A Rennes, une vente aux enchères redonne vie au mouvement artistique breton Seiz Breur
Il fête ses cent ans cette année. Le mouvement artistique Seiz Breur, né dans l'entre-deux-guerres en Bretagne, est mis à l'honneur lors d'une vente aux enchères inédite, ce jeudi 13 juillet. Quelque 300 œuvres seront exposées au Parlement de Bretagne à Rennes, à cette occasion.
"Installer un art breton"
Les Seiz Breur, les "Sept frères" en breton, avaient pour ambition de s'inscrire dans le tissu culturel et économique local, en créant des pièces de mobilier, céramiques ou peintures du quotidien. "Les mouvements artistiques en Europe accompagnent les transformations sociales et politiques de leur époque", développe Tangui Le Lonquer, spécialiste des Seiz Breur. Par exemple, "le mouvement Arts & Crafts, en Grande-Bretagne, s'est construit en réaction à la révolution industrielle pour promouvoir l'amour du travail bien fait dans des conditions décentes, artisanales plutôt qu'industrielles", poursuit l'expert.
De la même manière, en Bretagne, au début du XXe siècle, "les jeunes artistes Seiz Breur ont remis en cause (...) la sédation culturelle que la Bretagne subissait depuis le Second empire (...) pour installer un art breton, puisant dans son passé historique et légendaire mais résolument universaliste et d'avant-garde", analyse Tangui Le Lonquer.
L'ambition des artistes, tous dans leur vingtaine lors de la création de leur collectif, est de croiser plusieurs disciplines : architecture, artisanat, décoration, ameublement, mais aussi sculpture, peinture, musique ou littérature.
Fin de partie en 1947
L'originalité et la qualité de leurs travaux sont repérées par la critique. En 1925, ils présentent leurs œuvres lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs. Une première, avant d'être chargés, douze ans plus tard, en 1937, de réaliser l'essentiel du pavillon de la Bretagne à l'Exposition universelle à Paris. Mais la Seconde Guerre mondiale porte un coup d'arrêt au mouvement. Si plusieurs membres du collectif se sont illustrés dans la résistance, d'autres ont collaboré. Discrédités, la soixantaine d'artistes se disperse en 1947.
Parmi les pièces emblématiques mises en vente jeudi figurent un globe de René-Yves Creston, réalisé dans le cadre de l'exposition coloniale de 1931, du mobilier de Jeanne Malivel, peintre et membre fondatrice du mouvement Seiz Breur. Mais aussi la sculpture en chêne massif, L'Islandais, de Joseph Savina, un "hommage aux marins bretons qui partaient dans les mers du nord pêcher la morue, dans un environnement hostile et dangereux".
De quelques euros à 24 000 euros
Côté tarifs, les prix vont de quelques dizaines d'euros pour des dessins originaux de scènes portuaires à une estimation comprise entre 12 000 et 24 000 euros pour le globe de Creston, "une faïence émaillée polychrome rehaussée d'or", a détaillé à l'AFP Carole Jézéquel, commissaire-priseur.
Plusieurs acheteurs potentiels ont déjà manifesté leur intérêt pour la vente. Notamment Loudéac (Côtes d'Armor), la ville de la fondatrice Jeanne Malivel, décédée à 31 ans, en 1926. Plus surprenant, une institution américaine, le Wolfsonian Institute de Miami, qui accueille la plus importante collection des Seiz Breur conservée hors de Bretagne, est elle aussi sur les rangs. Dernier membre du casting, un ancien diplomate, qui "s'est intéressé aux avant-gardes artistiques européennes [...] il est le premier à avoir compris l'importance du mouvement Seiz Breur dans le contexte européen", selon Tangui Le Lonquer.
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