En Syrie, le souk de Homs tente d'effacer les traces de la guerre
Dans cette ville du centre de la Syrie surnommée "capitale de la révolution" par les opposants au président syrien Bachar al-Assad au début du soulèvement en 2011, les autorités veulent effacer les stigmates des combats.
Première localité à avoir pris les armes contre le régime en 2012, Homs a finalement été reprise par les forces gouvernementales. Mais la reconquête de la Vieille ville s'est faite après des combats féroces et un siège hermétique.
Près de la place de l'Horloge, où passa un temps la ligne de démarcation entre zones rebelles et gouvernementales, des ingénieurs inspectent les canalisations qui fuient et les fils électriques qui pendent dans le souk. Certaines allées sont bloquées par des gravats. Dans d'autres, l'herbe croît dans les interstices des pavés détruits.
Des bombes et des explosifs dans les décombres
"Enlever les décombres est une opération dangereuse. Nous avons trouvé des bombes et des explosifs", témoigne auprès de l'AFP, Ghassan Jansiz, qui supervise les travaux mis en oeuvre par le Programme de développement des Nations unies (Pnud)."Nous tentons de restaurer le souk tel qu'il était il y a 100 ans pour un coût de quelques centaines de milliers de dollars", poursuit cet architecte de 44 ans. Les travaux sont prévus sur deux ans, avec quatre phases de six mois : nettoyage, documentation, rénovation et reconstruction.
Un marché érigé au 13e siècle
Erigé au 13e siècle sous la dynastie des Ayyoubides fondée par Saladin, enrichi sous le Sultanat mamelouk (14e et 15e siècles) et durant la période ottomane (16e-20e siècles), le marché couvert a changé plusieurs fois de mains. Les insurgés s'en emparèrent en 2012 avant de l'abandonner à l'armée en avril 2014 lorsqu'ils quittèrent la ville à la suite d'un accord. "Les hommes armés l'utilisaient comme point de passage plutôt que comme champ de bataille, c'est pour cela que le souk n'est pas trop abimé", a affirmé à l'AFP un responsable du gouvernorat de la province.Le souk de Homs ressemble à ceux de Damas et d'Alep, mais en plus petit. Il comprend 13 marchés et 982 magasins, selon Maamoun Abdulkarim, directeur du Patrimoine et des Antiquités de Syrie. La quasi-totalité des échoppes sont pour le moment abandonnées. Certaines sont sans verrou, sans porte, les murs d'autres échoppes portent des traces d'incendie ou sont par endroits criblés de balles.
"Il y a 40 ans, l'équivalent des Champs-Élysées d'une ville de province"
Seuls des coffres-forts couverts de poussière rappellent la richesse passée. "Il y a 40 ans c'était l'équivalent des Champs-Élysées d'une petite ville de province. Tout le monde s'y retrouvait. C'était le lieu où se rencontraient tous ceux qui travaillaient (...) le bois, le cuivre, l'or, l'argent, les marchands de tissus, les parfumeurs", se souvient l'ancien représentant de l'Union européenne à Damas Anis Nacrour, originaire de Homs."Le soir, en rentrant de l'école, on faisait un détour juste pour humer l'air du temps, d'autant qu'il y avait d'excellents pâtissiers et de délicieux jus de fruits frais. On y allait en bande ou en famille pour voir et être vu", confie à l'AFP ce diplomate français avec nostalgie.
Au total, 70 personnes travaillent sur le chantier, des ingénieurs, des ouvriers et des étudiants de la faculté d'ingénierie. Les travaux prévoient l'installation de quatre portes principales, la réhabilitation de 200 magasins et la documentation historique du lieu, selon le directeur du Pnud Tareq Safar.
Les commerçants commencent à revenir
Une dizaine de commerçants sont déjà revenus. Abdel Salam Salqini place avec soin ses chocolats en pile. "Je viens de recevoir mon 200e client", dit ce quadragénaire avec un grand sourire. "J'ai repris en avril, vous ne pouvez pas imaginer ma joie quand j'ai revu mes vieux clients venir de Beyrouth, de Damas et de Tartous (ouest). Ils sont venus dès qu'ils ont su que j'en fabriquais à nouveau", ajoute cet homme qui a hérité cette affaire de son père."J'avais onze employés mais maintenant je suis tout seul", tempère-t-il en confiant n'avoir que deux ou trois clients par jour. Une cliente, Oum Mamoun le salue chaleureusement. "À chaque fête, je venais en ville pour lui acheter du chocolat , mais je ne l'avais plus fait depuis le début de la guerre".
"Sauver le souk de Homs est un vrai défi", relève le chef des Antiquités, Maamoun Abdulkarim, qui veut refaire les toits bombés "comme ils étaient à l'époque". Mais, "c'est un projet important pour l'image d'une ville qui a joué un rôle important de l'époque romaine jusqu'à l'empire ottoman".
(Avec le reportage écrit de l'AFP de Maher Al Mounes)
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