La Vierge de Claus de Werve réapparaît à Poligny grâce à un robot sculpteur
Réalisée par le sculpteur Claus de Werve en 1415, l'âme de la statue polychrome de la Vierge à l’Enfant de Poligny retrouve son écrin d'origine dans la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny (Jura) du couvent des Clarisses. Si la première sculpture est conservée au Metropolitan Museum de New-York une copie conforme a été réalisée grâce à un robot programmé par l'Homme.
Un périple incroyable qui débute en novembre 2015, sous l'oeil de Ghislain Moret de Rocheprise, le responsable de la société Lithias et son sculpteur Cédric Courtois. Les deux experts se rendent à New York pour préparer la numérisation et la réalisation de la copie. Le sculpteur étudie la statue à la loupe, pour déceler les coups de ciseaux faits par Claus de Werve en… 1415.
Au premier trimestre 2016, le bloc de pierre est sculpté au millimètre près par le robot. Puis, la main du sculpteur exécute les finitions. Le 1er juillet 2016, la statue est livrée à la collégiale Saint-Hippolyte. La colorisation est effectuée dans la foulée par une spécialiste de peinture médiévale qui termine l’opération en réalisant une patine la plus fidèle possible à l’original.
Une équipe de France 3 Franche-Comté a suivi l'expédition de la statue de pierre de New York à Poligny. Reportage : C. Schulbaum / F. Petit / / S. Linozzi / P. Drouot / E. Debief
Une copie aussi parfaite que l'originale grâce à la 3D
Pilotée par l'entreprise Lithias, l'opération s'est déroulée près d'Angers. Spécialisée dans la duplication et la création d’œuvres d’art, Lithias dispose d'un robot de sculpture mis au point par Ghislain Moret de Rocheprise. Malgré l'extrême précision du procédé 3D, le robot n’élude pas la patte de l’artiste, imposant pour toute réalisation une finition manuelle."On travaille avec des fraises très fines notamment pour aller chercher les détails les plus compliqués que l'on veut parfaitement fidèle à l'original, comme le nez, le regard, la coiffure. Le robot est capable de ressortir un petit morceau de pierre brisée", nous explique Ghislain Moret De Rocheprise, le directeur de l'entreprise Lithias. Si la copie est exécutée par un robot, elle a été finie par le sculpteur Cédric Courtois et mise en couleur par la restauratrice d'Art Juliette Rollier.Cédée pour 8000 francs
C'est une aventure à multiples rebondissements que la statue de Claus de Werve a rencontré au cours de sa vie. Réalisée par l'un des plus célèbres sculpteurs du Moyen Age, la Pieta voit le jour en 1415 au couvent des Clarisses de Poligny. Offerte au duc de Bourgogne, Jean sans Peur, la sculpture est sauvée au moment de la Révolution et mène une vie tranquille au sein de la collégiale jusqu'en 1920.A cette époque, un certain François Vuillermet souhaite acquérir la statue. L'évêque de Saint Claude déconseille la vente. Mais l'acheteur est tenace, et propose une copie aux soeurs. Le couvent cède la statue pour la somme de 8000 francs ! Il la revend sans scrupule à un antiquaire parisien. Le bouche-à-oreille fonctionne de Paris à New York et la Vierge de Poligny s'envole pour les Etats-Unis. C'est ainsi qu'on la retrouve qui trône au beau milieu du département médiéval du Metropolitan Museum de New-York.
"Finalement à New York elle est vue par des millions de visiteurs", se rassurent les soeurs et les bénévoles de l'association de sauvegarde du patrimoine polinois.
Le choix de la couleur
Une fois la statue finalisée reste un choix cornélien : celui de la couleur. Une décision prise en haute instance qui oppose deux écoles. Il y a ceux qui souhaitent retrouver la polychromie d'origine très vive et colorée et il y a les autres qui préfèrent une restitution de la polychromie héritée des différentes usures et patines dûes au temps. Pour effectuer cette lourde tâche, la municipalité de Poligny fait appel à Juliette Rollier. Cette spécialiste de peinture médiévale terminera l’opération en réalisant une patine la plus fidèle aux souhaits des commanditaires.Finalement c'est un choix intermédiaire qui l'emporte. Une couleur assez proche de la statue actuelle mais sans les vernis. Blanc d'oeuf, pigments et autres peintures, la restauratrice tente diverses techniques du XVe siècle. "Au début on n'ose pas la toucher et petit à petit on s'imprègne de la sculpture puis on se met dans les couleurs de l'artiste", révèle l'experte émue par son ouvrage.
Les habitants de Poligny retrouvent leur Vierge, au détail près
Après les officiels, les Polinois découvrent avec enthousiasme le nouveau visage de la Vierge. Une statue entièrement réalisée par un robot programmé à partir d’un fichier numérique, le résultat est étonnant de réalisme. Conservateurs, historiens d'art mais aussi artistes ou ingénieurs, tous s'accordent sur la réussite de l'ouvrage, mais les plus émus sont sans aucun doute les habitants de Poligny. Beaucoup d'entre eux ont participé financièrement au projet, le jour de l'inauguration, l'émotion est palpable. "La sculpture de Claus de Werve c'est comme une Joconde dans la pierre", lance Jean-Philippe Cael, Président de l'association de sauvegarde du patrimoine polinois.Pour les Clarisses, cette "restitution" est également porteuse de joie. "Elle a un pouvoir de nous toucher quelque part", s'anime l'une d'elles.
Les soeurs Clarisses du couvent de Poligny peuvent désormais se recueillir au pied de la statue de la vierge dans la collégiale Saint Hyppolite. La copie reprend les mêmes proportions que l'originale, à savoir : 135,5 x 104,5 x 68,6 cm. Les visiteurs sont aussi accueillis du lundi au samedi de 9h30 à12h30 et de 13h30 à 18h.
Le périple de la Vierge de Poligny
Cette statue a été offerte en 1415 par Jean sans Peur, duc de Bourgogne, à Sainte Colette, fondatrice du couvent des Clarisses de Poligny. Propriété de ce monastère, elle se trouve dans un état de conservation exceptionnel ayant échappé à toutes les turbulences de l’histoire. Elle fut malheureusement vendue en 1920 par l’Evêché pour financer la construction d’une chapelle. Acquise quelques années plus tard par le Metropolitan Museum of Art de New-York, l’équivalent du musée du Louvre, elle est la pièce maîtresse du département de sculpture médiévale de ce musée. Elle est admirée par une foule de visiteurs venus du monde entier. Sa valeur est inestimable : Pierre Quarré, spécialiste incontesté de la sculpture bourguignonne, a considéré que cette statue est "le chef-d’œuvre de Claus de Werve". Claus de Werve (1380 - 1439) est un très grand sculpteur, d'origine hollandaise, entré au service des ducs de Bourgogne à la suite de son oncle Claus Sluter. Ce dernier l'associa étroitement à l'exécution du Puits de Moïse à Dijon. Parmi d’autres chefs d’œuvres de l’artiste, on peut citer la plupart des pleurants du tombeau de Philippe le Hardi.
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