Cet article date de plus de dix ans.
The Rolling Stones in the 70's : expo photo à Paris et interview
Dominic Lamblin n'est pas photographe et ne prétend pas l’être. Pourtant, ce sont ses photos des Rolling Stones que la galerie parisienne Blumann expose jusqu'au 5 mai. Parce que durant 20 ans, de leurs premiers pas en France en 1964 jusqu'en 1985, il a été leur interlocuteur numéro un de ce côté-ci du Channel. Et que ses clichés de ces légendes du rock sont singulières. Rencontre.
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Temps de lecture : 7min
Missionné à 19 ans pour s'occuper de cette "bande de chevelus"
"Mon métier c'est de diriger les maisons de disques", explique Dominic Lamblin, qui a d'abord supervisé la production internationale chez Decca dans les années 60, avant de devenir un des patrons de la major Warner dans les années 70-80. Mais c'est alors qu'il est encore étudiant et débute chez Decca qu'on lui confie les Rolling Stones pour leurs premiers pas en France.
Reportage : Jean-Claude Desjacques, Pascale Sorgues, Olivier Badin et Roma Carles
"Decca France était alors une boîte vieillissante" se souvient Dominic Lamblin. "Les cadres les plus jeunes avaient la cinquantaine donc ils étaient un peu largués avec ces fous furieux, ces chevelus qui déferlaient alors. Ils n’avaient pas du tout envie de s'emmerder à s'occuper de ces petits mecs qui, pensaient-ils, allaient durer deux ans. Du coup, la patronne de Decca m'avait demandé de m'occuper des Stones pour leur première visite à Paris en 1964. Elle m’avait tendu en même temps un pass pour l'Olympia et 500 francs, "pour vos frais". 500 francs de l'époque c'était comme si on m'avait donné 2000 euros d'aujourd'hui alors que ce job, j'aurais payé pour le faire !" En 65, 66 et 67, le petit gars de Decca qui a le même âge que les Stones est à nouveau missionné pour prendre soin d’eux. L'histoire ne fait que commencer.
20 ans en coulisses à huiler les rouages
Durant 20 ans, y compris durant leur exil fiscal en France de 71 à 73, à l'époque de l'album "Exile on Main Street", Dominic Lamblin a donc été l'interlocuteur privilégié des Rolling Stones, veillant au grain en toutes circonstances. Après avoir été celui qui les tirait des griffes de la meute de fans à bord de sa Simca, il fut celui qui s’occupait de leur label en France, celui qu’on appelait en cas de souci et qui leur tint la main jusqu’à organiser le mariage de Mick. Il était bien sûr de tous les enregistrements, cinq en tout, aux studios Billancourt, et de tous les tournages de clips et sessions d'interviews.
Pour autant, il a pris très peu de photos. Et aucune après 1975. "Prendre des photos n'était pas dans mes attributions. Si vous travaillez pour une maison de disques et que vous venez déguisé en fan et commencez à mitrailler, vous n'êtes pas crédible", souligne-t-il. "Mais j'ai toujours eu une certaine tendresse pour les Stones, et comme je les connaissais depuis longtemps, il m'arrivait de prendre quelques photos, jamais plus que quelques rouleaux. Sauf que parfois j'étais le seul photographe". Comme à Montreux en 1972, lors du tournage des clips censés illustrer l’album « Exile on Main Street ».
Dominique Lamblin était à Montreux en mai 1972 durant les répétitions, ses photos le prouvent.
Sur ses photos, les Stones ne posent pas
Si ses photos sont imparfaites, elles ont le mérite d’être singulières. Parce que prises à des moments intimes, durant les longues heures d’attente sur les tournages de clips ou entre les interviews, ou bien encore à quelques mètres du groupe lorsqu'il est sur scène. Surtout, elles ne sont pas posées. Face à l'objectif, le groupe est décontracté, en famille, tout sauf en représentation.
Keith Richard s'étire ou accorde sa guitare en open tuning, Mick Jagger fait la moue ou patiente pieds nus et en chapka sur un canapé de chambre d'hôtel. "Bien sûr, six mois après les faits, personne n'aurait voulu de ces photos", reconnaît leur chaperon d'alors, lucide. Mais quarante ans plus tard, leur nature documentaire et le fait qu’elles soient inédites leur confère une valeur certaine.
"Keith s'est bonifié avec l'âge"
Longtemps familier des coulisses, Dominic Lamblin observe encore aujourd’hui une sorte de devoir de réserve vis-à-vis des Stones, mais il a néanmoins un avis assez tranché sur chacun d'entre eux. Selon lui, "Keith a bien vieilli. Car à cette époque là il pouvait exploser assez facilement. Mick était très business, alors que Keith c'est le contraire, il est assez bohême, ce qui l'intéresse, lui, c'est de faire de la musique. Quant à Charlie, c’est un parfait gentleman qui se trouve être le batteur du plus grand groupe de rock du monde alors qu'il n'aime quasiment que le jazz."
