Cet article date de plus de deux ans.

Pop-rock : Nanook, un air polaire venu du Groenland qui réchauffe les oreilles jusqu'en France

Avec quatre albums à leur actif d'un pop-rock mélodieux, les Groenlandais de Nanook méritent qu'on dresse l'oreille. Et si on ne les connaît pas beaucoup chez nous, il existe des fans du groupe en France : l'une d'entre elles a même remporté un concours pour aller les voir en concert au Groenland.

Article rédigé par Marie Herenstein
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Nanook en concert à l'hotel Arctic d'Illulissat en juin 2021 (©Marie Hervieu)

Dans la mythologie inuit, Nanook, c'est l'esprit des ours polaires, le chef de tous les ours blancs qui vivent dans les hautes latitudes. Dans un registre moins spirituel, c'est aussi le nom d'un groupe très populaire au Groenland, né il y a une dizaine d'années, qui répand sa musique, entre rock mélodieux et pop, par petites touches, bien au delà des frontières de l'île. En quatre albums (plus un live) et de beaux clips tournés dans les paysages magnifiques du Groenland, les cinq musiciens ont montré qu'ils avaient le potentiel pour jouer dans la cour des grands. 

[Aarnuaq : il s'agit d'un talisman que les Inuits utilisaient pour convoquer des forces spirituelles, ici pour obtenir de la chance lors d'une course de traîneaux. Il s'agit surtout de se souvenir de ses racines et de se rappeler que chacun est influencé et soutenu par les autres dans la vie.]

En groenlandais dans le texte

Nanook, c'est d'abord les frères fondateurs, Christian et Frederik Elsner, guitaristes et chanteurs. Moitié danois, moitié groenlandais (le Groenland est un territoire danois autonome), ils ont grandi à Nanortalik, dans le sud de l'île et ont baigné dans la musique depuis leur plus jeune âge grâce à un père musicien. Leurs parents ont d'ailleurs fondé la maison de disques Atlantic Music qui produit aujourd'hui près de 200 artistes et qu'ils ont rejoint à leur tour. 

Adolescents, ces amateurs de Pink Floyd, Neil Young, Radiohead ou Coldplay, chantaient des reprises dans de petits groupes locaux. Aujourd'hui installés à Nuuk, la capitale, les deux frères composent tous les titres de Nanook et se sont entourés de Martin à la batterie et des Danois Andreas à la basse et Mads au clavier, qui vivent quant à eux aux environs de Copenhague. Frederik a également enregistré deux albums solos, à la tonalité plus folk. En 2014, ils ont remporté le prix de l'album de l'année au Groenland avec Pissaaneqaqisut, dans une île qui se révèle très active musicalement.

Si les groupes groenlandais qui percent hors des frontières de l'île ne sont pas légion, Nanook a une particularité qui saute à l'oreille dès la première écoute : le groupe chante en groenlandais. Une langue à la sonorité très particulière, parlée par à peine 60 000 personnes et dont l'apprentissage est plutôt difficile. Dans les années 70 déjà, les musiciens de Sumé, pionniers du rock groenlandais, avait utilisé leur langue pour des revendications très politiques. Pas de politique pour Nanook mais un choix assumé, comme l'explique Christian. "Au départ, nous voulions simplement enregistrer nos démos, et nous nous sommes sentis bien de le faire dans notre propre langue. Alors que plusieurs groupes au Groenland ont commencé à chanter en anglais, nous avons décidé de conserver le groenlandais, pour être fidèles à nos racines et parce qu'on s'est dit que la musique suffirait à susciter l'intérêt en dehors de chez nous." Nanook a d'ailleurs refusé de signer avec une major qui voulait les contraindre à en changer... 

Lorsque nous sommes en tournée, nous sommes fiers de chanter dans notre propre langue.

Christian Elsner

Et s'il reconnaît que ce choix peut parfois constituer un obstacle, Christian le voit plutôt comme une force, une marque de fabrique adoptée par les fans à travers le monde. "Nous ne ressemblons à personne d'autre. Le mélange d'influences, entre musique traditionnelle groenlandaise et musique internationale, le choix de la langue et notre style font que nous produisons quelque chose d'authentique, et c'est aussi ce que ressent notre public. Les commentaires sur les réseaux sociaux qui viennent de partout ou les retours du public après les concerts montrent que la langue n'est pas nécessairement une barrière." 

