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Jacques Higelin : l'adieu populaire émouvant au Père Lachaise

En précisant que le public était "le bienvenu" aux obsèques de Jacques Higelin, les proches du chanteur avaient lancé une invitation qui ne se refusait pas. La foule a répondu présent, jeudi après-midi au cimetière du Père Lachaise, offrant un au revoir à son image, émouvant et généreux, au poète chantant, disparu le 6 avril à l’âge de 77 ans.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La foule aux obsèques de Jacques Higelin au cimetière du Père Lachaise à Paris (12/04/2018)
 (BERTRAND GUAY / AFP)

Une foule dense

Aujourd’hui "le soleil fait grève". Il ne pouvait en être autrement le jour où le "tombé du ciel" monte au firmament. Alors pour lui ils ont bravé la pluie et le mauvais temps. Ils sont venus de loin, souvent de banlieue, par centaines, plus d'un millier en tout. En béquilles (il y en avait pas mal, étrangement), avec des cannes d’aveugles (si, si), en talons hauts ou en godillots. Pour une fois qu’ils n’étaient pas tenus à l’écart de ces habituelles funérailles en petit comité, "en toute intimité", tous avaient tenu à venir honorer ce "grand-frère" qui "nous a beaucoup donné". Ils l'aimaient, ou plutôt ils l'aiment, "pour sa gaieté", "sa folie", "sa légereté", "sa poésie", nous ont-ils confié. 

Il est 15h45 environ lorsque le cortège funéraire, en provenance du Cirque d'hiver, fait son entrée sous les applaudissements nourris par la porte principale du cimetière, boulevard de Menilmontant. La foule, dense, bat déjà le pavé depuis un moment. Des ballons de couleurs, sur lesquels a parfois été inscrit au marqueur "merci Jacques", égaient le ciel bas. Une pancarte réversible proclame "Au ciel et toujours amoureux" côté pile, et "Humains comme Higelin" côté face.
Obsèques de Jacques Higelin : un participant brandit une pancarte en hommage au chanteur (12/04/2018)
 (BERTRAND GUAY / AFP)

La lente ascension vers le paradis

Débute alors la lente ascension d’Higelin vers le paradis, et accessoirement le haut du cimetière. Une promenade presque bucolique sous un léger crachin parmi les allées et les tombes, la mousse et les feuilles mortes, au son des corneilles. A nos côtés, nombre de chevelures blanches, mais de la jeunesse aussi, des bien mis, des ordinaires et des excentriques, des mines graves et des grandes gueules, des qui tisent et des qui fument des joints, beaucoup de velours côtelé et quantité de fleurs à la main.

Vient un moment où à force de raccourcis on s’égare et on ne sait plus très bien qui suivre dans ce dédale labyrinthique. Comme Higelin, son public n’est pas du genre à marcher dans les clous. Certains, même franchement frêles et âgés, osent braver le cordon d’interdiction et prennent des chemins buissonniers, rappelés à l’ordre quand ils n’échouent pas dans des culs de sac. "C’est toujours mal organisé ces concerts", s’amuse un monsieur. "C’est le bordel, la vie quoi".

L'hommage ému d'Izïa et d'Arthur H

Lorsqu’on ne peut vraiment plus avancer, l’hommage commence. Entourée d'amis et de proches, parmi lesquels on remarque Matthieu Chedid, Tom Novembre, Nicolas Bedos, Michel Jonasz, Jane Birkin, Sandrine Bonnaire, Romane Bohringer et Jean-Louis Aubert, la famille remercie chaleureusement le public de sa présence. La fille chérie d’Higelin, la chanteuse Izïa, prend brièvement la parole, émue, et choisit de parler de "Jacques, Jacques, Jacques" au présent, rappelant que le public a toujours beaucoup compté pour son père. Puis c’est au tour d’Arthur H, l’un des fils, de remercier cette foule nombreuse massée de part et d’autre, grimpée jusque sur les tombes pour mieux voir.
Arthur H. aux obsèques de son père Jacques Higelin (12/04/2018) 
 (Alphacit NEWIM / CrowdSpark)

Communion en musique

Pas besoin de se tordre le cou pour mieux voir quand s’élève la voix du poète rock, qui fait immédiatement chavirer tous les coeurs et humidifie les regards. "Parc Montsouris", une chanson intime, presque une valse, résonne. Entendre Higelin chanter "Je vis pas ma vie, je la rêve/ C’est comme une maladie/ Que j’aurais chopé quand j’était tout p’tit/ Et qui va pas m’lâcher avant qu’en crève", accompagné à voix basse, en sourdine, d’une partie de la foule, est à la fois saisissant et bouleversant. Un authentique moment de communion. 

Les paroles de "J’suis qu’un grain de poussière" - J’suis qu’un grain de poussière/Perdu comme un enfant dans l’œil du firmament/ (…) Un fils de la terre et du vent" - prennent elles aussi tout leur sens. Après "Le berceau de la vie", la petite série musicale s’achève sur le sautillant "Tête en l’air" poussant le public à oser donner plus franchement de la voix et même à continuer seul dans le silence le refrain ludique et joyeux "Y’a des allumettes au fond de tes yeux/Des pianos à queue dans la boîte aux lettres/Des pots de yaourt dans la vinaigrette."

Puis Arthur H entonne a capella de sa voix grave "Pars", repris en chœur une dernière fois avant l’inhumation. Le ciel pleure des cordes. 

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