deux seins à l'âge de 37 ans, mardi 14 mai, la comédienne Angelina Jolie donne un nouveau coup de projecteur sur cette pratique médicale encore limitée, mais de plus en plus médiatisée.
Qu'en est-il en France ? Ce geste, que d'aucuns qualifient de mutilation, éradique-t-il tout risque de développer un cancer ? Francetv info fait le tour de la question.
En quoi consiste une mastectomie ?
La mastectomie ou mammectomie prophylactique consiste à retirer la totalité de la glande mammaire à l'intérieur du sein mais aussi le mamelon et l'aérole. Parfois, le mamelon peut être conservé, comme dans le cas d'Angelina Jolie. La peau est également préservée, comme l'explique le médecin et journaliste Jean-Yves Nau sur Slate.
La reconstruction mammaire, avec la pose d'un implant, est généralement réalisée dans la foulée. Cette lourde intervention chirurgicale a duré huit heures pour l'actrice. Elle laisse des séquelles irréversibles. "C'est une chirurgie de guerre, extrêmement délabrante", prévient le cancérologue Laurent Schwartz, interrogé par francetv info. Les patientes perdent leur sensibilité mammaire puisque quasiment toutes les terminaisons nerveuses ont été retirées.
Dans quelles conditions peut-elle être pratiquée ?
La mastectomie peut être effectuée sur un ou deux seins, après détection d'une tumeur cancéreuse, ou en prévention. Dans le cas d'un cancer déclaré, la décision de pratiquer une mastectomie varie selon le diagnostic (antécédents, agressivité et emplacement de la tumeur). "Quand celle-ci est assez volumineuse et très centralisée, il peut être préférable d'ôter le sein", note Dominique Stoppa-Lyonnet, généticienne à l'institut Curie.
Dans le cas d'un geste préventif, l'intervention n'est proposée qu'aux femmes porteuses d'une mutation des gènes BRCA-1 ou BRCA-2 - "une sur 500 femmes", selon la spécialiste. Comme le rapporte Le Figaro, la détection de ces gènes de prédisposition "est proposée aux femmes déjà malades et présentant des caractéristiques permettant d'évoquer un risque génétique". Si le test est positif, les filles ou les sœurs de la patiente peuvent s'y soumettre elles aussi. Et décider par la suite de subir une mastectomie préventive.
Combien de femmes y ont recours ?
Dominique Stoppa-Lyonnet chiffre à "5%" des femmes dépistées, celles qui décident d'avoir recours à une double mastectomie préventive. Contre "30 à 40% aux Pays-Bas", souligne de son côté Le Quotidien du médecin.
La médiatisation de cette pratique tend toutefois à convaincre de plus en plus de femmes, en France, de sauter le pas. Et ce, même si elles ne sont pas porteuses d'une mutation des deux gènes. "Une de mes patientes me harcèle pour que je lui fasse une mastectomie alors que l'un de ses deux seins est sain et que l'autre a été traité, témoigne une cancérologue de l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Elle ne se rend pas compte du prix physique à payer".
Le prix tout court est lui aussi lourd. En France, les tests génétiques - 2 000 euros selon Le Quotidien du médecin - et l'intervention chirurgicale qui peut ensuite être pratiquée sont pris en charge par l'assurance-maladie. Mais aux Etats-Unis, où les frais de santé restent souvent à la charge des patients, la facture est plus lourde et constitue souvent un frein au dépistage, comme le déplore Angelina Jolie.
Le risque de développer un cancer est-il définitivement écarté ?
A regarder les chiffres, l'argument de la double ablation des seins a du poids. La probabilité de développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans est estimée à au moins 60% pour les femmes porteuses de cette mutation génétique, et à 30% en ce qui concerne le cancer de l’ovaire. Dans le cas d'Angelina Jolie, ces chiffres étaient respectivement de "87%" et "50%". Selon l'actrice, son risque est tombé à 5% depuis l'opération.
Un taux conforme aux données recueillies en France, selon Dominique Stoppa-Lyonnet. "Cela dépend du tissu mammaire résiduel" laissé après la mastectomie. Le risque n'est donc pas totalement écarté mais fortement diminué.
D'autres options, cependant, existent. Alors que le choix de réaliser une mastectomie préventive est laissé à la patiente, l'ablation des ovaires à titre préventif pour les femmes porteuses de la mutation et âgées de 40 ans est systématiquement recommandée par les cancérologues. Non seulement elle permet de limiter les risques de développer un cancer du sein mais elle apparaît moins violente sur le plan symbolique et physiologique. "Un traitement hormonal peut compenser en partie l'ablation", souligne Laurent Schwartz. En outre, le cancer de l'ovaire est plus difficile à dépister et très agressif.
Autre option : une surveillance annuelle par échographie, mammographie, IRM, à partir de l'âge de 30 ans. "Dans ce cas, il faut accepter la possibilité d'un diagnostic de cancer du sein", même pris très tôt, concède Dominique Stoppa-Lyonnet. Un risque que certaines ne sont pas prêtes à courir.
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