L'environnement du Groenland, source d'inspiration pour Nanook (©Marie Hervieu)

La nature, source d'inspiration

Pour éviter à ses auditeurs la frustration de ne pas en comprendre le sens, le groupe publie des traductions de ses textes en anglais sur sa page Facebook. Les problématiques environnementales, la nature et la culture groenlandaise sont sources d'inspiration, chantées principalement avec la voix douce qui tend vers les aiguës de Frederik. "Nous utilisons beaucoup la nature comme métaphore, précise Christian. Il est presque impossible de ne pas parler du changement climatique, de la glace qui fond chaque jour et en tant que groupe qui tourne au Groenland, nous le constatons vraiment et bien sûr, cela nous affecte. Nous nous inspirons beaucoup aussi de nos vies personnelles."

[Ataasiusutut Misigissuseq : Tourné près de la seule forêt du Groenland, ce morceau parle de la façon de trouver un chemin vers une vie tournée vers les autres et le respect des différences.]

Des fans français

Depuis sa formation, Nanook s'est produit très souvent au Groenland ou au Danemark (notamment au Roskilde festival) mais aussi en Islande, à Taïwan au Japon à plusieurs reprises ou aux États-Unis. Difficile de mesurer sa popularité en France où les cinq musiciens n'ont encore jamais joué, mais les fans existent bel et bien. Et c'est sans doute l'une des plus enthousiastes d'entre eux qui a décroché le graal en fin d'année dernière : Marie Hervieu a gagné un billet pour aller voir le groupe en concert au Groenland !

Annonce du gagnant du concours (Nanook)

Marie Hervieu, gagnante du concours organisé par Nanook, a été invitée au Groenland pour deux concerts du groupe (©Marie Hervieu)

Tombée amoureuse du pays lors d'un premier voyage en 2011 (elle y est ensuite retournée deux fois et a créé un site avec plein d'infos pratiques), Marie a découvert le groupe grâce au CD qui tournait en boucle à l'auberge de jeunesse de Qassiarsuk. "J'ai eu le coup de coeur immédiatement", raconte-t-elle. Depuis, elle ne manque aucune actualité de Nanook. C'est ainsi qu'au printemps 2020, elle achète leur album live, dont la moitié des bénéfices sera reversée à une association d'aide aux enfants groenlandais défavorisés. Dans la pochette, un numéro qui permet de participer à un concours sur internet. Quelques mois plus tard, c'est la - très bonne - surprise. Mais la jeune-femme, installée dans la région niçoise, va passer par toutes les couleurs émotionnelles avant de poser le pied à Ilulissat. En raison de la pandémie, le Groenland reste fermé à tout visiteur étranger...

Concerts avec vue sur icebergs

"J'ai su 48 heures avant que je pouvais partir ! Christian et Andreas ont beaucoup travaillé pour rendre tout ça possible", dit-elle, reconnaissante et encore envoûtée par son séjour. Et la surprise ne s'est pas arrêtée là. Après le concert à Ilulissat, Christian lui propose de les accompagner jusqu'à Qeqertarsuaq, un des villages de la tournée d'été de Nanook. C'est en bateau avec tout le matériel qu'on se déplace pour des concerts en plein air avec vue sur icebergs, dans une ambiance simple et conviviale. Ici tout le monde connaît Nanook. "Ça a été un moment de pure magie, hors du temps", résume Marie, qui rêve désormais de voir son groupe favori se produire un jour en France.

Dans l'actualité de Nanook, pas de concert dans l'Hexagone mais une performance acoustique le 16 octobre dans le cadre de l'Arctic Circle, le grand rendez-vous annuel international sur l'Arctique, à Reykjavik, en Islande. Frederik et Christian travaillent sur de nouvelles compositions depuis déjà quelque temps et espèrent pouvoir enregistrer leur 5e album l'an prochain. 

En concert à Qeqertarsuaq (©Marie Hervieu)

Pour découvrir Nanook : sur YouTube ou Spotify

Pour commander les albums : Atlantic Music

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.