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Un studio d’enregistrement dédié à la musique de films ouvre à Alfortville

Un studio d’enregistrement dédié à la musique de films vient d’être inauguré dans les locaux de l’Orchestre national d’Ile-de-France à Alfortville (Val-de-Marne). Une première en France. Culturebox a assisté à une séance exceptionnelle d’enregistrement de la musique du film d’animation "Minuscule 2" (en salles le 30 janvier), signée du jeune et talentueux compositeur Mathieu Lamboley.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6 min
Mathieu Lamboley dirige et enregistre la musique de "Minuscule 2"  au Studio de l'Orchestre national d'Ile-de-France à Alfortville
 (Christophe Urbain)

Parrainé par le compositeur Gabriel Yared, Le Studio a été conçu par des "professionnels de la profession", assistés d’experts, pour offrir aux musiciens et aux cinéastes les conditions techniques les plus récentes et optimales d’enregistrement.

Reportage : N. Bappel / M. Bona / V. jannet / T. Rousseau (France 3 Paris Ile-de-France)

Situé aux portes de Paris, Le Studio a pour objectif de faire revenir en France les enregistrements de musiques de films, souvent réalisés à Londres, en Belgique ou dans les pays de l’Est. Sa salle d’orchestre permet d’accueillir une grande formation symphonique avec chœur, alors qu’une petite salle peut être dédiée à des solistes, ou à des formations plus modestes, en enregistrement simultané.

Les prises de son sont possibles dans les deux formats professionnels les plus utilisés (stéréo et multicanaux 5.1), allant jusqu’à l’immersif Dolby Atmos qui équipe désormais certaines salles de cinéma.

Le compositeur Mathieu Lamboley : "ici tout a été conçu pour la musique de films"

Le compositeur de la musique de "Minuscule 2", Mathieu Lamboley, a essuyé les plâtres du nouveau studio. Nous avons assisté à une session d’enregistrement du côté "Grande salle" et de la cabine ou règnent son ingénieur du son accompagné d'assistants.

En quelques trois heures d’enregistrement, c’est  trois à quatre minutes de musique qui ont été enregistrées et mixées aux images. Un travail de direction d’orchestre par son compositeur, d’interprétation, et de synchronisme qui relève d’un travail d’horloger. La musique enregistrée accompagne une scène où les insectes de "Minuscules" embarquent à bord d’un étrange navire qui traverse un univers onirique, peuplé de chenilles endormies. Les images sont magnifiques. La partition est mystérieuse, atmosphérique, presque planante. Auteur de cette magnifique composition, Mathieu Lamboley nous livre ses impressions sur ce nouveau studio et parle de son approche de la musique de films.
Mathieu Lamboley dans Le Studio d'Alfortville avec son ingénieur du son Clément Cornuau (de dos)
 (Christophe Urbain)
Culturebox : Que représente pour vous la création d’un studio d’enregistrement uniquement dédié à la musique de films en France ?

Mathieu Lamboley : C’est quelque chose de très positif. Car en matière de musique de films, les délais sont souvent très courts. En premier lieu cela permet de ne pas avoir à partir à l’étranger pour enregistrer, puisque jusqu’à présent ce type de studio n’était disponible qu’hors de France. Donc, d’un point de vue pratique et organisationnel, c’est plus confortable. Le fait d’enregistrer en France permet entre autres d’économiser de la fatigue et d’être moins sous pression.

Ensuite, le fait d’enregistrer avec des musiciens français est un plus, car nous avons une très bonne école musicale en France. Pour tous les instruments, que cela soit les cordes, et notamment les bois, je trouve qu’on a des bois excellents en France, et ce n'est pas toujours le cas ailleurs.

Il demeure qu’à Londres il y a deux excellents studios d’un point de vue acoustique, Abbey Road et Air Studio, avec des musiciens qui ont l’habitude d’enregistrer de la musique de films. C’est un peu la solution premium. Bien sûr le Studio d’Alfortville ne va pas concurrencer ces deux lieux, mais en revanche quand on nous proposera d’aller enregistrer en Belgique ou dans les pays de l’Est, clairement on aura tout intérêt à rester en France pour la qualité de ses musiciens.
Matieu Lambolay dirige l'Orchestre national d'Ile-de-France (septembre 2018)
 (Jacky Bornet / Culturebox)
Ce qui ne veut pas dire que les musiciens de ces pays jouent moins bien. Mais dans les pays de l’Est, les instruments ne sont pas forcément les mêmes qu’ici, ils ont de très bons instrumentistes au niveau des cordes, mais tout ce qui est vents, bois, ou cuivres, c’est un peu plus délicat. En revanche en Belgique, ça joue très très bien, mais il faut aller dans un studio qui est assez éloigné. Donc avoir un studio juste aux portes de Paris est incomparable, et surtout avec un orchestre déjà constitué, c’est ça la valeur ajoutée. L’orchestre a l’habitude de jouer ensemble, on gagne du temps sur des réglages qui prennent parfois du temps quand les musiciens ne se connaissent pas, ne serait-ce que pour la justesse (notamment dans les bois, ou même les cuivres). En termes d’équilibre et de mise en place, cela représente un gain de temps considérable.

