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Les statues des apôtres de la Sainte-Chapelle renaissent grâce à la science

Après plusieurs siècles de ballotage, les six statues du collège apostolique de la Sainte-Chapelle à Paris ont rejoint le sous-sol du Louvre pour une étude de leurs véritables couleurs d'origine. Un appel d'offres sera lancé dans les prochains mois pour financer leur restauration.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Dans les locaux du Palais du Louvre, les limiers du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) oeuvrent à la restauration des statues.

Quelles étaient les couleurs d'origine des statues d'apôtres de la Sainte-Chapelle, sur l'île de la Cité à Paris ? Dans les locaux du Palais du Louvre, les limiers du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) mènent l'enquête. Armés d'instruments scientifiques, ils étudient sous toutes les coutures six statues du collège apostolique de ce monument de style gothique, édifié par Saint Louis au XIIIè siècle pour accueillir des reliques de la Crucifixion du Christ.

Ces statues font désormais partie des collections du musée de Cluny, à Paris, qui a confié au C2RMF le soin de les analyser en vue de leur restauration à partir de l'automne. Installées sous la douce lumière des ateliers de restauration, les statues de pierre calcaire commencent à livrer leurs secrets. Il y a "l'apôtre à la tête de philosophe" avec sa barbe fleurie, celui "à l'air mélancolique" avec sa tête penchée, le jeune "Saint-Jean", mais aussi "l'acéphale" (privé de tête). Des deux autres oeuvres, encore richement colorées, ne reste que la partie inférieure.

Les statues repeintes plusieurs fois jusqu'à la Révolution

Les statues ont été transportées dans les laboratoires du C2RMF, dans les sous-sols du Louvre, pour être radiographiées, explique Alexandra Gérard, chef de la filière sculpture au département restauration du centre. "Cela a permis de mieux comprendre l'assemblage" des oeuvres. Une campagne de photos sous lumière UV (ultraviolet), qui rend fluorescentes certaines surfaces, a facilité le repérage des zones de rebouchage en plâtre qui ont "mal vieilli", ajoute-t-elle.

Mais c'est l'étude de la polychromie qui excite le plus les conservateurs du musée de Cluny et du C2RMF. En effet, les statues ont été repeintes à diverses reprises jusqu'à la Révolution, et il en reste des traces. Des micro-prélèvements ont été réalisés au scalpel puis enrobés d'une résine. Les échantillons ont ensuite été examinés sous un microscope électronique à balayage. La coupe stratigraphique obtenue, "un peu comme un sandwich", permet de voir les couches de couleurs, indique Alexandra Gérard.

Des reproductions en plâtre à la Sainte-Chapelle

Le collège apostolique de la Sainte-Chapelle, chef d'oeuvre de la sculpture du XIIIè siècle, a connu bien des vicissitudes dans la foulée de la Révolution. Les statues des douze apôtres qu'il abritait ont été déposées sans égards lors de la transformation du site en dépôt d'archives en 1797. Deux se sont alors brisées et ont été enterrées sous le pavement, et les dix autres envoyées au musée des Monuments français avant d'être dispersées.
L'intérieur de la Sainte-Chapelle à Paris, au XIXe siècle
 (Ann Ronan Picture Library / Photo12)
La révolution de 1830 a été encore plus dommageable : les émeutiers ont décapité quatre des apôtres dont les têtes ont été récupérées par une vieille femme pieuse. Dès les années 1840, l'architecte Félix Duban s'attelle à rassembler les douze statues - et leurs divers morceaux - pour les réinstaller dans la Sainte-Chapelle dans le cadre de sa rénovation. Mais les quatre statues décapitées et les deux brisées en 1797 sont jugées trop mutilées pour regagner le monument. On préfère réaliser des copies en plâtre, encore visibles actuellement à la Sainte-Chapelle avec les six apôtres originaux, repeints dans le goût romantique du XIXè siècle. Les originaux en mauvais état rejoignent le musée de Cluny et trois des statues finissent par retrouver leurs têtes.

Les analyses sur la polychromie se poursuivent, mais les conservateurs sont sur une piste. "La Sainte-Chapelle dans son état actuel propose une vision extrêmement colorée et chamarrée des apôtres, un peu à l'image des vitraux", souligne Damien Berné, conservateur du patrimoine au musée de Cluny. "Il semblerait qu'au XIIIè siècle, on ait eu affaire à une gamme chromatique très différente" qui "distinguait les apôtres" des célèbres vitraux.

Un appel d'offres pour la restauration des statues

Dans les prochains mois, le musée de Cluny lancera un appel d'offres en vue de la restauration des six apôtres. Au programme : nettoyage de surface complet, retrait "du badigeon moderne cache-misère" mais préservation des traces de polychromie, précise Damien Berné. Les joints entre les têtes et les corps seront aussi repris, ce qui pourrait modifier le port de tête des apôtres. Le "mélancolique" ne l'est peut être pas tant que ça...

Enfin, les statues seront dégagées de leurs socles massifs ajoutés au XXè siècle et qui ont fait disparaître les chevilles des apôtres. "Peut-être retrouvera-t-on le propriétaire légitime du petit pied 'charmant'" d'apôtre qui sommeille dans les collections du musée, espère le conservateur.

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