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Fauve ≠ : 7 choses apprises au Bataclan
Le premier album du collectif parisien aussi adulé que détesté vient de sortir. Pour défendre ce "Vieux Frères Part 1", qui sera suivi en septembre d'un "Part 2", les cinq Fauve repartent sur les routes pour une tournée qui débutait cette semaine avec 5 concerts à guichet fermé au Bataclan (Paris). Nous avons assisté à l'un d'eux, mardi 4 février. Bilan mi-figue mi-raisin.
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Disons-le d’emblée, on n’est pas là pour faire du Fauve ≠ «bashing». Mais on ne fait pas non plus partie des inconditionnels du collectif parisien. Pour tout dire, on trouvait leurs manifestes trop impudiques et exaltés pour être honnêtes jusqu’à ce qu’on les voit live, en mai 2013 à La Flèche d’Or (on le racontait ici).
Contre toute attente, la conquête avait été alors immédiate. Fin août, au festival Rock en Seine, ils nous avaient à nouveau impressionnés par leur maîtrise scénique.
Aujourd’hui, alors que le collectif sort son tout premier album, « Vieux Frères Part 1 » , que les médias mordent enfin à l’hameçon et que le groupe tourne au phénomène, nous avons assisté cette semaine (mardi 4 février) à l’un des premiers concerts de leur résidence de 20 dates à guichets fermés étalée jusqu’en mai au Bataclan. Voici ce que nous en avons retenu.
1. Le chanteur reste un bavard invétéré
Sur disque, le chanteur de Fauve a la langue bien pendue : il prend toute la place. Sur scène, c’est pire, car il intervient aussi ENTRE les morceaux ! Ca fait partie du charme. Cette fois, peut-être en raison du trac face à l’enjeu de cette nouvelle tournée, il se mue en véritable moulin à paroles. A la fin du show, on se croirait à une remise de prix : remerciements au tourneur, à la salle, au public, tout y passe. Heureusement, il est lucide : « je sais, je parle souvent longtemps entre les morceaux et ça fait chier », lance-t-il pour conjurer toute critique. Une chose est sûre, en cas de clash il pourra toujours se recycler dans le stand-up. 2. Le flow, ça se travaille
A Rock en Seine, fin août, le phrasé au micro de Quentin avait encore évolué. Percutant, articulé, nerveux, il semblait à son meilleur, égalant celui d’un rappeur. Ce soir, sur les nouveaux titres en particulier, il file à toute allure, mais cette course folle n’évite pas la monotonie. Oui à l’urgence, mais on aimerait des modulations et des variations de rythmes, pour ne pas dire des respirations… Là-dessus, on lui fait confiance, les chansons auront tout le loisir de se rôder en tournée. Par contre, on le baillonnerait volontiers comme Assurancetourix lorsqu’il s’essaye au chant !
3. La modestie, même sincère, c’est lassant
Dès le début, l’auto-flagellation est de mise : « On est contents d’être dans cette salle, on n’est pas des professionnels, juste des branquignols. On a préféré être ici, dans une ambiance familiale, plutôt que de faire un gros truc qui nous aurait foutu les jetons. » Jusqu’ici, tout va bien. Le souci, c’est qu’à chaque intervention, le chanteur Quentin remet ça. Que survienne un souci de claviers et « les plantages, ça nous ressemble », dit-il.
A l’en croire, Fauve n’est qu’une bande de débutants, un ramassis d’incapables, pas foutus d’assurer un concert. Pourtant, les musiciens ont progressé et sont très en place. Au fait, on parle bien du collectif qui écume la France de long en large depuis un an et a mis KO bien des publics de festivals ? A force, cette fausse modestie ressassée et brandie en étendard a quelque chose de fatigant et surtout de gênant. Et là où il y a de la gêne…Et puis il faut se rendre à l’évidence, les gars : cette entreprise d’auto-dépréciation permanente montre bien que la « thérapie de groupe » qu’est censée être Fauve a échoué. A vue de nez, vous en reprenez pour 10 ans de divan.
