Saint-Maurice d'Agaune : un trésor médiéval du Valais à découvrir au Louvre
L'abbaye de Saint-Maurice va fêter les 1500 ans de sa fondation, en 515, dans le sud de la Suisse. "Depuis, il y a toujours eu une communauté religieuse, une communauté monastique puis une communauté de chanoines", explique Elisabeth Antoine-König, conservateur en chef au département des Objets d'art du musée du Louvre et co-commissaire deco l'exposition. "C'est unique en Occident", précise-t-elle.
Pour cet anniversaire, l'abbaye est en train de rénover son espace muséographique, qui abrite le trésor, et "le Louvre a obtenu le privilège" d'accueillir une partie de celui-ci, se réjouit Elisabeth Antoine-König. "Tout historien de l'art médiéval connaît le trésor de l'abbaye Saint-Maurice, mais pas le grand public", explique-t-elle. En effet, Saint-Agaune, coincé entre une falaise et le Rhône, dans le Valais, est un peu en dehors des circuits touristiques.
Saint Maurice et ses hommes massacrés par Rome
Le site était au contraire un lieu de passage important à l'époque de l'Empire Romain. Des fouilles archéologiques montrent une occupation romaine très ancienne. On était obligé de passer par le défilé rocheux d'Agaune pour se rendre de Rome vers le nord. Le lieu était surveillé par une garnison romaine. Celui qui est devenu saint Maurice était le chef d'une légion thébaine, venue en renfort de Haute-Egypte. Ses hommes étaient des chrétiens coptes et l'histoire raconte que l'empereur les a fait massacrer à la fin du 3e siècle parce qu'ils refusaient d'obéir à des ordres contraires à leur religion, comme de tuer des chrétiens.
Un siècle plus tard, Théodule, évêque du Valais, voit en songe le lieu de leur martyre, fait exhumer leurs restes et fonde une basilique. A cet endroit, en 515, le prince burgonde Sigismond établit une abbaye vouée au culte de saint Maurice et de la légion thébaine. Saint Maurice, modèle idéal du chevalier chrétien, va alors être vénéré par les plus grands souverains qui offrent à l'abbaye de précieux reliquaires.
Des pièces somptueuses
La plupart des pièces de l'exposition viennent d'Agaune, mais le visiteur est accueilli par une statue en pierre prêtée par la cathédrale de Magdebourg (Allemagne). Saint Maurice est représenté en combattant en cotte de maille, et en noir africain, "une première" à l'époque.
Le trésor d'Agaune est présenté de façon chronologique, dans trois salles qui déploient des objets précieux incroyables, les plus anciens étant peut-être les plus impressionnants. Ils datent des VIe, VIIe, IXe siècles, mais le vase dit "de Saint-Martin" en sardoine, or, grenat et pierres précieuses a été créé au Ier siècle avant JC et retravaillé six siècles plus tard.
Car c'est le cas de nombreux objets, dont l'histoire est incertaine, qui ont été créés ici, retravaillés là. D'ailleurs, il pourrait y avoir eu un atelier d'orfèvrerie à Saint-Maurice même.
Histoires de reliques
Une aiguière du IXe siècle est passée d'abord pour un don de saint Martin destiné à recueillir le sang des martyrs thébains. On l'a liée plus tard à Charlemagne. Elle porte sur ses flancs de sublimes émaux cloisonnés sur or du Proche-Orient représentant sur fond vert un arbre de vie, des lions et des griffons.
Autre pièce exceptionnelle, le coffret reliquaire de Teuderic (VIIe siècle) est entièrement couvert de petites plaquettes de grenat sur paillon d'or, le tout décoré de saphirs, perles, grenats et quartz.
Le trésor de Saint-Agaume comprend de nombreux reliquaires car, au Moyen-Age, les reliques circulent. Au XIIe siècle est créée la châsse de saint Sigismond et de ses enfants, un grand coffre en argent repoussé sur lequel sont figurés Sigismond et Maurice, le Christ et les apôtres, les archanges.
Une "Sainte Epine" offerte par Saint Louis
Le bras de Saint Bernard de Menthon (1165), en argent aussi, a sans doute abrité celui d'un martyr thébain avant de renfermer un morceau de côte et un morceau du menton de saint Bernard, fondateur de l'hospice du Grand-Saint-Bernard. A noter aussi, un magnifique chef reliquaire de saint Candide de la même époque, qui figure sur son socle le martyre de ce soldat de la légion thébaine.
Histoires de reliques, toujours : au XIIIe siècle il y a eu des échanges entre Saint Louis, qui veut développer le culte de saint Maurice, et l'abbaye d'Agaune. Saint Louis, qui a payé une fortune à Baudouin II de Constantinople pour acquérir la couronne du Christ, en a offert en 1262 une épine à l'abbaye, dans un reliquaire en or et argent, orné de pierres précieuses. En échange, des reliques d'Agaune sont parties pour Senlis.
Un détour par Notre-Dame de Paris
Des manuscrits, des étoffes précieuses, des bibles complètent l'ensemble, ainsi que deux coupes du XIIIe siècle dont une, très sobre mais extraordinaire car elle "chante", grâce à une bille insérée sous le couvercle. Elle pourrait venir d'un atelier mongol.
Commencée avec une image de saint Maurice, l'exposition se termine avec une autre, de 1577, une statue équestre, donnée par le duc Emmanuel Philibert qui s'est sans doute fait représenter lui-même, bien loin du légionnaire africain du XIIIe siècle.
Les chanoines de Saint-Maurice ont accepté que leur trésor fasse le voyage de Paris, enfin une partie. Mais ils ont tenu à ce que quelques pièces soient exposées à Notre-Dame. C'est ainsi que quatre d'entre elles ont y passé un week-end avant de rejoindre le Louvre.
Le Trésor de l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, Musée du Louvre, Aile Richelieu
Tous les jours sauf mardi, 9h-17h30, nocturnes le mercredi et le vendredi jusqu'à 21h30
Accès avec le billet d'entrée au musée : 13€
Du 14 mars au 16 juin 2014
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