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Manoeuvre et Dionnet racontent "Sex Machine" (2)

Dans "Sex Machine", Manoeuvre et Dionnet se faisaient refouler chaque soir de la boîte de nuit à la mode du même nom. Un gag récurrent sur lequel planait l'ombre du vécu. Pourtant, de l'autre côté du miroir, les deux complices, dont la passion et l'humour semblent n'avoir en rien faibli aujourd'hui, étaient les princes de la nuit. Où sortaient-ils ?
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Jean-Pierre Dionnet et Philippe Manoeuvre.
 (Vinent Lignier)

FREEDOM

Quand on regarde l’émission aujourd'hui, ce qui frappe c’est la liberté folle. Gros pétards, seins à l’air… Même les jeunes s’en étonnent. Vous n’avez jamais eu de rappel à l’ordre en haut lieu ?
Dionnet : Jamais nous n’avons eu de rappel à l’ordre, le politiquement correct n’est arrivé que plus tard. Une seule fois, nous avons reçu la lettre d’une dame qui avait regardé l’émission avec son gamin de huit ans et qui s’offusquait d’être tombée sur une femme aux seins nus.
Une telle émission serait-elle encore possible aujourd’hui ?
Manœuvre : Je ne crois pas qu’il faut regarder ça en se disant qu’aujourd’hui ça ne serait plus possible.  Ce n’est pas vrai. Les jeunes feraient bien de prendre la liberté car elle est là.

Comment avez-vous réussi à faire reprendre du James Brown à tous ces groupes Français  ?
Dionnet : A l’époque, les artistes faisaient un véritable effort, ils ne venaient pas juste faire leur promo. Ils jouaient vraiment le jeu. Il faut voir Bernard Lavilliers hyper sapé (avec une chemise à jabot ndlr) chantant du James Brown.
Manœuvre : Telephone, Gainsbourg, Higelin, Bashung, ont enregistré ces « live » à une vitesse folle. Le problème c’est qu’on ne pouvait pas les faire véritablement en live car à l’époque il aurait fallu un camion studio-son professionnel, qui coûtait aussi cher que l’émission. Il fallait ruser. On emmenait les groupes au Studio Ferber pour enregistrer le son, et on tournait ensuite en playback.


LES COPAINS D’ABORD

Les acteurs des sketches étaient-ils tous vos potes ?
Manœuvre : On avait une bande, mais à l’écran ce n’était pas tous nos amis, il y avait beaucoup de rencontres, notamment en boîte de nuit.
Dionnet : Ce qu’on cherchait c’était des gueules de l’emploi. Donc il y avait Phify qui est le videur de la boite, et s’il fallait un nightclubber décavé et bien c’était un nightclubbeur décavé, un vrai.

Genre Alain Pacadis ? (le dandy érudit et un peu clodo de Libé NDLR) Il venait cachetonner ?
Dionnet : Il avait besoin d’argent donc il était toujours prêt à faire un petit rôle chez nous.
Manœuvre : Alain Pacadis était plein de bonne volonté. Il n’en pouvait tellement plus d’écrire à Libé. Comme je travaillais un peu là-bas, je le voyais arriver le matin avec sa bouteille de bière, il commençait à taper et il baillait, il en avait tout de suite marre. Avec nous, il était payé 1 500 francs la journée. Et s’il faisait deux jours ça faisait 3.000 francs, pour lui c’était génial. Quand il revenait le lendemain, il faisait hurler d’horreur les maquilleuses. Il leur disait  « Vous voyez, je n’ai pas enlevé mon maquillage, comme ça je suis prêt. »

Et les filles ?  Sophie Favier, c’était une copine ?
Dionnet : Sophie Favier, de Coco Boy, était alors le fantasme numéro un des Français.
Manoeuvre : Le truc marrant c’est qu’on mettait le nom de toutes les filles qui apparaissaient au générique de fin. Or, c’est l’époque ou apparaissent les premières cassettes vidéo. Résultat : les mecs enregistraient le générique, ils prenaient le bottin et ils appelaient par exemple Amélie Chevalier. « Allo, Amélie Chevalier ? Oui c’est vous ? Vous êtes LA Amélie Chevalier de Sex Machine ? Arrghhh, je viens de vous voir Ouah t’es bonne comme meuf ! » (Manœuvre est littéralement plié de rire à cette évocation).

 

 

NIGHTCLUBBING

Dans « Sex Machine » vous vous faisiez constamment refouler à l’entrée d’une boîte de nuit. Ce gimmick partait-il de quelque chose de vécu ?
Manœuvre : Oui c’était arrivé à Jean-Pierre, à l’Elysée Matignon.
Dionnet : J’aimais bien y aller, avec Eddy Mitchell et la famille Taittinger, et je m’étais habitué à y passer sur mon circuit, même si je préférais aller aux Bains Douches ou au Palace. Et puis un soir j’arrive, le videur me voit tout seul et il me dit « ça va pas être possible, c’est une soirée privée ». J’ai insisté en expliquant que je venais tous les soirs, mais il n’y a pas eu moyen.
Manœuvre : Alors il est rentré au bureau effondré.
Dionnet :  Quand on a 16 ans ca va, mais à 30 ans le « ça ne va pas être possible », ça ne passe plus ! A Sex Machine, cette histoire est devenue une source intarissable de gags. Je pense que c’est quelque chose à laquelle hélas 99,9% des gens ont pu s’identifier.

Mais en réalité, vous étiez forcément les rois de la nuit ?
Manœuvre : Oui, on rentrait partout et pour plaisanter, les physios nous disaient « bon, exceptionnellement on va vous laisser entrer ce soir tous les deux ».
Dionnet : On avait même la bouteille de champagne qui nous attendait. Philippe était assez raisonnable parce qu’il rentrait chez lui écouter de la musique, mais moi j’ai perdu 15 ans de ma vie en sortant tous les soirs.

Quels étaient vos clubs favoris ?
Manoeuvre : Jean-Pierre était très Castel…
Dionnet : En fait, j’étais trois boîtes dans la nuit. L’idéal c’était de faire Bains Douches, Palace, Castel, et s’il y avait encore un peu de forme, la boîte black Le Cœur Samba pour finir la nuit parce qu’on pouvait y traîner jusqu’à 7 heures du matin. Les after-after-after sont nés plus tard. On était quand même au bureau à 10h !
Manoeuvre : Moi j’aimais les Bains Douches, le Privilège (sous le Palace) et puis j’allais toujours jeter un œil au Gibus pour les trucs rock.
Dionnet : Il nous emmenait aussi au Rose Bonbon, sous l’Olympia, où il y avait toute la musique française. C’était la boite en pointe à l’époque,  là ou Indochine avait fait ses débuts. C’était très bien pour les castings de musiciens. Parce que quand on croisait des groupes français qui n’avaient pas encore fait leur version d’un morceau de James Brown pour notre émission, ils nous disaient « et moi ? »
Manoeuvre : Gainsbourg appelait (il prend la voix de Gainsbarre) « ouais ça fait deux mois que je suis pas venu dans votre émission… ». Il était très demandeur.

 

 

Les autres épisodes :
Manoeuvre et Dionnet racontent "Sex Machine" (1) : Une émission "pour parler de nos conneries"

Manoeuvre et Dionnet racontent "Sex Machine" (3) : This is the end...

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