Cet article date de plus de dix ans.
Roger Kasparian : un beau livre dévoile ses clichés inédits des sixties
Sorti de l'ombre l'an dernier, le photographe Roger Kasparian fut aux premières loges du bouillonnement musical des sixties. Pigiste pour des magazines jeunes, il a fixé sur pellicule des dizaines d'artistes débutants devenus mythiques, des Beatles à Françoise Hardy, Johnny ou les Who. Son impressionnant trésor photographique fait enfin l'objet d'un beau livre et d'un documentaire sur France 5.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 5min
De futures stars cueillies à l'âge de l'innocence
Durant dix ans à partir de 1962, Roger Kasparian a suivi tous les musiciens anglo-saxons de passage à Paris et capté dans son objectif toutes les figures du mouvement "yéyé" français. Ils étaient jeunes, innocents, malléables, et le photographe, qui avait l'âge de ses sujets, s'appliquait à les mettre en valeur pour pouvoir lui-même mieux vendre ses clichés aux journaux.
"Quand on est pigiste, on est payé à la photo publiée. Voilà pourquoi, avec chaque artiste, j'essayais de raconter une histoire en image", explique Roger Kasparian dans le livre "Archives d'un photographe des sixties" raconté par Philippe Manœuvre, publié ces jours-ci chez Gründ. Une journée entière avec les artistes
Comme il nous l'avait confié à l'occasion de sa toute première exposition à Londres l'an dernier, il cueillait généralement les artistes anglo-saxons dès leur arrivée à l'aéroport du Bourget puis les suivait toute la journée jusqu'au concert en soirée. Dans ses archives, redécouvertes par hasard par Alex Stanisavljevic, un brocanteur devenu son agent par la force des choses, on trouve donc à la fois des clichés saisis sur le vif, dans la rue mais aussi sur scène, et des photos posées, en intérieur ou en extérieur.
Noir et blanc ou couleurs ? Les deux car la couleur démarrait alors timidement pour les couvertures de journaux et les pochettes de disques. Une petite dose de malice
"A l'époque il n'y avait aucune règle, aucun style précis pour photographier les groupes", souligne Roger Kasparian. "Les rockers souriaient rarement, l'humour était absent des séances." Lui en revanche ne se privait pas d'une certaine malice.
Ainsi, dans ces sixties où "l'affirmation des jeunes passe par la coupe de cheveux" et où certains militaires menacent "de tondre toute cette jeunesse dépravée", il photographie les membres chevelus des Who dans la rue, sous une enseigne de coiffeur. Il fait aussi poser dans une ruelle Ronnie Bird dans ce qui ressemble à une curieuse cage à oiseau (bird). Clichés sur le vif ou posés : il sait tout faire
Son regard aiguisé de reporter fait merveille pour saisir l'instant : le sourire de Dionne Warwick en 1964, se retournant sous l'immense affiche d'un cinéma qui jouait "4 garçons dans le vent" avec les Beatles. Les Kinks riant, écroulés, sur des fauteuils d'aéroport. Ou la semelle compensée de Gene Vincent, victime d'un accident de moto, saisie en gros plan en mai 1963 sur la scène de l'Olympia.
Roger Kasparian cherche toujours le bon angle de vue, la plus belle lumière et est imbattable pour trouver comment faire poser les groupes. Manfred Mann sur des solex garés sur un trottoir, Les Animals devant l'affiche de "Et Dieu créa la Femme", les Beach Boys de face saisis depuis l'intérieur d'un kiosque à journaux, Cliff Richard & the Shadows dansant avec leur chariot à bagages.
Dans ce livre, ses commentaires mettent en lumière les circonstances des clichés et le hors champ. Ainsi pour les Beatles à Lyon en juin 1965, il raconte. "A la descente de l'avion, ils commencent à courir, mais aucun fan n'est là et donc ils s'arrêtent, rigolent et reviennent gentiment faire les photos." On y redécouvre les Beatles détendus, souriants, Brian Epstein au second plan. Les yéyés au seuil de la gloire
Le volet français débute avec un morceau de choix : Gainsbourg, chapitre "Serge en hiver". Jouant avec ses soldats de plomb, dans l'appartemement de ses parents (!), à Paris en 1963. Et en extérieur le même jour dans les rues enneigées vers la place Victor Hugo.
Gainsbourg, dont la chanson à texte était en train de se faire éclipser par les yéyés, avait confié au photographe "Coco, ils veulent de la soupe, je vais leur en donner. Et j'aurai ma rolls." Il l'a aussi saisi "dans un bistrot où il avait ses habitudes". A l'époque, il était "sobre comme un chameau", témoigne Kasparian. En revanche il fumait déjà beaucoup, ses images en témoignent.
Au fil des pages, on croise aussi toute la joyeuse tribu des yéyés français. Françoise Hardy, magnifique, France Gall en petite fille sage à barette, Claude François au volant de sa Mercedes décapotable, Eddy Mitchell poing levé pour un gala du PCF, Jacques Dutronc beau à tomber dans sa baignoire ! Johnny beau comme un Dieu
Et puis il y a Johnny. L'agent et découvreur de Kasparian, Alex Stanisavljevic, nous l'avait dit : le photographe a dans ses cartons des centaines de clichés jamais vus de Johnny Hallyday, où il est beau comme un Dieu. La dizaine de photos présentes dans cet ouvrage n'en sont qu'un mince aperçu mais elles donnent l'eau à la bouche. Quant à sa future épouse, Sylvie Vartan, elle est immortalisée ici lors de sa 3e séance photo, dans le salon de l'appartement de ses parents. Pour eux la vie va commencer.