Et Mick Taylor ? Dominic le qualifie de "guitariste intérimaire". "C'est quelqu'un qui a dû regretter tous les jours d'avoir quitté les Rolling Stones", assène-t-il. "Artistiquement, c'était une bonne période pour le groupe. Mais il était plus jeune, il avait du mal à s'intégrer. C'était pourtant un Rolling Stone à part entière au niveau des revenus, alors que Ron Wood a été salarié de 1975 à 1989."
Dominique Lamblin était présent lors du tournage du clip d' "Angie", filmé en 1973 à Londres. Brian Jones était "extraordinaire" mais "totalement schizophrène"
Mais celui que Dominic Lamblin semble regretter le plus, c'est Brian Jones. "Je l'adorais. C'était un musicien extraordinaire. Ca pouvait être un salopard, c'est sûr, mais il était surtout totalement schizophrène. Je raconte souvent cette anecdote où je venais de lui faire écouter une reprise de The Last time par Ronnie Bird. On est au George V, il est en visite privée et il me répond "ouais, c'est vraiment aussi nul que ce que j'imaginais." Et la seconde d’après il redevient adorable et m’offre une chemise achetée sur Sunset Plaza. Il ne faut pas oublier que c’était lui, le leader du groupe, les deux premières années. Après, il a perdu le contrôle, il est tombé dans la dope et les excès » se désole son admirateur.
Les clichés exposés à la galerie Blumann, tous tirés en noir et blanc même si certains existent en couleur, sont issus de cinq sessions distinctes. Durant la tournée de 1970 au Palais des Sports de Paris et à Lyon, en 1972 durant le tournage de clips à Montreux, en 1973 à Londres durant le tournage des clips "Angie" et "Silvertrain", en 1974 à l’occasion d’une interview à Munich et en 1975 à New York.
Une fois rangés, leur auteur avait quasiment oublié leur existence. C'est à l'occasion d'un documentaire réalisé pour les 40 ans de l'album "Exile on Main Street" en 2012 qu'il a replongé dans ses tiroirs et proposé certaines photos au producteur, qui en a retenu cinq. Des amis l'ont ensuite convaincu de montrer le reste de son trésor et de l’exposer. Il est à voir (et à acheter) aux murs de la galerie Blumann jusqu’au 5 mai.
Voir notre Diaporama de 15 clichés commentés par Dominic Lamblin
The Rolling Stones in the 70’s
Du 28 mars au 5 mai 2014
Galerie Blumann
4, place des Vosges 75004
Ouvert tous les jours de 12h à 19h
Numérotés, signés, titrés, les clichés sont en vente entre 1.500 et 2.200 euros.
"Mon métier c'est de diriger les maisons de disques", explique Dominic Lamblin, qui a d'abord supervisé la production internationale chez Decca dans les années 60, avant de devenir un des patrons de la major Warner dans les années 70-80. Mais c'est alors qu'il est encore étudiant et débute chez Decca qu'on lui confie les Rolling Stones pour leurs premiers pas en France.
Reportage : Jean-Claude Desjacques, Pascale Sorgues, Olivier Badin et Roma Carles
"Decca France était alors une boîte vieillissante" se souvient Dominic Lamblin. "Les cadres les plus jeunes avaient la cinquantaine donc ils étaient un peu largués avec ces fous furieux, ces chevelus qui déferlaient alors. Ils n’avaient pas du tout envie de s'emmerder à s'occuper de ces petits mecs qui, pensaient-ils, allaient durer deux ans. Du coup, la patronne de Decca m'avait demandé de m'occuper des Stones pour leur première visite à Paris en 1964. Elle m’avait tendu en même temps un pass pour l'Olympia et 500 francs, "pour vos frais". 500 francs de l'époque c'était comme si on m'avait donné 2000 euros d'aujourd'hui alors que ce job, j'aurais payé pour le faire !" En 65, 66 et 67, le petit gars de Decca qui a le même âge que les Stones est à nouveau missionné pour prendre soin d’eux. L'histoire ne fait que commencer.
20 ans en coulisses à huiler les rouages
Durant 20 ans, y compris durant leur exil fiscal en France de 71 à 73, à l'époque de l'album "Exile on Main Street", Dominic Lamblin a donc été l'interlocuteur privilégié des Rolling Stones, veillant au grain en toutes circonstances. Après avoir été celui qui les tirait des griffes de la meute de fans à bord de sa Simca, il fut celui qui s’occupait de leur label en France, celui qu’on appelait en cas de souci et qui leur tint la main jusqu’à organiser le mariage de Mick. Il était bien sûr de tous les enregistrements, cinq en tout, aux studios Billancourt, et de tous les tournages de clips et sessions d'interviews.
