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Perdus ou volés ? Ces trésors du Mobilier national qui restent introuvables

Alors que la justice vient de condamner l’ancien sous-préfet de Brioude à deux ans de prison ferme pour le vol d'une toile de maître appartenant au Mobilier national, L’œil du 20H se penche sur la disparition inquiétante de nombreuses œuvres d’art. Problème d’inventaire, mauvaise gestion des stocks ou vol pur et simple... Les œuvres qui restent introuvables se comptent par centaines.
Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Au musée de Menthon, il faut parfois un travail de fourmi pour retrouver des oeuvres en dépôt depuis des années.
 (France 2 Culturebox)
Reportage L. Gublin / X. Lepetot / A. Lèchenent / E. Delevoye / E. Denis / S. Bidart
Qui sait ? Sans Hugues Malecki, "Dalhias", le tableau de l’artiste russe Nathalie Gontcharoff (1881-1962) aurait peut-être fini ses jours dans le grenier de la sous-préfecture de Brioude en Haute-Loire. C’est là en tout cas que le fonctionnaire la trouve à son arrivée en 2006. Voulant refaire la décoration des lieux, il expose la toile avant d’en réaliser lui-même une copie "grossière" (l’homme est peintre amateur) aux dimensions différentes de l’original. Il installe la copie aux murs et emmène chez lui la toile de maître.
"Dalhias" de l'artiste russe naturalisée française Nathalie Gontcharoff
 (France 2 Culturebox (capture d'écran))
En 2012, il la revend via internet pour 10 000 euros à un collectionneur. Elle est ensuite achetée dans une vente aux enchères chez Sotheny’s où elle part pour 130 000 euros. Pendant ce temps, la copie des "Dalhias" orne les murs de la sous-préfecture... Ce n’est qu’en 2014 que le pot-aux-roses est découvert quand l’Etat veut récupérer le tableau original.

Des milliers d'oeuvres introuvables 

Assez "croquignolesque", cette histoire révèle une réalité qui hélas n’a rien de nouveau : de nombreuses œuvres d’art appartenant à l’Etat disparaissent chaque année. Il y a vingt ans, la Cour des comptes avait déjà critiqué la mauvaise gestion des œuvres issues de collections nationales exposées ou utilisées dans les bâtiments de la République (soient près de 430 000 oeuvres). Selon un article paru dans Libération en 2016, ce sont  près de 23 000 pièces qui ont été "égarées". Egarées signifiant qu’on n’est pas totalement sûr de les avoir perdues...

Mauvaise documentation

En effet, comme le montre le reportage de L’œil du 20h, il arrive que certaines toiles soient tellement bien cachées dans les combles des musées, mairies, préfectures, ambassades... qu’on finisse par les oublier. La preuve au musée des Beaux-Arts de Menthon où la conservatrice Elsa Puharre a finit par retrouver une nature morte du peintre tchèque Othon Coubine (1883-1969) : "Elle était dans les combles, cachées par d’autres œuvres empilées... Il fallait farfouiller pour la trouver". Et d'ajouter : "Il n’y avait pas de tableaux informatisés qui nous disait où était les toiles". 

La faute donc à des inventaires mal renseignés et à des registres de mouvements (censés consigner les déplacements des œuvres d’un endroit à un autre) qui ont disparu. Le seul dont la conservatrice de Menthon soit en possession date des années 50... 

Des vols en toute impunité

Une petite séance de ménage et de rangement ainsi que l’utilisation d’un tableau Excel devrait permettre d’y voir plus clair dans les réserves des administrations. Mais que faire quand les œuvres restent introuvables et se sont, comment dire... volatilisée ? En effet, pas de vol avec effraction pour ce buste de Néron disparu du Sénat, ni pour ce lit en acajou de 2 mètres de long (et autant de large) au Château de Versailles ou pour cette bergère en acajou à l’Assemblée nationale.

Quand on connait les procédures de contrôle de ces différents lieux, difficile de croire qu’un simple visiteur a pu repartir tranquillement avec de telles pièces sous le bras... C’est pourtant ce qu’a fait en toute impunité l’ancien sous-préfet de Brioude. Une attitude qui lui a été sévèrement reprochée au tribunal correctionnel du Puy-en-Velay : "Vos agissements en tant que haut fonctionnaire ont porté un préjudice certain à la collectivité et à la démocratie. C'est l'ensemble du personnel de l'État qui se trouve atteint par vos agissements", a expliqué le président André-Frédéric Delay pour justifier les deux ans de prison ferme.

Mais si le fonctionnaire va payer pour cet abus de confiance, faux et usage de faux, la toile en question, elle, est toujours introuvable. Une perte de 130 000 euros pour l’Etat.
 

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