La ville de Lyon rend hommage au groupe Carte de séjour avec une plaque dans la quartier de la Croix-Rousse
Ce mardi 16 mai 2023, la ville de Lyon a rendu hommage au groupe Carte de séjour en dévoilant une plaque au 32 rue des Tables-Claudiennes sur les pentes de la Croix-Rousse. Un hommage qui inscrit le groupe de Rachid Taha (1958-2018) au patrimoine lyonnais.
Pour l'occasion, Jérôme Savy et Mokhtar Amini, deux des anciens musiciens du groupe, étaient conviés à la cérémonie. "Ça me fait plaisir, parce que pour une fois il n'y a pas une personne qui sort du lot, c'est un groupe. C'est ce que j'ai toujours défendu dans ma vie, on a toujours besoin des autres, on ne fait pas les trucs tout seul", rapporte Jérôme Savy, ancien guitariste de Carte de séjour.
Un lieu de création
L'adresse qui commémore la carrière de Carte de séjour n'a pas été choisie au hasard. C'est ici, dans ce quartier métissé de Lyon que le groupe, composé des frères Mokhtar et Mohamed Amini, Djamel Dif, Jérôme Savy et Rachid Taha, avait l’habitude de répéter. Le groupe a composé ses premiers titres dans ce local, entre 1982 et 1991. C'est sans doute dans ce même lieu que l'emblématique reprise de Douce France de Charles Trénet a vu le jour en 1986.
Lorsqu'ils arrivent devant l'immeuble du 32 de la rue des Tables-Claudiennes, Jérôme Savy et Mokhtar Amin ont un petit pincement au coeur. Il faut dire qu'ils en ont passé du temps à cette adresse, sur les pentes de la Croix-Rousse. Revenir dans ce lieu chargé d'histoires d'une époque révolue fait immédiatement ressurgir les souvenirs. "Si les murs pouvaient parler... je peux vous dire, il y avait des larmes de joie et aussi des grandes larmes de tristesse parce que ce n'était pas toujours tout rose, à l'époque certaines maisons de disque ne voulaient pas de Carte de séjour, car ils avaient peur d'attirer une certaine clientèle", confie avec émotion Mokhtar Amini, l'ancien bassiste du groupe.
Une date symbolique
La date aussi est importante. Elle symbolise les 40 ans de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, un combat pour lequel le groupe Carte de séjour s'est fortement mobilisé. En mêlant rock et sonorités du Magheb, il se bat pour la reconnaissance des droits et la dignité de celles et ceux que l’on désigne comme "jeunes Arabes", "beurs" ou "franco-maghrébins", et pour leur accès à la citoyenneté. "Ils sont inscrits dans un courant protestataire à la fois sur le plan musical et sur le plan politique. C'est une voix qui n'était pas entendue sur la scène publique, celle des immigrés et des enfants d'immigrés qui jusque-là étaient un peu des silhouettes invisibles qui construisaient les maisons et faisaient les routes", rappelle Yasmine Bouagga, maire EELV du 1er arrondissement de Lyon.
Si Rachid Taha était encore en vie, cette plaque le ferait sans doute sourire. Lui qui n'hésitait pas à prendre la parole devant un parterre de journalistes pour évoquer la fracture sociale. "Y aurait-il deux sortes d'arabes ? Les gentils migrants qui contribuent à l'expression culturelle française, c'est-à-dire nous bien sûr, qui mangent les petits fours des administrations, et les méchants immigrés qui se font tabasser car ils ne font qu'apporter leur force de travail à leur pays d'adoption".
Dissous en 1989, puis endeuillé par la mort de Rachid Taha (2018) puis de Mohammed Amini (2019), Carte de séjour ne compte plus aujourd’hui que deux anciens membres. Mais leur musique comme leur message résonnent encore, bien au-delà des pentes de Croix-Rousse.
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