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Guyane : des sites archéologiques amérindiens mis au jour

De nombreux sites amérindiens de la période précolombienne font l'objet de fouilles archéologiques. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Vue aérienne du site de Yaou (est de la Guyane), 2006. Au premier plan apparaissent les dégradations anciennes de l'orpaillage traditionnel, qui ont modifié le tracé initial du cours d'eau. (Inrap)

Les Journées nationales de l'archéologie, qui ont lieu du 14 au 16 juin 2019, sont l'occasion de découvrir certains des nombreux sites amérindiens du département. Entretien avec Jean-François Modat, directeur adjoint scientifique et technique Antilles-Guyane à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

Franceinfo Culture: Les découvertes de sites archéologiques amérindiens sont-elles fréquentes en Guyane?


Jean-François Modat: On en trouve un peu partout. A l’époque précolombienne, tout le territoire du département était occupé, notamment la forêt. Mais aujourd’hui, la plupart des fouilles sont menées sur le littoral. Les populations amérindiennes, installées sur des dunes sableuses qui constituent de légers reliefs, y exploitaient les ressources maritimes. Comme chantiers archéologiques récents, il y a ainsi eu celui de Rémire-Montjoly (nord-ouest) ou ceux entrepris en lien avec la base de Kourou, Eva 2 et Luna 2. L’existence du centre spatial nous donne en effet l’occasion d’exploiter de très grandes surfaces. 

Sur ces sites, on trouve notamment des trous de poteaux, sur lesquels étaient posées les structures d’habitation, ainsi que des tombes.

En forêt, il n’est pas possible de mener des opérations archéologiques?

On y fait très peu de fouilles en sous-sol car elles sont évidemment plus compliquées à réaliser. Pour autant, nous faisons des prospections et des études, notamment grâce à l’imagerie numérique collectée par des radars. On y découvre le même type de structures que sur le littoral. Mais il y a aussi ce qu’on appelle les "montagnes couronnées", plateformes entourées de grands fossés. Dans le département, il existe des centaines de ces structures, connues depuis longtemps mais sur lesquelles on dispose de très peu d’informations.

Jatte en terre cuite d'époque améridienne, découverte en 2009 à Wayabo sur la commune de Kourou (nord-ouest de la Guyane) (Jérôme Briand, Inrap)

Quels types d’objets trouve-t-on sur les sites ?

Des objets en pierre : lames, lamelles, pointe de flèche, haches polies... Les haches sont également parfois façonnées à partir de coquillages. On trouve aussi des éléments en terre cuite, notamment des vases. Certains sont caractéristiques de ce que l’on découvre ailleurs en Amérique du Sud. Ils peuvent être recouverts de décors peints, avoir des formes anthropomorphiques (motifs humains) ou animales (pattes de canard, ailes d’oiseau…). Il y a également des bijoux avec des perles en verre.

A quand remontent toutes ces découvertes ?

Les datations des sites s’étalent de 5000 avant notre ère au XV-XVIèmes siècles de notre ère, ce que l’on appelle la "période de contact"  (avec les Européens à partir des XVI et XVIIèmes siècles, NDLR).

Vous dites que toute la Guyane était peuplée à l’époque amérindienne. Peut-on estimer le nombre d’habitants avant la "période de contact" ?

La quantification est évidemment difficile car on ne connaît pas tous les sites. Apparemment, il y a eu une hausse démographique entre le IXe et le XIIIe siècle de notre ère. Au XVIIe, près de 9500 Amérindiens occupaient le littoral guyanais. Par la suite, cette population a décliné pour atteindre moins de 500 individus dans la deuxième moitié du XVIIIe. A la fin des années 1970, on dénombrait environ 3300 Indiens. Ils représenteraient aujourd'hui actuellement 5% de la population guyanaise, soit entre 6000 et 9000 personnes, selon la collectivité territoriale de Guyane, 10 000 selon d'autres sources.

Perles en verre mises au jour sur le site de Eva II à Sinnamary (ouest de la Guyane) en 2005. (Martijn van den Bel, Inrap)
Comment expliquer cette baisse entre le XVIIe et le XVIIIe?

Beaucoup sont morts à cause des maladies apportées par les Européens. Ceux-ci ont aussi malmené les populations amérindiennes. Il y a par ailleurs eu entre elles des luttes fratricides et mortelles. De leur côté, les colons, qui avaient des vues sur leurs richesses, ont mis en place des jeux de pouvoir en favorisant certaines populations au détriment d’autres.

En quoi l’archéologie aide-t-elle à mieux connaître l’époque précolombienne ?

Chaque site, chaque objet découvert apporte des éléments sur la culture et la chronologie, même si l’on ne peut pas toujours les dater avec précision. D’une manière générale, les grandes chronologies sont calées. Mais de nombreux programmes scientifiques sont encore nécessaires pour les affiner.

Ce passé, que l’archéologie aide à découvrir, a-t-il été occulté à l’époque coloniale?

Je ne dirais pas qu’il a été occulté. Disons que le temps amérindien est passé au second plan quand les Européens ont découvert ces territoires. D’autant que la mémoire de ces populations est basée sur le langage alors que celle des Européens l’est sur l’écrit et l’image. Il y a eu un phénomène d’acculturation : les connaissances et les savoir-faire des Amérindiens ont disparu. Mais aujourd’hui, leurs descendants sont très friands de retrouver leurs racines.

Représentation d'un animal (un chien?), remontant aux XIII-XVIe siècles et découverte lors de fouilles en 2009 à Macouria (nord-est de la Guyane).  (Pierre Texier, Inrap)

Quel est le programme des JNA en matière d’archéologie amérindienne?

A Régina, nous organiserons des ateliers à destination des scolaires avec des mallettes pédagogiques sur les céramiques précolombiennes. Et au centre de recherches archéologiques de Cayenne, nous présenterons les résultats des fouilles et le matériel découvert.

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