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Un fragment de mâchoire prouve que nos ancêtres ont vécu en altitude au Tibet il y a 160 000 ans.

L'étude d'un fragment de mâchoire démontre que l'homme de Denisova identifié en Sibérie vivait aussi sur le plateau tibétain il y a 160 000 ans. Cette découverte est une immense surprise pour les scientifiques. Cette branche de l'humanité, très proche de l'homme de Néandertal a ainsi prouvé son adaptation précoce à l'altitude.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un archéologue analyse des pièces découvertes dans la grotte de Denisova (Sibérie) où ont été trouvés les restes d'un homidé rataché à un groupe frère de l'homme de Néandertal. (ALEXANDR KRYAZHEV / SPUTNIK)

Une mandibule robuste avec de grandes dents trouvée dans une grotte à 3 300 m d'altitude révèle que l'homme de Denisova, groupe frère de l'homme de Néandertal, vivait sur le plateau tibétain il y a 160 000 ans, une "surprise", selon des chercheurs.


L'étude de ce fossile démontre que l'homme de Denisova, mystérieuse espèce éteinte identifiée en 2010 grâce à l'analyse de l'ADN ancien d'un petit os de doigt trouvé dans la grotte de Denisova, dans l'Altaï (Russie), était présent non seulement en Sibérie du Sud mais aussi en Chine.


Elle constitue aussi la preuve que ce cousin lointain de l'homme était déjà adapté aux hautes altitudes bien avant l'arrivée de l'homme moderne dans cette région, soulignent les scientifiques découvreurs dans la revue Nature.

Des protéïnes pour dater le fragment d'os

Cette fois-ci, ce n'est pas l'ADN qui a parlé mais des protéines anciennes qui
ont pu être extraites d'une molaire encore présente sur la mâchoire. Une technique nouvelle, développée en Allemagne par l'équipe de Jean-Jacques Hublin à l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig.


Cette découverte est d'importance car jusqu'à présent les paléoanthropologues ne disposaient que de petits fragments d'os trouvés à Denisova, ne permettant pas du tout de savoir à quoi pouvait ressembler cette espèce.


Ce que l'on sait aussi, c'est que l'ADN denisovien a subsisté à l'état de trace
dans des populations actuelles d'Asie, notamment au Tibet et dans les régions environnantes. Les populations autochtones d'Australie et de Mélanésie sont celles qui en ont conservé le plus.

En chemin vers l'Australie

"Pour que notre ancêtre Homo sapiens, en chemin pour coloniser l'Australie, ait rencontré ces Denisoviens, il a bien fallu qu'il y en ait ailleurs que dans l'Altaï, probablement dans une grande partie de l'Asie continentale", déclare à l'AFP le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin. La mandibule chinoise en apporte la preuve matérielle. Le fossile provient de la grotte de Baishiya, un sanctuaire bouddhiste à Xiahe, dans la province chinoise du Gansu.

Une histoire digne de Tintin

La mandibule a été découverte en 1980 par un moine qui en a fait don au sixième "Bouddha vivant" qui l'a ensuite transmise à l'université locale de Lanzhou. Là, le fossile a sommeillé longtemps jusqu'à ce que des chercheurs de l'université décident de l'étudier.


"Un beau matin, alors que j'étais en vacances, j'ai reçu un mail d'une collègue chinoise, Dongju Zhang, qui m'envoyait des photos de la mandibule. J'ai tout de suite vu que c'était quelque chose d'extraordinaire", raconte M. Hublin. Il s'agit d'une mandibule "extrêmement robuste, avec des dents de très grande taille". Son propriétaire avait "le menton fuyant".

Au minimum 160 000 ans

La mandibule est recouverte d'une croûte de carbonate qu'un laboratoire de Taïwan s'est chargé de dater, établissant qu'elle avait au minimum 160 000 ans. Cet âge minimal correspond à celui des plus vieux spécimens de la grotte de Denisova.


Une recherche d'ADN ancien sur la mandibule n'a rien donné. Mais "l'analyse des protéines montre que la mandibule de Xiahe appartient à une population d'homininés proches des Denisoviens de la grotte de Denisova", souligne Frido Welker, de l'Université de Copenhague.

Une mandibule qui change tout

L'analyse morphologique de la mandibule permet de voir que l'individu partageait des caractéristiques anatomiques de l'homme de Néandertal et de l'homme de la grotte de Denisova. D'après ses dents, il s'agissait vraisemblablement d'un adolescent.


Jean-Jacques Hublin se réjouit: "Nous allons pouvoir comparer ce fossile à d'autres spécimens non identifiés des collections chinoises". L'extraction d'ADN ancien, sensible aux conditions environnementales, n'a pas marché sur eux mais celle de protéines anciennes pourrait être plus fructueuse. "Mon hypothèse, c'est qu'une bonne partie des fossiles chinois ou d'Asie de l'Est plus vieux que 50 000 ans et plus récents que 350 000 ans sont probablement des Denisoviens".


Autre sujet d'enthousiasme: "Avoir des êtres, quand même assez archaïques, qui vivaient sur le plateau tibétain à une telle altitude il y a 160.000 ans, c'est
quelque chose que personne n'avait imaginé".

Un ADN que l'on retrouve chez les Tibétains d'aujourd'hui

Une étude récente parue fin 2018 dans Science avait mis en évidence la présence d'humains à haute altitude sur le plateau tibétain il y a environ 30 000 à 40 000 ans. "Là, c'est quatre fois plus ancien et ce n'est pas un Homo sapiens moderne !", s'exclame-t-il. Cela démontre que les Denisoviens se sont adaptés à un environnement pauvre en oxygène bien avant qu'Homo sapiens n'arrive dans la région.

Cela permet de comprendre pourquoi ils avaient un gène particulier pour respirer à haute altitude. Un gène que l'on retrouve d'ailleurs chez les habitants actuels du Tibet et des régions environnantes, qui possèdent un peu d'ADN venant des Denisoviens.

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