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"Peindre pour ne pas les oublier" : Marjane Satrapi immortalise les femmes de son histoire dans une exposition

Après une première exposition en 2013, la dessinatrice et réalisatrice Marjane Satrapi habille de ses portraits de femmes les murs de la galerie Françoise Livinec à Paris, du 9 octobre au 28 novembre 2020.

Article rédigé par franceinfo Culture - Nisrine Manai
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Marjane Satrapi en train d'annoter les reprographies de "Èris et Léthé".
 (Galerie Françoise Livinec)

Il aura fallu attendre sept ans avant de pouvoir observer de nouveau les coups de pinceaux de la dessinatrice et réalisatrice Marjane Satrapi. En 2013, elle se révélait pour la première fois en tant que peintre dans une exposition consacrée à des portraits de femmes. La revoilà à la Galerie Françoise Livinec avec Femmes ou riendu 9 octobre au 28 novembre, sa seconde exposition où l’artiste réussit (encore une fois) à nous surprendre.

Marjane Satrapi, "Le geste du regard" ; 2020 ; acrylique sur toile ; 140 x 140 cm. (Galerie Françoise Livinec)

Cette fois-ci, Marjane Satrapi abandonne les tons neutres et assume une palette bien plus vive et flashy, surfant sur les codes du Pop Art. "J’adore ce qui est clinquant et quand les couleurs crient. Dans ma première exposition, je n’avais pas encore assez d’assurance. Moi, les couleurs crème, j’ai toujours trouvé ça ennuyeux. Alors pour cette exposition, j’ai voulu montrer ce que j’aimais réellement : les couleurs", confie-t-elle.  

"Des femmes combatives"  

Si semblables et pourtant singulières : c’est ici que réside le mystère de ces brunes que Marjane Satrapi aime tant peindre. Le regard charbonneux, une chevelure noire qui contraste avec une bouche carmin et une cigarette à la main : il y a beaucoup d'elle dans ces portraits : "Je suppose que d’une façon ou d’une autre on se raconte toujours nous-même un peu" avoue Marjane Satrapi. 

Pour créer, la peintre plonge dans les méandres de sa mémoire. Elle attrape à la volée le souvenir, la silhouette, le regard de l’une de ces femmes qui a peuplé son enfance en Iran. Marjane Satrapi immortalise des "femmes combatives, bien plus féroces que les hommes et qui se battent pour faire valoir leurs droits". Une assurance et une force de caractère que l’on retrouve dans la posture du personnage de Sphinge ou dans les yeux des femmes colorées de la toile Le geste du regard. 

Marjane Satrapi, "Sphinge" ; 2020 ; acrylique sur toile ; 160 x 100 cm (Galerie Françoise Livinec)

Marjane Satrapi ne veut pas se défaire du souvenir de ces femmes qui font d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Pour sceller ces souvenirs évanescents, elle peint. "C’est comme si j’avais besoin de les peindre pour qu’elles soient là, pour ne pas les oublier. Cela fait plus de 15 ans que chaque soir avant de dormir je fais des mots croisés en persan parce que si je ne le fais pas, j’oublie une partie de mon vocabulaire. Et ça, c’est impossible.Je ne peux pas oublier d’où je viens." 

Faire de "l'Art populaire" 

Au nom de la culture, Marjane Satrapi a décidé de maintenir son exposition alors même que les règles sanitaires ont été renforcées à Paris et sa petite couronne. "On s’est posé la question, et encore dernièrement, on a eu des doutes" commente la galeriste et proche amie de Marjane Satrapi, Françoise Livinec. Pour la réalisatrice, la culture est le ciment d’un peuple, “une société sans culture ne tient pas”. Alors pas d’exception au 24 rue de Penthièvre, les femmes aux regards ténébreux seront contemplées par une bande de visiteurs masqués.

Marjane Satrapi, "Èris et Léthé" ; 2020 ; acrylique sur toile ; 120 x 100 cm. (Galerie Françoise Livinec)

"J'ai toujours voulu faire un art populaire, à la portée de tous, qui donne envie aux gens d’un jour posséder une oeuvre" dit-elle dans le catalogue de l’exposition Femme ou rien. Si vous lui demandez ce qu’elle considère appartenir à l’Art populaire, elle vous répondra sans doute “la Bande-dessinée et le cinéma" qui sont, sans surprise, deux domaines dans lesquels Marjane Satrapi s’est illustrée. 

De l’art pour l’art 

Un rapport instinctif, quasi-primaire relie Marjane à la peinture : "avec la peinture, je peins et je ne me pose pas de question". Ses moments à l’atelier sont “des moments de calme” après la tempête des tournages. Face à sa toile, Marjane Satrapi s’affronte, s’écoute et se livre. "La peinture est essentielle à ma santé mentale. J’ai besoin de me retrouver enfermée avec moi-même et de ne pas être préoccupée par des problèmes rencontrés lors d’un film". Une forme d’expression aux antipodes de la Bande-dessinée qui vise à être lue. "La Bande-dessinée, c’est comme le film : il faut que je me soucie de savoir si mon lecteur va comprendre ce que j’écris. Alors je me pose constamment la question : suis-je assez clair ? Si la réponse est non, c’est que j’ai mal fait mon job", explique Marjane Satrapi.

Marjane Satrapi, "Annonciation" ; 2020 ; acrylique sur toile ; 120 x 100 cm. (Galerie François Livinec)

Cette question, l’artiste ne se l’est plus posée depuis seize ans, date qui correspond au moment où elle décide de raccrocher sa casquette de bédéiste. Elle, qui "ne regarde jamais dans le rétroviseur", décide de prendre un tournant pour s'adonner à un autre de ses grands amours : la peinture. "Je vois la relation avec la peinture de cette façon : si vous l’aimez, vous l’aimerez toujours. Et chaque fois que vous la regarderez, elle vous parlera."

Marjane Satrapi
Marjane Satrapi Marjane Satrapi

"Femmes ou rien"
Galerie Françoise Livinec, 24 rue de Penthièvre 75008 Paris 
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Du 9 octobre au 28 novembre 2020

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