Paul McCartney sort un nouvel album : quatre choses à savoir sur "McCartney III"
Après "McCartney" en 1970 et "McCartney II" en 1980, l'ancien Beatles boucle à 78 ans une trilogie avec son nouvel album "McCartney III". Voici quatre choses à savoir sur cette série de disques solo singuliers de sa discographie, débutée il y a un demi-siècle.
L'ancien Beatles Paul McCartney sort un nouvel album et c'est un événement. A double titre puisqu'il s'inscrit dans la continuité de deux autres albums en solo dont le premier est sorti il y a cinquante ans. On vous raconte l'histoire particulière de cette trilogie avant de vous livrer notre point de vue sur ce McCartney III attendu vendredi 18 décembre. Et tout ça en quatre points.
1"McCartney III" conclut une trilogie
Il y a une raison à ce numéro III : ce nouvel album conclut une trilogie entamée il y a 50 ans. S’il a sorti nombre d’albums depuis la fin des Beatles en 1970 (18 albums studio au total), les trois disques qui constituent cette trilogie au fil du temps ont un point commun : Paul McCartney les a tous écrits et enregistrés entièrement seul, à la maison. Et il y joue de tous les instruments.
Le premier, sobrement baptisé McCartney, officialisait la fin des Beatles. Enregistré entre fin 1969 et début 1970 dans son appartement londonien de Cavendish Avenue, dans la difficile période de désintégration des Fab Four, ce premier disque en solo du bassiste est sorti à la mi-avril 1970, précédent de peu Let it be, le chant du cygne du quatuor. Le disque de McCartney était accompagné pour les médias d’une auto-interview dans laquelle Paul annonçait sa rupture avec les Beatles. Elle fit l’effet d’un cataclysme et sert de date historique pour la dissolution (10 avril 1970).
Sorti dix ans plus tard, en mai 1980, McCartney II a été enregistré par Paul dans les mêmes conditions que le précédent, seul, dans ses fermes du Sussex et d’Ecosse. L’ancien Beatles, qui avait publié entre temps sept albums avec son groupe Wings, entérinait ainsi la dissolution de cette fructueuse aventure qui aura duré dix ans. Et s’il baptise ce disque II c’est parce qu’il le considère tout simplement comme son second album solo. McCartney III, composé et enregistré seul durant le premier confinement cette année dans sa ferme du Sussex, est donc à ses yeux son troisième album solo.
2A quoi ressemblaient les albums solo I et II ?
S’ils ont un point commun, Paul y jouant l’homme-orchestre dans les deux cas, sans producteur pour lui tenir la main, les I et II sont assez dissemblables. Ils partagent cependant une autre particularité : celle d’avoir été vilipendés à leur sortie et d’être devenus depuis ses albums solo les plus cultes.
Déclaration d’indépendance par laquelle il coupe le cordon qui le liait à Lennon dans les Beatles (dont toutes les chansons étaient co-signées de leurs deux noms), McCartney est un album minimaliste (aujourd’hui, on dirait lo-fi) autour des thèmes cosy de la famille et de l’amour. Débuté par un titre improvisé en hommage à son épouse Linda (The Lovely Linda), ce disque d’une grande simplicité contient cinq instrumentaux (sur 13 titres), quelques morceaux dispensables et une poignée d'adorables bluettes comme That Would Be Something, Junk et Every Night, ainsi qu’un chef d’œuvre, Maybe I’m Amazed. Premier album de rock enregistré entièrement par un seul artiste multi-instrumentiste, il invente du même coup le concept du home studio (le studio à domicile), qui fera florès.
