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Face aux grands monuments, le combat des associations pour valoriser le "petit patrimoine" parisien méconnu

Des associations de défense du patrimoine tentent de faire vivre au quotidien la riche histoire de la capitale, loin des circuits touristiques et des monuments emblématiques.
Article rédigé par Rudy Degardin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Vue du vaisseau central du cellier de la maison d'Ourscamp. (2017) (Louis Michaux / Paris historique)

Dans les sous-sols de la maison d’Ourscamp, enfouis sous un tas de gravats, un magnifique cellier médiéval. C’était il y a pile soixante ans. L’association Paris Historique, fraichement créée, se bat pour sauver le bâtiment de la rue François Miron, insalubre et voué à la destruction, comme une grande partie du quartier du Marais d'alors. "Si le bâtiment avait été rasé le cellier aurait disparu, puisqu’à l’époque on creusait pour faire des parkings", raconte Grégory Chaumet, actuel président de l’association et membre de la commission du Vieux Paris. Après d’âpres négociations, la Ville, propriétaire des lieux, accepte de céder un bail à l’association. Charge à elle de le restaurer. Sont ainsi sauvés au sous-sol, les derniers vestiges de cette maison occupée au XIIIe siècle par les moines cisterciens venus faire commerce dans la capitale (et dérogeant à la règle de Saint Benoit). Un pan de l'histoire parisienne sauvé au prix de l'engagement de centaines de passionnés.

Maison d'Ourscamp en 1964. (Daniel Levy / Paris historique)

De la façade au toit, en passant par la cour et l’escalier, l’immeuble datant du XVIe a depuis retrouvé de sa superbe. Seul subsiste encore le chantier au sous-sol. "Depuis soixante ans, nous nous sommes fixés l’objectif de restaurer ce cellier médiéval, mais les autres travaux ont pris le dessus, et ce n’est que maintenant que nous démarrons ce grand chantier", explique Grégory Chaumet.

La maison d'Ourscamp, siège de l'association Paris historique. (2013) (Achille Bedeau / Paris historique)

Un combat quotidien

L’association (non subventionnée), qui fête ses soixante ans cette année, a pris de plein fouet la crise du Covid. "N’étant pas une entreprise, nous n’avons reçu aucune aide (de l’État)", explique-t-il. "Pour vous dire franchement, nous avions depuis vingt-et-un ans une salariée que nous avons dû licencier". Aujourd’hui, Paris Historique ne regroupe que des bénévoles, une centaine environ. 

Paradoxalement, si le chantier du cellier attire d'importants dons de la Fondation du patrimoine et de la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, l’association peine à recruter de nouveaux adhérents, manne financière pourtant essentielle afin de faire vivre la structure et mener d'autres combats. "C’est exactement le même paradoxe que pour Notre-Dame, explique Grégory Chaumet. Il y a des centaines de millions d’euros qui sont mis pour reconstruire la cathédrale, mais à quelques pas, des églises s’effondrent".

Caché par les monuments emblématiques de la capitale, le patrimoine vernaculaire peine à intéresser le plus grand nombre. Non loin du Marais, et en excellent état, la tour Jean sans Peur figure, comme la maison d'Ourscamp, parmi les derniers vestiges du riche passé médiéval de la capitale. Ouverte depuis 1999, mais en dehors des grands circuits touristiques, elle demeure peu connue du grand public. Rémi Rivière, directeur de l’association d’archéologues et d’historiens qui gère le monument, confie qu’il est "très difficile de faire vivre ce petit patrimoine, car il y a un mal fou à pouvoir générer du chiffre d’affaires". Après avoir essayé tout au long de sa carrière d'ouvrir au public la tour Saint-Jacques, le pavillon de l’Ermitage et la barrière du Trône, l’ancien archéologue constate avec dépit qu’il est parfois plus rentable de transformer un monument en café ou de le louer pour des événements privés. La valorisation de ce patrimoine est dès lors dans les mains de ces passionnés qui ne ménagent pas leurs efforts. 

Vue extérieure de la tour Jean sans Peur (contre plongée). (Ass. Amis tour Jean sans Peur)

Des destructions silencieuses

Protéger le patrimoine vernaculaire, c’est aussi se confronter à un sentiment d’impuissance. Le nouveau plan local d’urbanisme présenté par la Ville de Paris va permettre de protéger davantage les façades et le gabarit des immeubles, parfois victimes de surélévation. "Le problème, c’est que ça ne protège pas les intérieurs", prévient Grégory Chaumet qui déplore ces destructions cachées.

Membre de la commission du Vieux Paris, il traite de nombreux dossiers, dont "place d'Iéna, un très beau bâtiment aux intérieurs somptueux. Le propriétaire souhaite faire des bureaux, ce qui le pousse à vouloir détruire tous les étages dont une superbe cage d’escalier avec des vitraux datant de la fin du XIXe". Difficile de préserver ce patrimoine à l'abri des regards. "La seule manière de le protéger serait le classement ou l’inscription aux Monuments historiques. Mais pour l’inscrire, il faudrait l’accord du propriétaire (ce qu'il refuserait) et le classement pourrait prendre plusieurs années. D’ici là, beaucoup de catastrophes peuvent être faites", constate-t-il, désarmé.

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