4. Un bon rappeur en featuring, ça vous booste un morceau
Sur «Voyou », le rappeur Georgio débarque sur scène et double Quentin au micro. Le jeune mc parisien fait une belle démonstration de la domination du rap sur le slam ou le « spoken word ». Son intervention muscle le titre et l’envoie au firmament : « Voyou » restera comme un des temps forts du concert avec « Kané » au rappel et le toujours vibrant « Blizzard » final.
5. Le nouveau public de Fauve est mou
Fauve a toujours rendu hommage à ses fans, et il avait plus que raison. Un public, c’est ce qui fait la force d’un groupe et ce qui décuple la magie du live. Cette fois, le public ne joue pas son rôle, il est en-deça des concerts précédents. Qu’y avait-il de si différent à la Flèche d’Or en mai dernier ? Rien de spectaculaire, pas de stage diving ni de pétages de plombs, mais une ferveur et une communion puissantes qui faisaient se sentir partie intégrante d’un même bateau. Au Bataclan, ce n’était pas le cas, en tout cas ce soir là.
Le public, âgé de 20 à 40 ans (plutôt que 15 à 30 ans, la cible supposée du collectif), et où les femmes sont bien représentées, est mollasson, sans fougue, même s’il applaudit pieusement après chaque morceau. Non pas qu’il n’aime pas – ayant acheté ses places dès le début annoncé de la tournée, la foule présente compte vraisemblablement beaucoup de vrais fans du groupe. Mais ils ne connaissent pas encore le nouvel album, sorti la veille, et ils sont dans l’attentisme, désormais spectacteurs et non plus acteurs. Quentin a beau faire des bonds, il n’arrive pas à les soulever. Tout cela manque cruellement d’électricité, celle qui permet à une formation de se surpasser.
6. Fauve aime Taxi Girl… et les sports d’hiver
Ce sont les deux thèmes dominants des nouvelles vidéos projetées sur l’écran. Enfin c’est ce qu’on en a retenu. On est vache, parce que ces projections sont franchement très réussies. On ne sait juste parfois plus très bien ou regarder – le groupe ou l’écran ? Revoir aujourd’hui Daniel Darc tout jeune, marchant dans les rues, est absolument réjouissant. Surtout sur « Sainte Anne » habilement téléscopé à « Paris » de Taxi Girl. Là on a bien saisi le message. Mais beaucoup moins cette curieuse obsession pour les châlets et les paysages enneigés…
7. L'anonymat se fissure
Dans le milieu des médias on ne le sait que trop : Fauve est pénible dès qu’il s’agit de toucher à son anonymat. Ils poussent des cris d’orfraie lorsqu’il est question de séances photos et s’irritent lorsqu’on ose citer ne serait-ce que leurs prénoms (prénoms et noms sont désormais des secrets de polichinelle, alors que Libération balançait presque direct leurs bulletins de naissance dans le sept pages qu’il consacrait au groupe le week-end dernier).
On les comprend, la discrétion est une vertu par les temps qui courent. Mais on sent bien que cela devient intenable chez Fauve. N’est pas Daft Punk qui veut. Jusqu’ici, dans des salles plus modestes que le Bataclan, on ne pouvait pas prétendre avoir vu le visage des 5 fauves, à moins de rester traîner au bar : leurs trombines restaient pudiquement tamisées par les projections. Cette fois, la salle est plus grande et nous sommes plus loin de la scène, mais on distingue clairement leurs traits. Doit-on y voir un petit pas vers les sunlights ? Bon, c’est vrai, le chanteur porte désormais d’imposantes lunettes de vue. Mais autant se cacher derrière son petit doigt…
Fauve est en tournée : le 12 février à Ramonville, le 13 à Istres, le 18 à Rennes, le 19 au Mans, le 20 à Niort, du 4 au 8 mars à nouveau au Bataclan etc....
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