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Oubliés de l'Histoire : les internés américains du camp B de Royallieu

Le mémorial de la déportation de Compiègne accueille une exposition inédite qui relate le quotidien de 500 prisonniers américains, privés de liberté à cause de leur nationalité entre décembre 1941 et Août 1944. Proposée jusqu’au 25 avril 2016, l'exposition présente dessins, lettres, photos autant de témoignages qui redonnent à ces oubliés de l'histoire une reconnaissance posthume.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Entre 1941 et 1944, le Camp B de Royallieu accueille plus de 500 prisonniers américains. Le mémorial de la déportation de Compiègne rend hommage à ces hommes qui étaient aussi des artistes
 (France 3 / Culturebox / capture d'écran)

1941, Pearl-Harbor, les Américains entrent dans le conflit de la seconde guerre mondiale. Pour leurs compatriotes qui se trouvaient en France, les arrestations sont immédiates. Internés au camp de Royallieu, aux côtés des résistants et des Juifs, ce sont "Les internés oubliés : Les Américains du camp B de Royallieu". Le mémorial de la Déportation de Compiègne consacre une exposition à ces prisonniers oubliés. Une première où sont présentés des documents et objets exceptionnels, issus des collections du Mémorial ou prêtés par les familles 

Reportage : Jean-Pierre Rey, Aurélien Barège, Dominique Choisy

Macéo Jefferson prisonnier et musicien du camp

Considérés comme une monnaie d’échange potentielle, ces prisonniers n’ont jamais été déportés mais étaient sous le statut de prisonniers de guerre. "Les Etats-Unis faisaient la même chose de leur côté avec leurs ressortissants allemands, l’idée était de procéder à des échanges de prisonniers", explique Anne Bonamy, Directrice du Mémorial de l'Internement et de la Déportation.

Mais seuls 78 internés sur 500 furent libérés. Les autres s’organisèrent et occupèrent leurs journées en créant et en échangeant leurs œuvres contre du chocolat ! Dessins (dont certains ont traversé l’Atlantique ou la Manche !), lettres, photographies, effets personnels, témoignages, et même des œuvres musicales composées au camp. "Il y a toute une vie artistique qui s’organise, beaucoup de musiciens parmi eux, le plus célèbre d’entre eux étant Macéo Jefferrson".
Dessin de Manuel Mantilla commandé par Henri Pecquet du Bellet de Verton, comportant 262 signatures d’internés américains du camp B de Compiègne-Royallieu. On y aperçoit la signature de René Castellanos.
 ( Collection Mémorial de l’internement et de la déportation-Camp de Royallieu, n° Inv. 2013.4.32)
Les internés seront finalement libérés le 1e septembre 1944 par leurs compatriotes.

Un beau mélange culturel

Issus de la vague d’immigration des anciens combattants de la première guerre mondiale et du crash boursier de 1929, ces ressortissants américains étaient originaires d’Amérique Centrale mais aussi d’Amérique du sud et même de Cuba.  La France, pays de la liberté d’expression, attire de nombreux artistes, écrivains et musiciens. 

A l'image de cette communauté venue d'outre-Atlantique, "Le Camp B" est un beau mélange où les individus aux cultures diverses se croisent. Une profondeur culturelle enrichie par une grandeur intellectuelle, "On a beaucoup de dessinateurs cubains ou argentins qui font des dessins magnifiques du camp et qui vont permettre cette multitude de signatures qui sont des mines d’or", explique encore la conservatrice.
  (Jersey Archive )


Des hommes mais aussi des femmes et des enfants

L'exposition évoque grâce à des documents inédits le destin tragique de ces 500 hommes qui avaient le seul tort d'être américains. Parmi les prisonniers, quelques femmes mais aussi de rares enfants étaient internés avant d'être transférés dans le camp de Vittel (Vosges).
Dessin dédié au Docteur Gomes De Mattos, Brésilien, comportant 52 signatures de  femmes internées britanniques au camp B de Compiègne-Royallieu en 1943 (auteur  inconnu).  On y aperçoit la signature d’enfant de Charlotte Trinchieri. 
 ( Prêt Bertrand Apostle )

Un pan de l'histoire tombé dans l'oubli et encore ignoré

L’exposition du mémorial de la déportation de Compiègne a pu avoir lieu grâce aux travaux de recherche de Thiphaine Dupuy de Mery. Etudiante en master 2,  son sujet de mémoire l’amène en Suisse à Genève et à Berne où elle découvre dans les archives, des documents totalement inédits : rapports du  consulat Suisse, de la Croix-Rouge Internationale, passeports provisoires.
Cubains, argentins, mexicains, les prisonniers du Camp B sont originaires de tout le continent américain
 (France 3 / Culturebox)

Un trésor qui se trouve aujourd’hui exposé au grand jour pour le grand public permettant de redonner une existence historique à ces hommes. 

A l'occasion du vernissage de l'exposition, deux  anciens internés américains ont pu faire l'honneur de leur présence. L’une, Charlotte Trinchieri, avait 7 ans en 1943, l’autre, René Castellanos, avait 17 ans.
Une célébration chargée d'émotion qui n'a reçu aucun intérêt d'un quelconque représentant de l'ambassade des Etats-Unis en France, déplore Madame Anne Bonamy.
  (Mémorial de la déportation de Compiègne)

"Les internés oubliés : Les Américains du camp B de Royallieu" au Mémorial de l’internement et de la déportation
Jusqu'au 26 avril 2016
2bis Avenue des Martyrs de la Liberté
60200 Compiègne
Tarif entrée normale 3€ Demi-tarif 1,50€ Tarif exposition uniquement : 2€

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