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L'icône punk Iggy Pop livre quelques-unes de ses vérités dans le documentaire intime "Tell Me Iggy"

On n'a jamais fait le tour du complexe Iggy Pop. Dans ce documentaire intime, filmé chez lui à Miami, le "parrain du punk" se livre comme rarement, avec sensibilité. Sa relation avec Bowie, ses excès, son rapport à la scène et à la mort, sont quelques-uns des thèmes abordés, étayés par les témoignages de nombreux proches tels que Johnny Depp.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le "parrain du punk" Iggy Pop dans "Tell Me Iggy" (2022), le documentaire de la réalisatrice française Sophie Blondy. (CANAL+ / SOPHIE BLONDY)

Qui est vraiment Iggy Pop ? Après avoir été considéré comme le chanteur le plus dangereux et autodestructeur du rock’n’roll, "le parrain du punk" a acquis sur le tard le statut de sage. Tout le monde aime l’Iguane aujourd’hui, même la publicité, c’est dire. Pourtant, à 75 ans, Iggy Pop reste un esprit libre qui a gardé intacte sa capacité d’émerveillement. C’est ce que montre le documentaire Tell Me Iggy de la Française Sophie Blondy, diffusé sur Canal+ jusqu'au mois d'août.

La réalisatrice, qui avait déjà fait jouer Iggy dans une fiction, L’étoile du jour (2012), avec Denis Lavant et Béatrice Dalle, est visiblement fan de l’artiste qu’elle qualifie de "magique" et "surnaturel". Souhaitant avec ce documentaire partager avec nous "un peu de son mystère", elle est allée recueillir les confidences de l’intéressé, chez lui à Miami, avec Antoine de Caunes, qui l'a longuement interviewé.

"Vivre à fond cette vie de malade !"

Dans sa nouvelle retraite ensoleillée, le parrain du punk, aujourd’hui âgé de 75 ans, paraît en pleine forme. Les excès sont loin désormais : à Miami, il mène une vie saine. Mais il reste singulier : torse nu sous son perfecto, souriant cheveux au vent au volant de sa Rolls Royce décapotable, il conduit pieds nus. Au bord de la mer, un élément qui l’apaise, l’artiste goûte une quiétude qui contraste avec le bruit et la fureur de ses concerts, toujours aussi énergiques et habités. "Je voulais de l’espace, de la lumière, m’éloigner de tous un tas de gens. Ici, on me laisse tranquille", expose-t-il, très zen.

Et de livrer, l’œil rieur mais avec sérieux, quelques-unes de ses grandes vérités. "L’intégrité, c’est bien, mais il faut l’entretenir", remarque le chanteur qui peut se vanter de n’avoir fait dans sa vie que de rares compromis. "Pour y arriver dans ce métier, il faut vivre les choses. Tu ne peux pas rester dans ta chambre à écrire une description convaincante de ce que c’est de vivre à fond. Il faut sortir et la vivre cette putain de vie de malade !".

Iggy Pop sur scène avec son groupe the Stooges, au coeur de la foule au Cincinnati Pop Festival (Ohio, Etats-Unis) le 13 juin 1970. (TOM COPI / MICHAEL OCHS ARCHIVES)

Une bête de scène "imprévisible"

Nick Kent, fine plume de la rock critic anglaise, qui l’a rencontré il y a 50 ans, confirme dans le film : "Il y allait à 100%. Il n’y avait pas de plan B avec ce mec, il vivait sans filet, se jetait à corps perdu dans tout ce qu’il faisait." Celui qui le considère comme "une des plus grandes bêtes de scène du XXe siècle, avec James Brown, Mick Jagger et Prince", est admiratif aujourd’hui encore de sa "force de création. Il ne se contente pas de refaire ce qu’il faisait il y a 40 ans. Il est toujours habité par un élan créatif".

Sophie Blondy a interrogé pour ce documentaire d’autres proches de la légende rock, comme son producteur français Alain Lahana, qui décrit Iggy comme "une intelligence supérieure" ayant "gardé son âme d’enfant", le cinéaste John Waters, qui lui a offert son premier rôle sur grand écran dans Cry Baby (1980), ainsi que des musiciens qui l’ont cotoyé comme Debbie Harry de Blondie et le trompettiste Leron Thomas, qui a coécrit son dernier album Free (2019).

Johnny Depp, qui assura sa première partie à 17 ans avec un de ses premiers groupes, le compare à l'acteur Marlon Brando. "En 1969, il faisait peur à tout le monde", rappelle-t-il. "C’est exactement comme Marlon Brando (…) quand il a joué sur scène Un tramway nommé Désir en 1957. Personne n’avait jamais vu un sauvage pareil. Il était imprévisible. Et Iggy n’a jamais fait quoi que ce soit de prévisible."

L'Iguane ne craint pas la mort

Impossible lorsqu’on balaye la vie de l’icône punk, de ne pas évoquer la figure de David Bowie, dont Iggy Pop fut l’idole (avec Lou Reed), et qui relança sa carrière à la fin des années 70. Leur amitié était née selon lui entre "un Anglais futé mais tranquille" et "un Américain un peu mal dégrossi mais tranquille aussi". Et il assure qu’en tenant tête à Bowie, en refusant de lui céder sur tout, il a permis à leur complicité de durer. "Si j’avais agi comme les autres, il en aurait eu assez rapidement marre de moi", estime-t-il. En échange, Iggy pense avoir aidé son ami "à garder les pieds sur terre artistiquement. Ça l’a peut-être maintenu plus proche de la rue qu’il ne l’aurait été autrement."

Bien qu’il ait magnifiquement survécu à une vie d’excès, dont il est aussi question dans ce film, et qu’il demeure animé d’une belle énergie vitale, la question de la Grande faucheuse n’est pas éludée dans ce documentaire. Il apparaît que notre immortel rocker ne craint pas la mort. Et qu'il se fout éperdument de savoir ce qu’il laissera de lui à la postérité.

"Le problème de la vie c’est qu’elle doit s’arrêter. Je crois que je voudrais devenir un fantôme qui contemple le monde", s'amuse le vieux sage. On se souviendra longtemps de la fin du film, avec ses très beaux plans de lui à la plage, se roulant doucement dans le sable et l'écume des vagues, tel une algue, à la fois fragile et fort, dans son élément, prêt à accueillir son ultime voyage quand il adviendra. 

"Tell Me Iggy" de Sophie Blondy, documentaire de 52 minutes, à voir sur Canal+ jusqu’au 16 août 2022

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