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Woodstock, 50 ans après : pourquoi le remake du légendaire festival hippie est impossible

Les organisateurs du festival d'août 1969 rêvaient d'organiser un "remake" pour ce 50e anniversaire. Mais l'événement a été annulé après de multiples défections et changements de lieu. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des festivaliers se reposent au Festival Woodstock qui s'est tenu du 15 au 18 aoôt 1969.  (ANNIE BIRCH / ANNIE BIRCH PERSONAL COLLECTION)

Au printemps 1969, personne, et surtout pas les jeunes organisateurs, ne prévoyait que le festival de Woodstock deviendrait emblématique d'une génération et du mouvement hippie. Avec son message idéaliste de paix et d'amour, il tranchait avec la décennie finissante, faite de violentes manifestations et d'assassinats, sur fond de guerre du Vietnam. Au départ, il s'agissait avant tout de promouvoir, avec une série de concerts, la création musicale au nord de New York. C'était il y a 50 ans, du 15 au 18 août 1969, à une époque où le rock était encore jeune, où porter les cheveux longs était un acte de rébellion, où les manifestations contre la guerre étaient quasi-quotidiennes.

En 1969, des centaines de milliers de festivaliers s'étaient réunis dans un champ de Bethel pour un week-end de musique, d'amour libre et de consommation de drogues.  (ANNIE BIRCH / ANNIE BIRCH PERSONAL COLLECTION)

Entre 400 000 et 500 000 personnes devaient rallier les champs de luzerne détrempés d'un certain Max Yasgur pour entendre des musiciens vedettes de l'époque, comme Janis Joplin et Jimi Hendrix, dans une atmosphère de liberté et de camaraderie, illustrée par des images de jeunes gens marchant dénudés, main dans la main, partageant herbe ou acide, ignorant les pluies torrentielles. Les organisateurs avaient initialement fixé à 18 dollars le prix des billets pour ces trois jours de musique réunissant des groupes aux noms devenus mythiques comme Creedence Clearwater Revival, The Who, ou Crosby, Stills, Nash and Young. Mais les organisateurs - John Roberts, Joel Rosenman, Michael Lang et Artie Kornfeld, tous âgés d'une vingtaine d'années - ont  rendu l'accès libre face aux embouteillages monstres qui envahissaient les routes de campagne menant au site de Bethel, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Woodstock. Très vite après les premiers accords, des trombes d'eau se mirent à tomber, transformant le site en champ de boue.


"C'était légendaire"

Sri Swami Satchidananda, maître yogi venu d'Inde, devait donner le ton du festival en l'ouvrant par un appel à la compassion. "Je suis ravi de voir tous les jeunes d'Amérique rassemblés ici au nom de cet art qu'est la musique", déclarait cet homme mince et barbu, assis en tailleur, entraînant la foule dans des vibrations de sons "Om". D'autres chants plus musclés allaient suivre : Joe McDonald du groupe de rock psychédélique Country Joe and the Fish allait faire chanter à la foule un retentissant Fuck, avant d'entonner le chant anti-guerre I-Feel-Like-I'm Fixin'-to-Die-Rag. Alors que des milliers de gens repartaient déjà vers le "monde réel", devinant à peine qu'ils venaient d'écrire une des grandes pages de l'histoire des années 60, le festival se terminait sur une interprétation très contestataire et surtout anti guerre du Vietnam de l'hymne national américain, The Star-Spangled Banner, par Jimi Hendrix. La guitare du gaucher légendaire figurait les attaques des bombardiers et les explosions mortelles mêlées aux notes de l'hymne.

Comme un film torpillé par la critique avant de devenir culte, l'événement avait alors été traité avec dédain par les grands médias. "Les rêves de marijuana et de rock qui ont attiré quelque 300 000 fans et hippies dans les Catskills n'étaient guère plus sains d'esprit que les lemmings qui se jettent dans la mer pour mourir", jugeait le New York Times dans un éditorial du 18 août 1969. Annie Birch, festivalière âgée de 20 ans à l'époque, se souvient au contraire d'un moment "très paisible, vu la masse de gens". Malgré "la pluie dingue, on avait un feu étonnant qui ne s'éteignait jamais", a-t-elle indiqué. "Tous ces groupes sont devenus mythiques (...) C'était légendaire." Un demi-siècle ans plus tard, Annie Birch, désormais septuagénaire, s'estime "heureuse" d'avoir participé à un évènement aussi marquant. "Je reste éternellement dans l'espoir que, pour le bien de l'humanité, un évènement aussi incroyable puisse se reproduire", dit-elle. "Je préfère infiniment l'amour et la paix à la guerre et la haine."

Peur des attentats et des fusillades

Mais 50 ans après, une répétition de Woodstock semble impossible dans un pays désormais hanté par la peur des attentats et des fusillades. Les organisateurs du festival d'août 1969 rêvaient pourtant d'organiser un "remake" pour le 50e anniversaire. Leurs efforts se sont révélés vains, à l'ère des détecteurs de métaux, des chiens renifleurs de bombe et des fouilles systématiques de sacs. "On n'autoriserait pas" de nos jours un événement comparable à Woodstock, souligne Stuart Cameron, chef de la police du comté de Suffolk, à l'est de New York, et spécialiste de la sécurité des festivals. "Il y aurait trop de risques pour la sécurité." Les comptes-rendus de l'époque sont parfois contradictoires, mais les trois jours du festival auraient fait deux morts en 1969 : l'un écrasé par un tracteur de nettoyage et un autre, au moins, décédé d'une overdose.

Pour le 50e anniversaire, Michael Lang, l'un des organisateurs du Woodstock de 1969, avait invité quelque 80 groupes ou musiciens à venir jouer, du rappeur Jay-Z à Santana, espérant recréer l'événement. Mais impossible de trouver un paysan prêt à les accueillir sur son terrain. Les organisateurs se sont vu refuser l'un après l'autre les permis nécessaires, pour des raisons tenant au dispositif d'assistance médicale, à l'eau, à la nourriture ou au personnel de sécurité. Au-delà de la sécurité sanitaire, la multiplication des fusillades et attentats ces dernières années, notamment lors de concerts, a compliqué l'organisation de ce genre de rassemblements de masse. "Autrefois, on s'inquiétait surtout des gens qui introduisaient alcool et drogues en douce, maintenant ce sont ceux qui apportent des armes de destruction massive pour tuer tout le monde", souligne Joseph Giacalone, détective retraité, qui travailla longtemps à sécuriser les célébrations du Nouvel An à Times Square à New York. Et l'ex-détective de lâcher: "La société a changé au cours des 20-30 dernières années (...) Les gens qui ont vécu les années 1960 ne connaîtront plus jamais la même expérience."

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