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Gabon : la grotte d'Iroungou, vestige inespéré d'une Afrique médiévale méconnue

Fin 2018, Richard Oslisly, géo-archéologue passionné, découvrait dans le sud du Gabon une cavité recelant des squelettes et objets du 14e siècle. Un an plus tard, ces vestiges commencent à dévoiler leurs secrets.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Archéologues et anthropologues français observent des restes mis au jour dans la grotte d'Iroungou, au Gabon, le 3 mars 2020 (PASCAL MORA / ARCHEOVISION / AFP)

C'est au fond d'une grotte cachée dans la dense forêt gabonaise que l'enquête scientifique lancée par le géo-archéologue français Richard Oslisly a débuté, offrant l'espoir fou d'éclaircir quelques mystères d'une Afrique centrale dont l'histoire demeure méconnue. À la fin de l'année 2018, ce passionné a mis au jour, dans le sud du Gabon, cette cavité recelant de nombreux squelettes humains et objets datant de l'époque médiévale.

Au bout des 25 mètres de corde nécessaires pour en toucher le fond, le chercheur a découvert une véritable caverne d'Ali Baba pour scientifiques. Dans la grotte baptisée Iroungou, près de 30 squelettes, plus de 500 objets métalliques majoritairement en fer - couteaux, haches, pointes de sagaies, bracelets, colliers - et 39 dents percées de panthères et de hyènes ont été retrouvés, dispersés sur trois niveaux et datant du 14e siècle.

"Une découverte unique en Afrique"

Un an après cette découverte, le chercheur français commence seulement à faire parler ces vestiges : une équipe d'anthropobiologistes est partie récemment à la découverte de ces ossements qui suscitent l'excitation et l'espoir de la communauté scientifique de cette partie du continent. "C'est une découverte unique en Afrique, car les restes humains y sont quasi inexistants", s'émerveille auprès de l'AFP Richard Oslisly, 69 ans, à la tête de cette expédition financée par l'Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et la direction Environnement et Développement durable du groupe singapourien Olam, très présent au Gabon pour ses palmiers à huile.

"Cette grotte va nous permettre d'en connaître un peu plus sur ces peuples d'Afrique centrale, largement méconnus de l'histoire", s'enthousiasme-t-il dans son bureau de Libreville rempli d'antiquités locales. En Afrique subsaharienne, "les sols sont très acides et tout ce qui est d'origine animale et humaine se décompose très rapidement", souligne Geoffroy de Saulieu, archéologue pour l'Institut de Recherche pour le développement (IRD). "C'est exceptionnel d'avoir ce type de vestiges."

Des datations au carbone 14 sur une dizaine de fémurs ont permis de fixer l'âge de ces restes humains au 14e siècle. Une découverte d'une grande valeur car ici, les traces du passé sont rares aussi parce que la recherche archéologique a été tardive et demeure largement sous-financée.

Au Gabon, les premières sources écrites datent de l'arrivée des Européens

Les premières sources écrites au Gabon datent de l'arrivée des Européens, qui débarquent sur les côtes à la fin du 15e siècle. Mais il faut attendre le 19e siècle pour que les explorateurs s'enfoncent dans ses terres recouvertes en quasi-totalité par une forêt aussi majestueuse que menaçante.

Quant aux sources orales - l'histoire des clans, des familles transmise de génération en génération dans les villages -, "elles ne permettent de remonter qu'à un ou deux siècles", fait remarquer Louis Perrois, un anthropologue français qui a retranscrit les traditions orales d'une bonne partie du pays à la fin des années 1960.

Dans les villages autour d'Iroungou, les chercheurs ont bien interrogé les Anciens. En vain, personne ne connaissait l'existence de cette grotte et les villageois n'ont aucune idée de qui pouvaient être ces hommes et ces femmes.

"Trouver peut-être les héritiers de ces squelettes"

Des molaires ont été envoyées dans un laboratoire en France pour des analyses ADN. Les chercheurs pourront ainsi compter sur une solide base ADN de données salivaires des populations compilée dans toute l'Afrique centrale par des linguistes pour "croiser les données et, peut-être, trouver les héritiers de ces squelettes", espère Richard Oslisly, toujours aussi mordu après plus de 35 années de recherches au Gabon et au Cameroun.

Deux anthropobiologistes, spécialistes de pathologie osseuse, s'activent au fond de la grotte pour faire parler ces ossements. "Nous allons en savoir plus sur le régime alimentaire des personnes inhumées, les maladies qu'ils ont pu contracter au cours de leur vie", espère Richard Oslisly. "Mais aussi et surtout savoir de quoi ils sont morts."

Iroungou a révélé un héritage quasi unique : hormis une accumulation d'ossements humains mise au jour dans les années 1960 à Benin City, dans le sud du Nigeria, c'est la seule grotte sépulcrale découverte à ce jour dans cette région du monde.

L'hypothèse d'une Afrique touchée par la peste

Or, les ossements de Benin City et d'Iroungou datent tous deux du 14e siècle. Une époque où de nombreuses civilisations africaines se seraient effondrées, selon plusieurs historiens. Au même moment, la grande peste ravage l'Europe et l'Asie. Et si cette maladie avait frappé sur le continent africain ? s'interrogent les chercheurs.
Une hypothèse à laquelle la découverte de Richard Oslisly pourra peut-être répondre. "À Benin City, les ADN n'ont pas été conservés, alors qu'à Iroungou les ossements sont en très bon état", explique l'archéologue Geoffroy de Saulieu.

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