Une bâche publicitaire géante sur un futur magasin Louis Vuitton des Champs-Élysées divise la mairie de Paris et les écologistes

La façade d'un bâtiment appartenant au géant du luxe LVMH sur les Champs-Élysées, a été emballée dans une bâche protectrice, irritant les élus écologistes qui ont questionné la légalité de cette pratique.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La façade du futur bâtiment Louis Vuitton sur les Champs-Élysées (Paris) recouverte d'une bâche avec le logo de la marque, le 3 novembre 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

Les initiatives du groupe LVMH n'emballent pas tout le monde. Une bâche publicitaire géante sur un futur magasin Vuitton des Champs-Élysées oppose la mairie socialiste et ses alliés Verts, rétifs à ces lucratifs affichages sur les bâtiments en travaux. Le bâtiment appartenant au géant du luxe LVMH a été emballé dans une bâche protectrice, étudiée pour ressembler aux flancs d'une malle Louis Vuitton, produit phare de cette marque.

La légalité en question

Cette initiative du groupe coutumier des affichages publicitaires XXL a irrité les élus écologistes parisiens, turbulents alliés de la maire socialiste Anne Hidalgo. Fin octobre, ils l'ont questionnée par écrit sur la légalité de cet affichage. Si la loi autorise, pour financer des travaux sur la façade d'un immeuble classé, à le recouvrir de bâches comportant un affichage publicitaire, cet affichage ne doit pas couvrir plus de la moitié des bâches, selon une circulaire invoquée par les écologistes. "Là, on est par définition sur plus de 50% de la bâche, puisqu'on emballe y compris le toit", soutient l'élu écologiste Émile Meunier, co-auteur de la question.

"La bâche n'est pas considérée comme une publicité car le bâtiment appartient à LVMH. C'est une bâche temporaire au titre du droit d'enseigne", a répondu, par écrit, la mairie à l'AFP. "La Ville de Paris demandera au propriétaire de s'acquitter d'une taxe de 1,7 million d'euros pour cette bâche pendant toute la durée d'installation, prévue jusqu'en 2027. En parallèle, l'immeuble étant classé monument historique, les ABF [Architectes des bâtiments de France] ont donné leur accord." Sollicité par l'AFP, LVMH s'est refusé à tout commentaire, tout comme le ministère de la Culture, compétent en matière de patrimoine.

Phénomène récurrent à Paris

Cet immeuble n'est pas le seul concerné : depuis plusieurs années, beaucoup de bâtiments parisiens classés sont régulièrement cachés, le temps de travaux, derrière d'immenses bâches publicitaires. C'est actuellement le cas d'une partie du palais du Louvre, abritant le musée des Arts décoratifs.

Un panneau publicitaire illustrant la collaboration entre Louis Vuitton et l'artiste contemporain japonais Yayoi Kusama recouvre l'entrée de l'église de la Madeleine en janvier 2023. (JOAO LUIZ BULCAO / HANS LUCAS / AFP)

En 2022, c'était le fameux obélisque de la place de la Concorde qui avait été enrobé d'un affichage publicitaire d'un groupe ayant participé à sa restauration. L'Opéra Garnier, comme l'église de la Madeleine et ses majestueuses colonnes à la grecque, ou des façades de la place des Vosges, entre autres fameux sites de la capitale, ont aussi été un temps recouverts.

Dans le cadre des travaux de restauration du Palais Garnier, l'artiste contemporain JR (Jean René) a été invité par l'Opéra national de Paris à habiller les échafaudages recouvrant le monument d'une fresque gigantesque en septembre 2023. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

"Il faut à un moment que les habitants puissent profiter de la beauté de leur ville sans être agressés par des injonctions à consommer toujours plus", rétorque Émile Meunier, qui assume être opposé "au principe de la publicité tout court". "En tant qu'écologiste, je combats la publicité, en particulier dans l'espace public ; je prends ça comme une agression et un coup de pouce à la surconsommation", justifie-t-il.

"Plus sympa qu'un échafaudage pourri !"

Jeanne d'Hauteserre, maire LR du VIIIe arrondissement où se trouvent les Champs-Élysées, assume d'avoir eu recours, dès son arrivée aux responsabilités en 2014, à l'affichage publicitaire sur des églises en réfection, pour réduire les coûts et accélérer leur rénovation.

La façade du futur bâtiment Louis Vuitton sur les Champs-Élysées (Paris) recouverte d'une bâche avec le logo de la marque, le 3 novembre 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

Elle-même ancienne publicitaire, elle tacle ceux qui s'y opposent au nom de la défense du patrimoine, rappelant le danger que peuvent poser des bâtiments délabrés : "Le jour où ils vont recevoir quelque chose sur la tête, ils vont être contents !". Quant au projet de LVMH, "soit on a une bâche laide, soit on a une bâche jolie, améliorée", dit-elle, soulignant que "quoi qu'il arrive, à partir du moment où il y a des travaux, il faut une bâche".

Les personnes croisées par l'AFP sur les Champs-Élysées avaient des avis partagés sur l'esthétique de cette création. "Je trouve ça plus sympa qu'un échafaudage pourri !", tranche Béatrice Boué, habitante d'Antony, en banlieue sud, venue se promener sur les Champs. Lucyna Milosz, touriste polonaise, n'aime "pas spécialement". "Je comprends qu'ils doivent le recouvrir (l'échafaudage, NDLR), mais ce que je n'aime pas, c'est quand il y a des photos. Tant qu'il n'y a pas de publicité, ça me va !", dit-elle, indifférente aux logos "LV" disséminés sur la bâche. "Qu'ils le couvrent et qu'ils se dépêchent de finir les travaux", rigole-t-elle.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.