Cet article date de plus de cinq ans.

Regardez une rare vidéo de New Order filmée lors de leur tout premier concert à New York en 1980

New Order est en concert exceptionnel au Grand Rex le 11 octobre. L’occasion de revenir sur les débuts du groupe avec une vidéo rare de leur tout premier concert à New York, filmé le 26 septembre 1980, quatre mois après le suicide du chanteur Ian Curtis.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Bernard Sumner de New Order en concert le 6 avril 2014 à Sao Paulo au Brésil. (LEVI BIANCO / BRAZIL PHOTO PRESS / AFP)

On ne s’attend jamais à un suicide. Lorsque Ian Curtis, le chanteur écorché-vif de Joy Division, se donne la mort le 18 mai 1980, le groupe de cold-wave anglais est en phase ascensionnelle et s’apprête à faire ses premiers pas scéniques aux Etats-Unis, où il est attendu trois jours plus tard. Bernard Sumner, Peter Hook et Stephen Morris, les trois membres survivants de la formation de Manchester, prennent rapidement la décision de continuer, mais sous un autre nom. Ce sera New Order. S’ils essayent de faire le deuil de leur ami, les trois musiciens n’ont pas fait le deuil de leur conquête avortée de l’Amérique.

Quatre mois après le drame, ils s’envolent donc pour New York, afin d’y donner leur tout premier concert. Rendez-vous au Hurrah, un petit club de Manhattan situé au 36 West de la 62e rue and Broadway, où Joy Division était initialement programmé. Avec quelques autres clubs (Mudd Club, Pyramid Club ou Club 57), le Hurrah est à l’épicentre du bouillonnement post punk et no wave d’alors.

La réalisatrice américaine Merrill Aldighieri y était et a filmé ce tout premier show de New Order à New York. Elle qui inventait à l’époque au Hurrah à la fois le métier de vidéo jockey et le concept des concerts augmentés d’écrans que l’on connaît aujourd’hui, a réalisé pour nous un montage de 4 minutes de ces images rares.

Cette vidéo montre un groupe en transition

Nous sommes le 26 septembre 1980 et la formation est encore en pleine transition, entre le post-punk de Joy Division et la pop synthétique qu’ils développeront avec New Order. En outre, la musicienne Gillian Gilbert, qui rejoindra New Order en octobre, n’est pas encore présente et le groupe, qui a pourtant déjà composé de nouveaux titres, est encore plombé par la mort du magnétique Ian Curtis.

"L’une des caractéristiques de ce concert c’est que pour combler l’absence du chanteur disparu, les trois musiciens survivants essayaient tous de chanter. C’est ce que je montre dans ce montage vidéo", éclaire Merrill Aldighieri. "Je me souviens aussi qu’ils étaient mal à l’aise sur scène et que la douleur de l’absence s’exprimait malgré eux. C’était beau mais difficile. En ce qui me concerne, ils m’éveillaient à une musique qui échappait aux canons pop et c’était une révélation."

Sur ces images, on voit Bernard Sumner au chant et au mélodica sur In a Lonely Place de Joy Division, puis le batteur Stephen Morris au clavier et au micro sur Procession, le second single de New Order paru un an plus tard en septembre 1981. Le bassiste Peter Hook prend à son tour le micro sur Dreams Never End, puis on savoure un extrait de Ceremony, dernière chanson écrite par Joy Division et devenue le premier single de New Order en mars 1981.

La réalisatrice américaine Merrill Aldighieri au Museum of Modern Art de New York, le 5 mai 1988. (JOHN A. MOZZER / HTTPS://JAMWORKS.SMUGMUG.COM/)

Cette femme a inventé le métier de video jockey

Mais comment Merrill Aldighieri s’est-elle retrouvée à filmer New Order au Hurrah ? C’est une histoire qui vaut d’être contée. Formée à la réalisation au Massachusetts Institute of Art à Boston, la jeune femme avait réalisé à ses heures perdues avec ses amis et collègues du Muppet Show un film de science fiction un peu loufoque (à la Woody et les robots de Woody Allen, explique-t-elle) baptisé Love Among The Mutants. Or le groupe qui devait se produire avec Joy Division au Hurrah le 21 mai 1980 s’appelait The Mutants. Et le patron du club, précurseur d’une formule de clubbing multimédia, avec une installation de téléviseurs suspendus au plafond, avait aimé l’association.