C : Quelles sont les particularités du Studio d’Alfortville ?

M. L. : Ne serait-ce qu’en termes de salle de concert, ici tout a été conçu pour la musique de films, car cela implique beaucoup de technologie, à savoir des réseaux casques, avec un nombre d’entrées un peu particulier. De ce point de vue, c’est tout le côté technique de l’infrastructure qui diffère. Mais c’est plutôt Clément (Cornuau), ingénieur du son avec lequel je travaille depuis des années, qui peut mieux répondre à cette question.

Clément Cornuau : En effet ce qui différencie un studio lambda d’un studio dédié à la musique de films, c’est d’abord le volume de la pièce d'orchestre. Elle doit pouvoir accueillir une formation symphonique ou philharmonique, ce qui représente beaucoup de monde, de 60 à 90 musiciens, parfois plus. L'Orchestre national d'Ile de France a 95 instrumentistes, auquel peut s'ajouter un choeur. Cet orchestre de très haut niveau est rataché au lieu. Cela implique aussi une salle bien équipée en termes de matériel, pour le réseau casques notamment afin que chaque musicien ait le sien, cela ne s’improvise pas. En termes d’études préliminaires et d’équipement, c’est très particulier.
La cabine d'enregistrement du Studio de l'Orchestre national d'Ile-de-France 
 (Jacky Bornet / Culturebox)
Et puis pour la musique de films, il faut aller très, très vite. Les temps sont très resserrés, on a peu de temps pour enregistrer beaucoup et du coup tout doit fonctionner vraiment rapidement. La préparation en amont doit être très précise. Il faut également des assistants qui connaissent parfaitement toutes les machines, le work flow et le process propres à la musique de films. C’est vraiment un milieu particulier. Ici tout a été construit et adapté pour cette pratique. On dispose d’un outil vraiment fonctionnel.

Sans parler des nombreux équipements vidéo, puisque les images des films doivent défiler pour le chef d’orchestre et les musiciens pendant l’enregistrement, pour que l'interprétation soit synchrone avec tous les time-codes et signalétiques que cela implique. Du matériel que l’on n’a pas forcément dans d’autres sortes de studio.

C : Le son perçu dans la cabine d’enregistrement est remarquable…

M. L. : C’est vrai, la salle d’orchestre se prête très bien à l’exercice. Elle est très saine, tous les équilibres instrumentaux sont là. La profondeur, même si elle manque un peu de réverbération - le son est un peu mat - on n’est pas dans des pièces comme à Abbey Road ou Air Studio où il y a peut-être plus d’enveloppement. Mais en revanche, en cabine, du fait ce cet équilibrage à la source, cela permet un traitement propre qui s’adapte très bien, avec des réverbérations accordées à la salle de musique.

C. : La musique de films est-elle une vocation ?

M. L. : Je ne me suis jamais dit que j’allais composer pour le cinéma. J’ai toujours voulu composer, et pas forcément spécifiquement pour l’image. Mais ce que j’aime, c’est avoir une inspiration, un élan extérieur qui donne des idées. Cela peut être un texte, une pièce de théâtre, un scénario… donc, un film peut provoquer cette inspiration. Ecrivant maintenant depuis quelques années pour le cinéma, j’adore cela, car on découvre une histoire, des images, et on part dans des univers totalement différents en fonction des films, tout en essayant d’y apporter sa touche personnelle.
Les contrebasses de l'Orchesttre national d'Ile-de-France
 (Jacky Bornet / Culturebox)
Ce que j’aime, c’est raconter une histoire avec la musique. Et c’est particulièrement le cas dans "Minuscule", puisqu’il n’y a pas de dialogues, la narration passe pour beaucoup par la musique. Elle est omniprésente, on doit raconter quelque chose. Plus que dans certains films, où on ponctue, où on appuie un peu l’émotion. Dans "Minuscule", j’ai des plages musicales très longues, ce qui me permet de développer des compositions complexes, plus qu’ailleurs, notamment dans les comédies que j’ai pu faire, où on nous demande de faire des virgules de quelques secondes, ou des choses plus resserrées. C’est un autre exercice, intéressant aussi, mais c’est autre chose.

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