Le guitariste de Pink Floyd David Gilmour de retour avec un 5e album solo élégant, "Luck and Strange"
Premier album de David Gilmour depuis Rattle That Lock il y a neuf ans, Luck and Strange, publié vendredi 6 septembre, va ravir les admirateurs du guitariste mythique de Pink Floyd. Déjà parce que cet album paraît un peu inespéré : lorsqu’il vendait 120 de ses précieuses guitares il y a cinq ans, il était difficile de ne pas y voir le prélude à une retraite tranquille loin des spotlights, alors qu’il atteint 78 ans cette année.
Puis il y a eu le confinement. Un temps d’arrêt imposé, mis à profit pour publier en ligne chaque semaine des vidéos littéraires et musicales où apparaissait toute sa petite famille sous le nom de Van Trap Family : le guitariste et son épouse l’écrivaine Polly Samson, leur fille harpiste Romany (22 ans actuellement), leur fils Charlie (35 ans) et son bébé, mais aussi les animaux familiers. Ce fut le point de départ d’un renouveau qui a mené à ce nouvel album libéré, où, comme on le verra, la famille prend sa part.
Nostalgie en clair-obscur
Dès l’ouverture, le style cosmique de David Gilmour remue les tripes et les souvenirs sur l’instrumental et dépouillé Black Cat. Le suivant, ce Luck and Strange en apesanteur qui donne son nom à l’album, confirme que l’ancien Pink Floyd n’a pas perdu la main. Ce morceau convoque un fantôme puisqu’il est construit à partir d’une jam avec Rick Wright, l’organiste du Floyd, enregistrée en 2007, un an avant sa mort. Le titre, où l’on entend ses parties d’orgue Hammond et de piano électrique, est un splendide blues étiré où le style signature de Gilmour, mais aussi sa voix, nous téléportent irrémédiablement dans le passé.
De fait, il y a de la nostalgie sur cet album en clair-obscur, y compris dans les paroles souvent sombres et pessimistes, brassant les guerres désespérantes de retour, la vieillesse et la mort qui vient. Des paroles écrites sur-mesure pour son mari par Polly Samson, comme c’est le cas depuis trente ans. Mais il y a aussi de la joie, de la vie et du changement par rapport à ses précédents albums solo. Car David Gilmour a enfin trouvé un partenaire à sa mesure.
Pour la coproduction de ce disque, Gilmour souhaitait quelqu’un capable de poser sur son travail un regard neuf et de dire ce qu’il pense, "sans déférence".
Son choix s’est porté sur le producteur britannique Charlie Andrew, 44 ans, surtout connu pour son travail avec le groupe indépendant alt-J. Un type visiblement peu impressionnable, qui demanda à l’écoute des premières démos : "Faut-il vraiment un solo ici ? Et est-ce qu’ils doivent tous forcément se terminer en fondu ?".
Moins de solos, plus de voix
En studio, le bonhomme a un peu bousculé la légende, le poussant dans ses retranchements et multipliant les prises et les façons de jouer. Il a également amené dans le projet l’arrangeur d’alt-J Will Gardner, que Gilmour qualifie de "génie", ainsi que trois nouveaux musiciens au background jazz et punk-jazz : le bassiste Tom Herbert (Polar Bear), le claviériste Rob Gentry et le batteur Adam Betts, connu pour assurer les rythmes complexes de la drum & bass en tant que musicien live pour Goldie.
Une dream-team, augmentée du batteur américain de légende Steve Gadd, qui dynamise la musique de Luck and Strange en lui ouvrant de nouveaux horizons.
Porté par la voix reconnaissable entre mille de Gilmour, The Piper’s Call, sur le miroir aux alouettes de la célébrité, progresse lentement, jusqu’à ce que la guitare, d’abord discrète, se mette à miauler puis à cingler brillamment en fin de parcours. Cette voix de crooner est à son summum, éclairée de chœurs, sur A Single Spark, où la guitare habillée de violons joue sur du velours, et sur la merveilleuse ballade Sings, où la six-cordes a carrément été oubliée au profit des... cordes.
L’un des titres les plus obsédants, Between Two Points (reprise d’un groupe obscur, The Montgolfier Brothers) n’est pourtant pas chanté par le père mais par sa fille, Romany Gilmour, harpiste à la voix d’ange.
L’album, peut-être bien son meilleur en solo, se referme sur Scattered, écrit à trois avec Gilmour, sa femme et leur fils Charlie, avec un clin d’œil au battement de cœur qui ouvre Dark Side of The Moon mais aussi à l’intro d’Echoes.
Les deux titres bonus réservent aussi de bonnes surprises. Il s’agit de I Have Ghosts, un titre de folk délicat sur lequel la voix de Gilmour s’approche comme jamais de celle de Leonard Cohen, et de la jam originelle avec Rick Wright qui a donné Luck and Strange.
Trois infos pour finir, deux mauvaises et une bonne. Les mauvaises nouvelles c’est qu’aucune halte en France n’est prévue pour la tournée qu’a prévue Gilmour dans les mois qui viennent, et que les pourparlers en vue de la vente du catalogue de Pink Floyd avancent (ce qui nous amènera le cas échéant à retrouver nos morceaux préférés dans des réclames de voitures et de déodorants). La bonne, c’est que Gilmour a prévu d’enregistrer rapidement un autre album de la même trempe dans la foulée. Parce qu’il a, dit-il, enfin trouvé une équipe de musiciens avec lesquels il se sent bien.
L'album "Luck and Strange" (Sony), sort le 6 septembre 2024
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