"Machu Picchu et les trésors du Pérou" à la Cité de l'architecture : on s'émerveille malgré une mise en scène qui peut agacer
De très belles pièces du Pérou préhispanique sont à voir à la Cité de l'architecture, si l'on fait abstraction de la grosse production et de la mise en scène qui se veut immersive
Machu Picchu, le nom fait rêver. La cité inca nichée dans les Andes péruviennes à 2 400 mètres d'altitude et 3 000 ans d'histoire précolombienne débarquent à Paris, dans une exposition à grand spectacle, qui prétend, grâce à des procédés virtuels, immerger le visiteur dans ce lieu magique. Cet aspect n'est pas très convaincant, mais on ne boudera pas les pièces exceptionnelles, bijoux, céramiques, parures, qui sont présentées à la Cité de l'architecture.
Andres Alvarez Calderon, le directeur du musée Larco de Lima qui a prêté les pièces de sa collection, promet "une expérience peut-être plus complète qu'en réel". A qui fera-t-on croire que l'expérience en réalité virtuelle proposée à la fin du parcours pourrait remplacer les sensations multiples d'une vraie visite ? On survole le site du Machu Picchu, ses ruines et ses terrasses, accueillis par un Inca virtuel grotesque, dans des parfums synthétiques. Tout ça n'apporte rien de plus que de belles photos, finalement. Et attention aux personnes qui ont facilement le cœur au bord des lèvres, quelques accélérations brutales peuvent vous donner la nausée.
On passera aussi sur les animations projetées sur les murs de l'exposition, qui n'ajoutent rien au propos, et sur le fond sonore exaspérant qui l'accompagne. Bref, l'immersion, pourquoi pas mais c'est assez raté et survendu. L'exposition est "produite" par la société World Heritage Exhibitions qui promeut des "expositions internationales", la même qui avait produit l'exposition Toutânkhamon à la Grande Halle de la Villette en 2019.
Dernier empire du Pérou
Mais l'exposition vaut la peine pour la qualité des pièces exposées, qui vous feront faire abstraction du reste (il vous en coûtera quand même jusqu'à 24 € le week-end pour le plein tarif, 20 € pour les enfants).
Le Machu Picchu est une cité fondée vers 1450 par les Incas, dernier empire du Pérou, au pouvoir au moment de l'arrivée des Espagnols. L'empire se développe à partir de 1438, jusqu'à régner sur 900 000 km au Pérou, en Equateur, en Colombie et au Chili, grâce notamment à un réseau routier immense et une extraordinaire organisation administrative et militaire.
Le Machu Picchu est remarquable par sa situation géographique et ses édifices sont caractéristiques de l'art de la construction des Incas, avec d'énormes pierres assemblées sans mortier. Oublié pendant 500 ans, il a été redévoilé au monde par l'historien américain Hiram Bingham en 1911.
Si le Machu Picchu donne son nom à l'exposition, les pièces qui y sont présentées proviennent pour beaucoup des civilisations qui ont précédé le règne des Incas, sur une période de quelque 3 000 ans.
Un chaman se transforme en jaguar
La perfection des formes des pièces de céramique (l'art de la terre est maitrisé à partir de 2000 avant JC) présentées au début du parcours sont époustouflantes. Il s'agit d'objets rituels, cruche décorée de spirales de la culture mochica (100-800 après JC), bouteille ronde bicolore à anse, bouteilles en forme de chouette ou de cormoran de la même provenance. Ou bien des jaguars et pumas, prédateurs auxquels s'identifiaient les dirigeants.
Une bouteille de la culture cupisnique (1250-100 avant JC) représentant un chaman en train de se transformer en jaguar est particulièrement frappante. Les Mochicas ont aussi produit d'étonnantes scènes érotiques en forme de bouteilles, utilisées par les chamans pour assurer que les défunts resteraient fertiles.
On remarquera également les colliers magiques, en cristal ou en turquoise, ou des boucles d'oreille ornées de lézards, en turquoise et coquillage. Le lézard, nous dit-on, accompagnait Ai Apaec, figure de la mythologie des Mochicas dont l'exposition raconte les pérégrinations entre le monde d'ici, le monde d'en haut (celui des dieux) et le monde d'en bas (celui des ancêtres). De très beaux dessins ornent une coupe en céramique décrivant son voyage sous-marin mouvementé.
Chasses et combats rituels
On nous raconte la rituelle chasse au daim, dont le sang était offert aux dieux, avec une pièce plus récente, de la culture chancay (1200-1450 après J-C), une céramique où un chasseur porte sa proie sur son dos. Ou bien les combats rituels entre guerriers venus de différentes régions, où les vaincus étaient sacrifiés, avec une imposante parure.
Les rituels impliquent aussi de la musique, avec des instruments comme une trompette en coquillage géant (mochica) ou un spectaculaire tambour anthropomorphe en céramique peinte (culture nasca, 100-600 après JC).
Enfin, l'exposition réunit une dizaine de parures en or et en argent que portaient les dirigeants et qui les accompagnaient dans leur sépulture, dont celle, très spectaculaire, toute en or massif, d'un dirigeant chimu (1100-1470 après JC), ou un très beau pectoral en turquoises (mochica).
Machu Picchu et les trésors du Pérou
Cité de l'architecture et du patrimoine
Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75116 Paris
Tous les jours de 10h à 19h
Tarifs : semaine 22 €, week-end et jours fériés 24 € (18 € et 20 € pour les enfants)
Du 16 avril au 4 septembre 2022
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