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Fender réédite la mythique guitare brûlée il y a 50 ans par Hendrix à Monterey

Quand on parle de Jimi Hendrix, une des images qui vient immédiatement à l'esprit est sa guitare brûlant sur la scène du festival de Monterey en 1967. Pour les 50 ans de ce tournant dans l'histoire du rock, Fender ressort une édition limitée de cette fameuse Stratocaster, peinte par Jimi lui-même avant qu'il ne la sacrifie selon ses paroles. Mais que s'est-il vraiment passé ce 18 juin 1967 ?
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
 

Une revanche sur le passé ?

Pour comprendre le geste de Jimi Hendrix en 1967, il faut remonter presque 10 ans en arrière, aux débuts du Rock'n'Roll, lorsqu'étaient organisées des tournées à plusieurs artistes dont celle intitulée "The big beat" organisée par l'animateur de radio Alan Freed. Cette tournée comprenait différentes stars montantes de l'époque : Frankie Lymon, Buddy Holly, et surtout Jerry Lee Lewis et Chuck Berry.

Pour illuminer les feux de la rampe, chaque artiste voulait négocier son ordre de passage et ainsi espérer voler la vedette. Le 28 mars 1958 à New York, ne supportant pas de passer avant Chuck Berry, Jerry Lee Lewis met le feu à son piano durant le morceau bien-nommé "Great balls of fire" et anéantit ainsi complètement le guitariste qui refuse de monter sur scène derrière une telle performance. Le pianiste serait sorti de scène en s'adressant à Chuck Berry : "essaie de faire mieux, Killer" (The Killer devenant le futur surnom de Lewis). Cet épisode célèbre est relaté dans le biopic de Jerry Lee Lewis "Great Ball of Fire" réalisé par Jim McBride en 1989 :
Le côté moins glorieux de la légende est qu'en réalité, Lewis aurait dit à Berry non pas "Killer" mais "Niger" (negro), selon plusieurs témoins, bien que Lewis l'ait toujours démenti.
Berry et Lewis ont eu l'occasion de refaire plusieurs tournées ensemble, comme ici à Mannheim le 22 novembre 2008
 (RONALD WITTEK/EPA/MaxPPP)
En 1967, l'histoire va se répéter. Nous sommes à Monterey, pour l'un des premiers grands festivals, qui annonce l'ouverture du summer of love, avec une affiche qui laisse rêveur : Janis Joplin, Otis Redding, Jefferson Airplane, The Byrds, Grateful Dead, Mamas & Papas, Ravi Shankar...et bien sûr les Who et Jimi Hendrix. C'est entre ces deux que l'ordre de passage va se disputer, mais dans l'ordre inverse de Berry et Lewis : le guitariste gaucher, qui connait un succès foudroyant en Angleterre depuis la fin 1966, voudrait passer en premier, craignant que Pete Townshend ne brise sa guitare et ne casse la baraque. Les Who, eux, sont agacés par ce jeune prodige qui a conquis le swinging London et qui pourrait aussi bien les éclipser s'il jouait avant eux. Jimi propose de jouer à pile ou face, mais c'est Townshend qui gagne et obtient ainsi la faveur d'ouvrir le show. Les Who vont se donner à fond et jouer leur habituel rituel de destruction massive d'instruments. Mais c'est sans compter l'ouragan qui va suivre...
The Who : Roger Daltrey, Keith Moon, et Pete Townshend sur la scène de Monterey, le 18juin 1967
 (AP/SIPA)