Pour autant, il a pris très peu de photos. Et aucune après 1975. "Prendre des photos n'était pas dans mes attributions. Si vous travaillez pour une maison de disques et que vous venez déguisé en fan et commencez à mitrailler, vous n'êtes pas crédible", souligne-t-il. "Mais j'ai toujours eu une certaine tendresse pour les Stones, et comme je les connaissais depuis longtemps, il m'arrivait de prendre quelques photos, jamais plus que quelques rouleaux. Sauf que parfois j'étais le seul photographe". Comme à Montreux en 1972, lors du tournage des clips censés illustrer l’album « Exile on Main Street ».
Dominique Lamblin était à Montreux en mai 1972 durant les répétitions, ses photos le prouvent.
Sur ses photos, les Stones ne posent pas
Si ses photos sont imparfaites, elles ont le mérite d’être singulières. Parce que prises à des moments intimes, durant les longues heures d’attente sur les tournages de clips ou entre les interviews, ou bien encore à quelques mètres du groupe lorsqu'il est sur scène. Surtout, elles ne sont pas posées. Face à l'objectif, le groupe est décontracté, en famille, tout sauf en représentation.
Keith Richard s'étire ou accorde sa guitare en open tuning, Mick Jagger fait la moue ou patiente pieds nus et en chapka sur un canapé de chambre d'hôtel. "Bien sûr, six mois après les faits, personne n'aurait voulu de ces photos", reconnaît leur chaperon d'alors, lucide. Mais quarante ans plus tard, leur nature documentaire et le fait qu’elles soient inédites leur confère une valeur certaine.
"Keith s'est bonifié avec l'âge"
Longtemps familier des coulisses, Dominic Lamblin observe encore aujourd’hui une sorte de devoir de réserve vis-à-vis des Stones, mais il a néanmoins un avis assez tranché sur chacun d'entre eux. Selon lui, "Keith a bien vieilli. Car à cette époque là il pouvait exploser assez facilement. Mick était très business, alors que Keith c'est le contraire, il est assez bohême, ce qui l'intéresse, lui, c'est de faire de la musique. Quant à Charlie, c’est un parfait gentleman qui se trouve être le batteur du plus grand groupe de rock du monde alors qu'il n'aime quasiment que le jazz."
Et Mick Taylor ? Dominic le qualifie de "guitariste intérimaire". "C'est quelqu'un qui a dû regretter tous les jours d'avoir quitté les Rolling Stones", assène-t-il. "Artistiquement, c'était une bonne période pour le groupe. Mais il était plus jeune, il avait du mal à s'intégrer. C'était pourtant un Rolling Stone à part entière au niveau des revenus, alors que Ron Wood a été salarié de 1975 à 1989."
Dominique Lamblin était présent lors du tournage du clip d' "Angie", filmé en 1973 à Londres. Brian Jones était "extraordinaire" mais "totalement schizophrène"
Mais celui que Dominic Lamblin semble regretter le plus, c'est Brian Jones. "Je l'adorais. C'était un musicien extraordinaire. Ca pouvait être un salopard, c'est sûr, mais il était surtout totalement schizophrène. Je raconte souvent cette anecdote où je venais de lui faire écouter une reprise de The Last time par Ronnie Bird. On est au George V, il est en visite privée et il me répond "ouais, c'est vraiment aussi nul que ce que j'imaginais." Et la seconde d’après il redevient adorable et m’offre une chemise achetée sur Sunset Plaza. Il ne faut pas oublier que c’était lui, le leader du groupe, les deux premières années. Après, il a perdu le contrôle, il est tombé dans la dope et les excès » se désole son admirateur.
Les clichés exposés à la galerie Blumann, tous tirés en noir et blanc même si certains existent en couleur, sont issus de cinq sessions distinctes. Durant la tournée de 1970 au Palais des Sports de Paris et à Lyon, en 1972 durant le tournage de clips à Montreux, en 1973 à Londres durant le tournage des clips "Angie" et "Silvertrain", en 1974 à l’occasion d’une interview à Munich et en 1975 à New York.
Une fois rangés, leur auteur avait quasiment oublié leur existence. C'est à l'occasion d'un documentaire réalisé pour les 40 ans de l'album "Exile on Main Street" en 2012 qu'il a replongé dans ses tiroirs et proposé certaines photos au producteur, qui en a retenu cinq. Des amis l'ont ensuite convaincu de montrer le reste de son trésor et de l’exposer. Il est à voir (et à acheter) aux murs de la galerie Blumann jusqu’au 5 mai.
Voir notre Diaporama de 15 clichés commentés par Dominic Lamblin
The Rolling Stones in the 70’s
Du 28 mars au 5 mai 2014
Galerie Blumann
4, place des Vosges 75004
Ouvert tous les jours de 12h à 19h
Numérotés, signés, titrés, les clichés sont en vente entre 1.500 et 2.200 euros.
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