Cet article date de plus de dix ans.

Peter Gabriel revisité par Lou Reed, Arcade Fire et quelques autres

Il était annoncé depuis plus de trois ans. « And I’ll scratch yours », l’album de reprises de chansons de Peter Gabriel par une douzaine d’artistes, est enfin paru lundi. Il constitue le pendant du disque « Scratch my back », sorti en 2010, dans lequel le chanteur anglais proposait sa vision très personnelle de douze titres du répertoire rock, pop, folk et indie. L'attente en valait la peine.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Peter Gabriel sur scène à Las Vegas le 5 octobre 2012. Et la pochette piquante de "And I'll scratch yours" (Real World)
 (MediaPunch / Rex Featur / Sipa)

Les fans de Peter Gabriel le savent, l'ex-chanteur de Genesis a l'art de se faire désirer. Une fois de plus, il n'aura pas dérogé à la règle. Même si cette fois, il ne s'agissait pas d'un album de Peter Gabriel à proprement parler, mais d'un recueil de douze de ses chansons interprétées par d'autres. Une série de contretemps ont provoqué plusieurs reports de la sortie de cet album.

Plus de trois ans plus tard, le disque sort enfin, à point nommé puisque par ailleurs, à la fin du mois, Peter Gabriel donne le coup d'envoi d'une tournée "So, back to front" qui célèbrera le plus populaire de ses disques solo, « So », sorti en 1986 (« Sledgehammer » et « Don't give up », son fameux duo avec Kate Bush, en furent les grands tubes). Cette tournée passe par Bercy, à Paris, le 15 octobre.

Un beau casting
Le casting de « And I’ll scratch yours » en impose. Y cohabitent de prestigieux vétérans comme Lou Reed, Paul Simon, David Byrne (ex-Talking Heads) ou Randy Newman, et des valeurs confirmées de ce début de XXIe siècle comme Arcade Fire, Feist ou Bon Iver.

De belles surprises
La playlist est tout aussi captivante pour tout fan de Peter Gabriel de la première heure : huit des douze reprises se rapportent à des titres sortis avant le fameux « So » (1986). Le splendide troisième opus solo sorti en 1980 (sachant qu'avant 1986, Gabriel ne donnait pas de titre à ses albums) se taille la part belle avec quatre morceaux repris (dont le fameux « Biko », hymne anti apartheid). Pas de cover en revanche qui soit issue du dense et émouvant « Up », le dernier album studio de compositions originales en date de l'archange, sorti en 2002.
Côté coups de coeur, s'impose la version tourmentée de « Shock the monkey » (titre de 1982) de Joseph Arthur, un artiste américain de la scène indie découvert par Peter Gabriel au milieu des années 90. On aime aussi le très rock et déjanté « I don't remember » (1980) de David Byrne, qui n'est pas sans nous rappeler les belles années de Talking Heads... Bon Iver offre une reprise folk lumineuse de « Come talk to me » (extrait de « Us », 1992). Avec sa roublardise habituelle, Randy Newman a totalement revisité « Big time » (« So », 1986), évocation jouissive de la vanité, et c'est très réussi. Autre choc, le « Mother of violence » (1978) de Brian Eno qui a complètement recréé une chanson initialement très épurée et intimiste.

Enfin, Feist (avec le concours du groupe Timber Timbre) a remporté avec brio un challenge qui n'était pas évident : reprendre l'archi-connu et entendu « Don't give up » (« So », 1986). Elle en propose une délicate relecture mi-folk, mi-électro. Quant à Lou Reed, il a enregistré un « Solsbury Hill » (le tube du premier album solo de Gabriel, sorti en 1977) beaucoup plus rock que l'original, et qui sonne très... « Loureedien », mais incontestablement efficace.
Globalement, les autres reprises offrent moins de surprises. La version électro et désinvolte de « Not one of us » (1980) par Stephen Merritt (du groupe Magnetic Fields) n'est cependant pas du tout déplaisante. Arcade Fire reprend le splendide « Games without frontiers » (1980) dans une version très correcte mais pas renversante, idem pour le « Blood of Eden » (« Us », 1992) de Regina Spektor, joli, sans plus. Paul Simon interprète à sa manière, avec émotion, « Biko ». Quant au « Mercy Street » (« So », 1986) d'Elbow, il colle trop à l'original.

Retour sur un diptyque qui n'a jamais vu le jour
Au début, le projet de Peter Gabriel avait été conçu comme un diptyque, dans lequel l'association des titres très imagés des deux volets « Scratch my back » (littéralement : gratte-moi le dos) et « And I’ll scratch yours » (et je gratterai le tien) prenait tout son sens... D’un côté, Peter Gabriel reprenant des titres signés par des artistes rock confirmés ou issus de la jeune scène pop ou indie (de David Bowie à Bon Iver...), et de l'autre, les mêmes artistes répondant à ces clins d'oeil par leurs propres interprétations des chansons de l'Archange.

Le premier volet du diptyque, l'étonnant « Scratch my back », est sorti en février 2010. En guise de fil conducteur, Peter Gabriel s'y était imposé un double interdit : pas de batterie ni de guitare. Il avait fait appel à un orchestre et un choeur classiques. Les artistes repris : David Bowie, Paul Simon, Elbow, Bon Iver, Talking Heads, Lou Reed, Arcade Fire, The Magnetic Fields, Randy Newman, Regina Spektor, Neil Young, Radiohead (ainsi que les Kinks dans une édition limitée de l'album). Parmi les temps forts du disque, une puissante réappropriation de « My Body is a cage » d'Arcade Fire.
À l'époque, six des artistes célébrés dans le premier volet ont dûment enregistré leur réplique musicale à l'hommage qui leur était rendu : Stephin Merritt (des Magnetic Fields), Paul Simon, Bon Iver, Lou Reed, Elbow et David Byrne (ex-leader des défunts Talking Heads). Dans l'attente des autres, ces premiers titres sont sortis en 2010 sur iTunes dans des singles combinant la reprise de Peter Gabriel et sa réciproque par l'artiste concerné.

Le renoncement de Radiohead
Par la suite, quatre artistes se sont désistés et n'ont jamais envoyé leur réponse à « Scratch my back » : David Bowie, Neil Young, Ray Davies (des Kinks), ainsi que Radiohead. Le groupe de Thom Yorke était censé faire une cover de « Wallflower », joyau évoquant la détention des prisonniers d'opinion, sorti en 1982 dans le 4e album solo de Peter Gabriel. En octobre 2011, l'ex-cofondateur de Genesis a révélé dans le magazine Rolling Stone que Radiohead s'était retiré du projet de Gabriel après avoir entendu sa version de leur chanson "Street Spirit (Fade out)"... Une relecture pourtant poignante, peut-être trop crépusculaire à leurs yeux ? Nous n'en saurons pas davantage...
Finalement, trois retardataires honorés dans « Scratch my back » (Arcade Fire, Regina Spektor, Randy Newman) ont livré leur chanson, auxquels se sont greffées deux nouvelles recrues : Joseph Arthur et la chanteuse folk Feist, avec le renfort du groupe Timber Timbre pour cette dernière. De plus, Brian Eno, co-auteur de « Heroes », la chanson de David Bowie reprise par Peter Gabriel dans « Scratch my back », a suppléé au forfait de l'ex interprète de « Ziggy Stardust » en offrant à sa place une cover du rare « Mother of violence ». Fin d'une saga au long cours...

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.