Publié au sortir de l’aventure de son groupe Wings, avec lequel il prend ses distances, McCartney II est marqué par les expérimentations en studio et surtout par l’usage intensif du synthétiseur – ses détracteurs l’accuseront de complaisance envers ce nouveau joujou technologique en parlant d’un album inaudible ou irritant. Il prouve en tout cas que "Macca" est un avant-gardiste audacieux, loin du pourvoyeur de mélodies sirupeuses auquel beaucoup veulent le réduire. Inspiré autant par la new wave et le krautrock que par John Cage et Talking Heads (l’excellent Coming Up), il s’amuse sans retenue – Check My Machine sample un cartoon de Titi et Gros Minet - et innove dans ce disque foisonnant de "synth-pop". Les sons électroniques futuristes (pour l’époque) de Temporary Secretary, Front Parlour ou l’aventureuse fusion de Darkroom annonçaient les bidouillages en chambre de toute la vague électronique des années 90.
3"McCartney III" est né durant le confinement 2020
Paul McCartney ne peut jamais rester désoeuvré bien longtemps. Chaque fois qu’il traverse un trou d’air avec un peu de temps devant lui, il s’occupe en jouant et en enregistrant. Cette année, il avait prévu une tournée européenne au printemps qui devait culminer avec un concert au festival de Glastonbury. Mais la pandémie de Covid-19 a réduit ses plans à néant.
Enfermé en famille dans sa ferme du Sussex (Angleterre) durant le confinement, il en a profité pour travailler chaque jour dans son home studio (pendant que sa fille Mary, premier enfant du couple Linda et Paul, immortalisait ces séances en photo). "Tu es enfermé. Tu peux faire tout ce que tu veux", s'est-il dit. Travaillant sur des morceaux esquissés mais jamais terminés faute de temps, il a enregistré chaque jour "avec l'instrument sur lequel avait été écrite la chanson. C'était très fun", explique-t-il dans le communiqué de presse. "Je faisais de la musique pour moi-même (...) sans penser que cela finirait en album". Le fruit de ce travail nous vaut aujourd’hui McCartney III.
A 78 ans, il a donc écrit et enregistré à nouveau toutes les chansons seul chez lui et il joue de tous les instruments : guitare, piano, basse et batterie, en plus de tenir le micro. Pas l'ombre non plus d'un Mark Ronson ou d'un Nigel Godrich à la production, faite elle aussi maison.
4Alors, il est comment ce nouvel album ?
Comme sur les deux précédents, l’ancien Beatles baisse la garde sur McCartney III. A ce stade, ce monument de la pop et songwriter de génie n’a de toute façon plus rien à prouver. Il laisse libre cours à son inspiration, sans arrière-pensées, sans dead-line ni enjeu commercial. Manifestement, "Macca" s’amuse comme un petit fou. Et nous avec lui.
Bien qu’il s’agisse d’un album aux climats variés, il s’écoute comme un tout. On est happés d’emblée avec le motif de guitare obsédant de l'instrumental Long Tailed Winter Bird, écrit comme une introduction à When Winter Comes, un inédit des années 90 co-produit par George Martin qui referme ce 11 titres. Le rock joyeux de Find My Way et le presque folk Pretty Boys nous tirent un sourire, puis la ballade Women and Wives, sur laquelle sa voix cherche dans les graves du blues, nous invite à rester. Le puissant stoner Sliding qui n’aurait pas déparé chez Queens of the Stone Age, réveille la seconde moitié, avant la délicatesse de The Kiss of Venus et le proto-R&B au rythme marqué de Deep Down.
Mais il y a surtout une pure merveille placée au cœur de cet album : Deep Deep Feeling, une chanson hypnotique et sinueuse longue de 8 minutes à vous flanquer le frisson. Les paroles questionnent les émotions débordantes, y compris douloureuses, que peut susciter l’amour, le vrai. Musicalement, c’est un grand huit qui remue les tripes. Une grosse caisse, un piano, sa voix de basse, ponctuée de choeurs. Une guitare miaule, on est chez Clapton, puis le climat change, on se retrouve avec un piano hanté, téléportés chez Massive Attack pour quelques secondes majestueuses. Ça secoue, Paul use d’un falsetto inédit. Break. On est prêts à applaudir mais il reprend à la guitare acoustique. Renversant. Du grand art et un des meilleurs morceaux de 2020.
McCartney III de Paul McCartney (Capitol Records) sort vendredi 18 décembre
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