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Xscape : quand les producteurs font joujou avec Michael Jackson

Xscape, deuxième album posthume de Michael Jackson, doit paraître le 12 mai. Composé de morceaux qui utilisent des parties vocales enregistrées avant la mort du chanteur le 25 juin 2009, le disque a été confié à des stars de la production et notamment Timbaland, pour habiller les voix et remettre au goût du jour le "son" Michael. L'écoute de l'album, organisée mercredi soir par Sony Music dans un palace parisien, donne un avant-goût mitigé de cette nouvelle tentative post-mortem.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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"Merci de ne pas divulguer le nom des chansons de cet album ", "Nous vous invitons à publier vos chroniques près de la sortie de l'album " : les petits papiers qui vous attendent sur les sièges de la salle louée par Sony dans le palace sont cordiaux mais explicites, tout comme les explications du patron d'Epic France : "Merci de ne pas donner le tracklisting, pour ne pas rendre nos amis américains -qui n'ont pas encore entendu le disque- trop jaloux, mais aussi parce que l'ordre des chansons n'est pas définitif ".

Un peu, d'ailleurs, comme la façon d'utiliser le patrimoine musical de Michael Jackson : rien n'est définitif et en voici une nouvelle preuve. Si le premier album posthume était plutôt à classer catégorie "ratage vite ficelé ", celui-ci n'est pas dénué d'interêt dans cet exercice ambitieux : permettre au King de la Pop d'aborder le XXIe siècle sans prendre une ride.

Pour ça, tous les artifices sont bons : multiplier les infrabasses, les rythmiques électroniques façon jungle music, monter en boucle des gimmicks "clin d'œil" et faire appel, façon madeleine de Proust, à des ambiances déjà visitées dans des tubes de Jackson au plus fort de sa carrière solo, de 1979 (Off The Wall) à 2001 (Invincible).

Le règne de l'infra-basse

C'est souvent l'élément-clé auquel ont eu recours les producteurs de ce disque (Timbaland, Rodney Jerkins, Stargate, Jerome "JRoc" Harmon et John McLain), dont les prestations ne sont pas pour autant détaillées : impossible de savoir, pour le moment, qui a travaillé sur quoi. Le directeur du label Epic, L.A. Reid, précise juste que le label a eu accès à près de quarante ans d'archives sonores conservées par les ayant-droits du chanteur. D'où l'impression que se côtoient, parfois dans le même morceau, des parties de voix d'un Michael tout jeune et celles enregistrées des années plus tard, quand le timbre a changé.

Néanmoins la "patte" Timbaland domine l'affaire, de ses beats dévastateurs et savants, parfois même trop, pour la spontanéité des titres. D'ailleurs certains, noyés sous les effets, transforment à outrance les parties vocales, jamais entendues, qui restent pourtant le principal atout de ce disque (le pas terrible Slave to the rythm, déjà en extrait de quelques secondes sur le net, mais aussi le touchant Gangster, qui mériterait plus de nudité). D'autres usent et abusent des tics de Jackson : entre les poussées de cris suraigüs, et autres ahanements familiers, on a l'impression de voir le King en personne s'attraper l'entrejambe en plein enregistrement, entre deux pas de moonwalk. Le hologramme sonore n'est pas loin.

Madeleine de Proust

Ailleurs, les saveurs sonores rappellent quelques souvenirs : le joyeux Love never felt so good (qui ramène instantanément aux tubes funk et sucrés de l'album des debuts solos Off the Wall), le titre A place with no name , son odeur de Leave me Alone et son gimmick-souvenir (qui rappelle le refrain de Horse with no name du groupe Chicago). Ailleurs on repère la lascivité sexy de Liberian Girl ou le chant teigneux d'un Michael période Bad (Blue Gangster ou le très inattendu Do you know where your children are , qui évoquerait l'inceste et la prostitution infantile.

Si quelques titres suscitent l'intérêt, la compétition de remix post-mortem n'est malheureusement jamais loin. A trop vouloir faire bien, on frôle souvent l'écueil de la surenchère d'effets, surtout quand un tel héritage constitue un terrain de jeu de choix pour les producteurs-stars du moment.

Un relooking si chargé peut aussi rater sa cible : le cœur d'un public qui a appris à aimer Michael Jackson version vintage, "dans son jus" d'époque, et, qui entend déja cette débauche sonore, dupliquée mille fois, dans les productions pop et r'n'b du moment chez Rihanna ou Beyoncé. Pour rappel, le premier album posthume Michael avait fait -malgré le battage-, un bide retentissant : à peine 150.000 exemplaires vendus.

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