Un showman hors du commun

Aussi étrange que cela puisse paraitre aujourd'hui, Jimi Hendrix est quasiment inconnu aux Etats-Unis en juin 1967, et son succès foudroyant en Europe n'a pas traversé l'Atlantique. Les Beatles, auréolés de la sortie récente de leur chef-d'oeuvre "Sgt. Pepper", déclinent l’invitation au festival de Monterey, mais Paul McCartney recommande aux programmateurs d'engager The Jimi Hendrix Experience, et c'est Brian Jones qui va l'introduire sur scène : "Le meilleur et le plus excitant artiste que j'ai jamais entendu" annonce le fondateur des Rolling Stones.
Jimi Hendrix à Monterey le 18 juin 1967, à gauche avec la 1ère stratocaster (noire) du concert, à droite jouant de la guitare dans le dos
 (AP/SIPA)
Jimi Hendrix ne va laisser aucun répit au public. Dès l'intro de "Killing floor", c'est un show à 100 à l'heure qui va tout raser sur son passage. Les morceaux, aujourd'hui devenus des classiques, s'enchainent sans temps mort : le sulfureux "Foxy lady", une superbe reprise de "Like a rolling stone" de Dylan, le blues "Rock me baby", l'incontournable "Hey Joe",  le punchy "Can you see me", la très belle ballade "The wind cries Mary", l'hallucinant "Purple haze"... En plus de jouer merveilleusement bien, le guitariste gaucher assure le spectacle : il joue avec les dents, derrière la tête, dans le dos, délivre des sonorités inconnues à l'époque. Il est en train de conquérir l'Amérique, et pour achever de ridiculiser ses rivaux, et montrer qui est le boss, il va mettre le feu. Littéralement.
Jimi Hendrix jouant de la guitare avec les dents, ou par-dessus le manche, le 18 juin 1967 à Monterey
 (BRUCE FLEMING/AP/SIPA)

Un tournant dans l'histoire du Rock

Sur le dernier morceau "Wild Thing" ("chose sauvage", reprise des Troggs), il présente une 2ème Stratocaster, rouge, sur laquelle il a peint un motif psychédélique le matin même. Il en est très fier, et cette guitare semble précieuse à ses yeux. Contre toute attente, il va la "sacrifier" à la fin du solo, puis la fracasser contre les amplis et sur la scène, laissant les spectateurs totalement ébahis.
Cet événement va marquer un véritable tournant dans l'histoire du rock. Les visages médusés dans le public le confirment : personne n'était préparé à ça. Même si le rock'n'roll avait déjà opéré une révolution des moeurs dans l'amérique puritaine des années 50, ce déferlement de déluges sonores, ces mimes de l'acte sexuel avec la guitare, et cette immolation aux allures chamaniques vont définitivement ouvrir la voie du rock vers l'anti-establishment, la controverse socio-politique, ou plus tard des prétendues tendances sataniques, comme l'avait fait le blues auparavant.
Jimi Hendrix avec sa guitare repeinte à la main, avant qu'il ne la brûle
 (BRUCE FLEMING/AP/SIPA)

Ce manifeste annonce l'une de ses plus grandes interventions musicales, artistiques et politiques : l'interprétation au vitriol de l'hymne américain lors du festival de Woodstock, deux ans plus tard, le 18 aout 1969. Et même si ce n'est pas la première fois que Jimi Hendrix brûle sa guitare sur scène (il l'avait déjà fait le 31 mars 1967 à Londres), c'est ce concert-là qui passera à la postérité et lancera véritablement sa carrière internationale.
 

Une réplique Fender en édition limitée pour les 50 ans

La réplique fabriquée par Fender, sortie le 15 août  2017
 (Fender)
Le 15 août 2017, pour célébrer les 50 ans de cet événement marquant de l'histoire du rock, Fender a sorti une réédition de cette fameuse Stratocaster, avec la réplique exacte du motif psychédélique peint par Jimi lui-même. Il est à noter cependant qu'en 2002, pour les 60 ans de la naissance du guitariste gaucher, une exposition au parc de la Villette à Paris proposait déjà une réplique de la célèbre guitare, mais en édition unique.
Une réplique de la guitare avait déjà été exposée lors d'une exposition célébrant les 60 ans de la naissance d'Hendrix, au parc de la Vilette à Paris en 2002
 (REMY DE LA MAUVINIERE/AP/SIPA)

Aujourd'hui, c'est un modèle produit en série (certes en quantité limitée) accessible au grand public, au prix de 959,00€, c'est-à-dire dans la moyenne des prix des Stratocasters standard, légèrement au dessus des premiers modèles (autour de 500€) mais très en dessous des séries "Signatures", répliques des modèles de guitaristes de légende (Clapton, Gilmour, Beck, Gallagher...) produites par le Custom Shop (entre 4000 et 5000€).

Outre les dessins psychédéliques, la guitare est ornée d'une plaque à l'éfigie du guitariste ainsi que de sa signature au dos de la tête.

  (Fender)

Avec ce petit bijou, combien d'apprentis guitar-heroes vont se sentir pousser des ailes et rêver d'atteindre la gloire de leur idole ? Espérons qu'ils n'auront pas à lui faire subir le même sort que l'originale...

Le motif peint par Jimi Hendrix a été reproduit à l'identique
 (Fender)

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