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A la tête de la "Maison des cultures du monde" de Berlin, le Camerounais Bonaventure Ndikung veut en faire une vitrine du multiculturalisme postcolonial

Le nouveau directeur artistique de la Haus der Kulturen der Welt (HKW, Maison des cultures du monde), à Berlin, souhaite transformer ce lieu longtemps emblématique de l'hégémonie occidentale.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Bonaventure Ndikung, le directeur artistique du musée Haus der Kulturen der Welt (HKW-Maison des cultures du monde), s'adresse aux journalistes de l'AFP devant l'institution, à Berlin , le 29 juin 2023. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Bonaventure Ndikung, l'une des rares personnalités nées en Afrique à diriger une grande institution culturelle allemande, veut mettre à l'honneur le multiculturalisme postcolonial dans un lieu longtemps emblématique de l'hégémonie occidentale à Berlin. "Nous voulons transformer la maison des cultures du monde (Haus der Kulturen der Welt ou HKW)", explique à l'AFP son nouveau directeur, né à Yaounde en 1977 dans une famille anglophone camerounaise et venu étudier à 20 ans en Allemagne.

"Le monde sous différents angles"

Rouverte en juin après travaux, cette institution avait été érigée par les Américains en 1956, en pleine Guerre froide, dans un but de propagande face à l'Allemagne de l'est communiste. "Installé non loin du mur pour que les citoyens de RDA puissent le voir, le bâtiment (qui s'appelait alors Palais des Congrès, ndlr) était destiné à représenter la liberté d'un point de vue occidental", rappelle Bonaventure Ndikung, âgé de 46 ans. Il veut désormais que ce lieu "regarde le monde sous différents angles". Surnommé par les Berlinois "l'huître enceinte", ce bâtiment aux courbes spectaculaires, posé au bord de la Spree, n'a pas de collections propres mais dispose de salles d'exposition et d'un auditorium de 1000 places.

Premier projet de Bonaventure Ndikung : Quilombismo, issu du terme brésilien "Quilombo", désignant ces communautés formées dès le 17e siècle par les esclaves africains ayant fui dans des régions reculées du Brésil. Pendant tout l'été sont présentés des performances, des concerts, des films, des discussions et une exposition d'œuvres d'art contemporaines provenant de sociétés postcoloniales d'Afrique, Amérique, Asie et Océanie. "Nous avons essayé de repenser l'espace et invité des artistes à peindre les murs (...) et même le sol", raconte-t-il. Collé au plancher, on peut voir, le temps de Quilombismo, un entrelacs de tresses africaines stylisées, symboles de libération du peuple noir, imaginées par l'artiste zimbabwéenne Nontsikelelo Mutiti. "Afin de fuir les plantations, les gens tressaient leurs cheveux d'une certaine façon pour indiquer quel chemin prendre", commente-t-il.

Hommage aux femmes "restées dans l'ombre"

La recherche de l'esthétisme de Bonaventure Ndikung transparaît jusque dans son allure : costume et couvre-chef coloré, énormes bagues aux doigts, il passe rarement inaperçu. Titulaire d'un doctorat en biotechnologie médicale, ce fils d'anthropologue a travaillé comme ingénieur avant de se consacrer à l'art. En 2010, il a fondé à Berlin la galerie Savvy, lieu permettant de confronter l'art occidental à ceux venus d'ailleurs, et a été l'un des curateurs en 2017 de la Documenta, prestigieux rendez-vous d'art contemporain, dans la ville allemande de Cassel.

Parti du constat que "l'Histoire a été écrite par certains types de personnes, la plupart du temps des hommes blancs", Bonaventure Ndikung a fait rebaptiser toutes les salles du HKW de noms de femmes "restées dans l'ombre" qui "ont fait avancer le monde". Parmi elles, la Française Paulette Nardal, née en Martinique en 1896, inspiratrice du courant littéraire de la négritude et première femme noire à avoir étudié à la Sorbonne.

Restitution 

Sa nomination à la tête de HKW s'inscrit dans un contexte de prise de conscience du passé colonial allemand, longtemps occulté par les horreurs commises sous le IIIème Reich. Ces dernières années, l'Allemagne a commencé à restituer des objets spoliés aux pays africains qu'elle occupait au début du XXe siècle (Burundi, Rwanda, Tanzanie, Namibie et Cameroun). "Ceci n'a que trop tardé", estime-t-il.

Parmi ses rêves : fonder un musée au Cameroun "mêlant des objets historiques et contemporains" venant de différents pays. "Si c'était possible, je l'installerais à Bamenda (chef-lieu de la région du Nord-Ouest du Cameroun, ndlr)", explique-t-il. "Mais en ce moment, il y a une guerre à Bamenda, donc je ne peux pas". Peuplée principalement par la minorité anglophone du pays, cette région est depuis fin 2016 le théâtre d'un conflit meurtrier opposant les rebelles séparatistes à l'armée et la police. Les deux camps sont régulièrement accusés par les ONG internationales et l'ONU de crimes contre les civils.

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