Oubliés de l'Histoire : les internés américains du camp B de Royallieu
1941, Pearl-Harbor, les Américains entrent dans le conflit de la seconde guerre mondiale. Pour leurs compatriotes qui se trouvaient en France, les arrestations sont immédiates. Internés au camp de Royallieu, aux côtés des résistants et des Juifs, ce sont "Les internés oubliés : Les Américains du camp B de Royallieu". Le mémorial de la Déportation de Compiègne consacre une exposition à ces prisonniers oubliés. Une première où sont présentés des documents et objets exceptionnels, issus des collections du Mémorial ou prêtés par les familles
Reportage : Jean-Pierre Rey, Aurélien Barège, Dominique Choisy
Macéo Jefferson prisonnier et musicien du camp
Considérés comme une monnaie d’échange potentielle, ces prisonniers n’ont jamais été déportés mais étaient sous le statut de prisonniers de guerre. "Les Etats-Unis faisaient la même chose de leur côté avec leurs ressortissants allemands, l’idée était de procéder à des échanges de prisonniers", explique Anne Bonamy, Directrice du Mémorial de l'Internement et de la Déportation.Mais seuls 78 internés sur 500 furent libérés. Les autres s’organisèrent et occupèrent leurs journées en créant et en échangeant leurs œuvres contre du chocolat ! Dessins (dont certains ont traversé l’Atlantique ou la Manche !), lettres, photographies, effets personnels, témoignages, et même des œuvres musicales composées au camp. "Il y a toute une vie artistique qui s’organise, beaucoup de musiciens parmi eux, le plus célèbre d’entre eux étant Macéo Jefferrson".
Les internés seront finalement libérés le 1e septembre 1944 par leurs compatriotes.
Un beau mélange culturel
Issus de la vague d’immigration des anciens combattants de la première guerre mondiale et du crash boursier de 1929, ces ressortissants américains étaient originaires d’Amérique Centrale mais aussi d’Amérique du sud et même de Cuba. La France, pays de la liberté d’expression, attire de nombreux artistes, écrivains et musiciens.A l'image de cette communauté venue d'outre-Atlantique, "Le Camp B" est un beau mélange où les individus aux cultures diverses se croisent. Une profondeur culturelle enrichie par une grandeur intellectuelle, "On a beaucoup de dessinateurs cubains ou argentins qui font des dessins magnifiques du camp et qui vont permettre cette multitude de signatures qui sont des mines d’or", explique encore la conservatrice.
Des hommes mais aussi des femmes et des enfants
L'exposition évoque grâce à des documents inédits le destin tragique de ces 500 hommes qui avaient le seul tort d'être américains. Parmi les prisonniers, quelques femmes mais aussi de rares enfants étaient internés avant d'être transférés dans le camp de Vittel (Vosges).Un pan de l'histoire tombé dans l'oubli et encore ignoré
L’exposition du mémorial de la déportation de Compiègne a pu avoir lieu grâce aux travaux de recherche de Thiphaine Dupuy de Mery. Etudiante en master 2, son sujet de mémoire l’amène en Suisse à Genève et à Berne où elle découvre dans les archives, des documents totalement inédits : rapports du consulat Suisse, de la Croix-Rouge Internationale, passeports provisoires.Un trésor qui se trouve aujourd’hui exposé au grand jour pour le grand public permettant de redonner une existence historique à ces hommes.
A l'occasion du vernissage de l'exposition, deux anciens internés américains ont pu faire l'honneur de leur présence. L’une, Charlotte Trinchieri, avait 7 ans en 1943, l’autre, René Castellanos, avait 17 ans.
Une célébration chargée d'émotion qui n'a reçu aucun intérêt d'un quelconque représentant de l'ambassade des Etats-Unis en France, déplore Madame Anne Bonamy.
"Les internés oubliés : Les Américains du camp B de Royallieu" au Mémorial de l’internement et de la déportation
Jusqu'au 26 avril 2016
2bis Avenue des Martyrs de la Liberté
60200 Compiègne
Tarif entrée normale 3€ Demi-tarif 1,50€ Tarif exposition uniquement : 2€
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