Le concert de Joy Division fut bien entendu annulé (comme on peut le voir ci-desous sur cette annonce parue dans le Village Voice) mais le film de Merrill Aldighieri fut néanmoins projeté au milieu d’un public clairsemé.

Dans cet encart paru dans le "Village Voice", le club new yorkais Hurrah annonçait l'annulation du concert de Joy Division prévu le 21 mai 1980, et le maintien du concert des Mutants et de la projection du film "Love Among the Mutants" de Merrill Aldighieri. (ARCHIVES DE MERRILL ALDIGHIERI)

"Cela m’a aussitôt inspiré et j’ai eu l’idée de créer via les écrans un climat visuel qui colle à l’ambiance musicale des sets de DJ chargés de faire la transition entre deux concerts", raconte Merrill Aldighieri. "Pendant les mixes, je me suis mis à projeter des images bizarres ou provocantes, des chutes dont les chaînes du câble ne voulaient pas, mais aussi des films de nature et beaucoup de dessins sur pellicule. C’était comme de créer des vidéos clips en direct."

A l’époque, MTV n’existait pas encore et ses deux futurs fondateurs sont passés au Hurrah. Fascinés par mon travail, ils ont pris des notes et m’ont demandé ce que je faisais. Je leur ai répondu vidéo jockey.

Merrill Aldighieri, réalisatrice

à franceinfo Culture

Pionnière des retours sur écrans qui améliorent l'expérience du concert

Un métier et un terme étaient nés. Pourtant, l’innovation de Merrill Aldighieri ne s’arrête pas là. "J’avais remarqué qu'au Hurrah, d’une capacité de 400 à 1000 personnes, tout le monde ne pouvait pas voir ce qui se passait sur scène", poursuit-elle. "J’ai voulu améliorer l’expérience des concerts pour tous les spectateurs grâce aux téléviseurs suspendus capables de diffuser mes vidéos en direct. En filmant les musiciens sur scène, avec de gros plans, je pouvais montrer des détails impossibles à voir à moins d’être au premier rang. Je bougeais aussi la caméra en rythme, comme j’aurais joué d’un instrument de musique."

La bande annonce du film "VJ Diaries" de Merrill Aldighieri

Par ailleurs, un homme filmait déjà certains concerts au Hurrah, ceux des groupes importants comme The Cure, qui avaient les moyens de le payer. "Et puis un jour Pere Ubu, dont j’étais très fan, est venu jouer", se remémore la réalisatrice. "Comme ils étaient fauchés, personne ne les a filmés et les téléviseurs sont restés noirs. Réaliser que cette expérience était perdue à jamais m’a attristé. C’est ce qui m’a donné envie de filmer les concerts, y compris ceux des groupes que je ne connaissais pas. Au total, j’ai filmé une centaine de concerts en un an. Des groupes comme The Del-Byzanteens du réalisateur Jim Jarmusch, Suicide de Alan Vega, Liquid Liquid, Gang of Four, A Certain Ratio, Magazine, un groupe que j’adorais, ou encore les Dexys Midnight Runners."

Chez Merrill, qui vit en France depuis 25 ans, de nombreux trésors n’ont pas revu la lumière depuis les années 80 et dorment encore sur des étagères. Une partie de ces images rares se trouve dans son film VJ Diaries projeté à Paris en septembre au dernier Etrange Film Festival. "Mais je suis loin d'avoir revu tous mes films et je découvre régulièrement des choses. Parfois, je mets des extraits sur YouTube. Des fans les dénichent et alertent les musiciens. Pour certains groupes qui n’ont pas duré, c’est parfois le seul enregistrement filmé disponible."

Son film du premier concert de New Order à New York se trouve dans les bonus du dernier coffret CD et DVD de Movement de New Order paru en avril 2019
Son compte YouTube recèle nombre de pépites

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.