Un documentaire de 52 mn "Roger Kasparian, l'Oeil des Sixties" signé Philippe Manœuvre est proposé dimanche 2 novembre sur France5 à 9h10 ainsi que dans la nuit du samedu 22 au dimanche 23 novembre à 00h20.
Roger Kasparian, archives inédites d'un photographe des sixties (éditions Gründ, 29,95 euros)
Durant dix ans à partir de 1962, Roger Kasparian a suivi tous les musiciens anglo-saxons de passage à Paris et capté dans son objectif toutes les figures du mouvement "yéyé" français. Ils étaient jeunes, innocents, malléables, et le photographe, qui avait l'âge de ses sujets, s'appliquait à les mettre en valeur pour pouvoir lui-même mieux vendre ses clichés aux journaux.
"Quand on est pigiste, on est payé à la photo publiée. Voilà pourquoi, avec chaque artiste, j'essayais de raconter une histoire en image", explique Roger Kasparian dans le livre "Archives d'un photographe des sixties" raconté par Philippe Manœuvre, publié ces jours-ci chez Gründ. Une journée entière avec les artistes
Comme il nous l'avait confié à l'occasion de sa toute première exposition à Londres l'an dernier, il cueillait généralement les artistes anglo-saxons dès leur arrivée à l'aéroport du Bourget puis les suivait toute la journée jusqu'au concert en soirée. Dans ses archives, redécouvertes par hasard par Alex Stanisavljevic, un brocanteur devenu son agent par la force des choses, on trouve donc à la fois des clichés saisis sur le vif, dans la rue mais aussi sur scène, et des photos posées, en intérieur ou en extérieur.
Noir et blanc ou couleurs ? Les deux car la couleur démarrait alors timidement pour les couvertures de journaux et les pochettes de disques. Une petite dose de malice
"A l'époque il n'y avait aucune règle, aucun style précis pour photographier les groupes", souligne Roger Kasparian. "Les rockers souriaient rarement, l'humour était absent des séances." Lui en revanche ne se privait pas d'une certaine malice.
Ainsi, dans ces sixties où "l'affirmation des jeunes passe par la coupe de cheveux" et où certains militaires menacent "de tondre toute cette jeunesse dépravée", il photographie les membres chevelus des Who dans la rue, sous une enseigne de coiffeur. Il fait aussi poser dans une ruelle Ronnie Bird dans ce qui ressemble à une curieuse cage à oiseau (bird). Clichés sur le vif ou posés : il sait tout faire
Son regard aiguisé de reporter fait merveille pour saisir l'instant : le sourire de Dionne Warwick en 1964, se retournant sous l'immense affiche d'un cinéma qui jouait "4 garçons dans le vent" avec les Beatles. Les Kinks riant, écroulés, sur des fauteuils d'aéroport. Ou la semelle compensée de Gene Vincent, victime d'un accident de moto, saisie en gros plan en mai 1963 sur la scène de l'Olympia.
Roger Kasparian cherche toujours le bon angle de vue, la plus belle lumière et est imbattable pour trouver comment faire poser les groupes. Manfred Mann sur des solex garés sur un trottoir, Les Animals devant l'affiche de "Et Dieu créa la Femme", les Beach Boys de face saisis depuis l'intérieur d'un kiosque à journaux, Cliff Richard & the Shadows dansant avec leur chariot à bagages.
Dans ce livre, ses commentaires mettent en lumière les circonstances des clichés et le hors champ. Ainsi pour les Beatles à Lyon en juin 1965, il raconte. "A la descente de l'avion, ils commencent à courir, mais aucun fan n'est là et donc ils s'arrêtent, rigolent et reviennent gentiment faire les photos." On y redécouvre les Beatles détendus, souriants, Brian Epstein au second plan. Les yéyés au seuil de la gloire
Le volet français débute avec un morceau de choix : Gainsbourg, chapitre "Serge en hiver". Jouant avec ses soldats de plomb, dans l'appartemement de ses parents (!), à Paris en 1963. Et en extérieur le même jour dans les rues enneigées vers la place Victor Hugo.
Gainsbourg, dont la chanson à texte était en train de se faire éclipser par les yéyés, avait confié au photographe "Coco, ils veulent de la soupe, je vais leur en donner. Et j'aurai ma rolls." Il l'a aussi saisi "dans un bistrot où il avait ses habitudes". A l'époque, il était "sobre comme un chameau", témoigne Kasparian. En revanche il fumait déjà beaucoup, ses images en témoignent.
Au fil des pages, on croise aussi toute la joyeuse tribu des yéyés français. Françoise Hardy, magnifique, France Gall en petite fille sage à barette, Claude François au volant de sa Mercedes décapotable, Eddy Mitchell poing levé pour un gala du PCF, Jacques Dutronc beau à tomber dans sa baignoire ! Johnny beau comme un Dieu
Et puis il y a Johnny. L'agent et découvreur de Kasparian, Alex Stanisavljevic, nous l'avait dit : le photographe a dans ses cartons des centaines de clichés jamais vus de Johnny Hallyday, où il est beau comme un Dieu. La dizaine de photos présentes dans cet ouvrage n'en sont qu'un mince aperçu mais elles donnent l'eau à la bouche. Quant à sa future épouse, Sylvie Vartan, elle est immortalisée ici lors de sa 3e séance photo, dans le salon de l'appartement de ses parents. Pour eux la vie va commencer.
Un documentaire de 52 mn "Roger Kasparian, l'Oeil des Sixties" signé Philippe Manœuvre est proposé dimanche 2 novembre sur France5 à 9h10 ainsi que dans la nuit du samedu 22 au dimanche 23 novembre à 00h20.
Roger Kasparian, archives inédites d'un photographe des sixties (éditions Gründ, 29,95 euros)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.