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Disques vinyles : le premier fabricant français confirme le boom

Le retour du disque vinyle se confirme. Début mai, le plus gros fabricant américain, United Record Pressing, annonçait son intention de doubler sa production d'ici la fin de l'année. Pour savoir ce qu'il en était de ce côté-ci de l'Atlantique, nous avons interrogé le patron du dernier fabricant de vinyle français, MPO, une entreprise familiale basée en Mayenne.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Platine vinyle chez le fabricant MPO France.
 (MPO France)

Alors qu'on lui promettait de finir au musée depuis quelques années, le disque vinyle reprend sérieusement du poil de la bête.

Début mai, United Record Pressing, le plus puissant fabricant américain, basé à Nashville (Tennessee) annonçait qu'il comptait acquérir de nouvelles presses en vue de doubler sa production d'ici la fin 2014. Actuellement, il produit de 30.000 à 40.000 vinyles par jour et tourne à plein régime,  24 heures sur 24 et six jours sur sept.

En France, son équivalent MPO, qui produit actuellement 30.000 vinyles en moyenne par jour sept jours sur sept, a lui aussi le sourire : il nous confirme qu'il compte augmenter sensiblement sa production (33%) d'ici la fin juin pour répondre à la demande.

Fabrication de disques vinyles chez MPO.
 (MPO France)
MPO, une entreprise familiale qui n'a voulu sacrifier ni son matériel ni ses employés
L'histoire de MPO (Moulages Plastiques de l'Ouest) remonte à 1957, lorsque Mme et M.de Poix, les parents de l'actuel directeur, installent une presse à 45T dans la propriété familiale. En 1972, le couple décide de créer une usine à côté de la maison. En 1978, la petite société s'est bien développée : cette année-là, elle presse 200.000 vinyles par jour et 50 millions par an, un record. Elle a des usines à Québec et en Californie et se hisse numéro un des fabricants en Europe. Viendront ensuite, avec le même succès, le CD, le DVD et le Blue Ray.

Sa prospérité, cette petite entreprise familiale l'a longtemps dû à l'audace de ses fondateurs, qui ont toujours su flairer le train de la modernité et s'y lancer résolument avant tout le monde, au fil du temps et de l'apparition des nouveaux supports.

Mais concernant l'actuel retour du vinyle, la force de MPO, qui emploie aujourd'hui 1.100 salariés dans le monde (tous supports confondus), résulte d'une autre démarche. C'est parce ses dirigeants voulaient à la fois sauver l'emploi et leurs équipements (les presses à vinyle) malgré l'effondrement des commandes de 33T au début des années 2000, que l'entreprise parvient une fois encore à tirer son épingle du jeu.

Aujourd'hui, alors que le vinyle sort résolument la tête de l'eau, ses machines outils entretenues avec soin et à perte durant quinze ans, ainsi que le savoir-faire très particulier et en voie de disparition de ses techniciens, lui permet de damer le pion à la concurrence.

Interview

Depuis quand constatez vous un renouveau de la demande pour le vinyle ?
Serge de Poix, président et propriétaire de MPO :  Le marché du vinyle a commencé à régresser fortement dans les années 80. Aujourd'hui, avec l'arrivée d'internet, c'est le CD et le DVD qui s'effondrent. La demande de vinyle revient d'une manière forte depuis trois ans.
Fredi, directeur commercial de MPO (et ancien Dj hip hop de Daddy Lord C/La Cliqua, Sages Poètes de la rue, Zoxea/IV My People) : Le premier frémissement c'était en septembre 2012, et depuis ça n'a fait qu'aller crescendo. En 2010, l'année où la demande était au plus bas pour le vinyle, nous avons produit 3,7 millions d'unités. En 2014, si ça continue comme ça, nous pourrons terminer à 7 millions d'unités produites dans l'année.

Combien de fabricants se partagent-ils le marché en Europe ?
Fredi : nous sommes quatre ou cinq en Europe, il y a une dizaine d'usines au total.
Serge de Poix : Mais nous sommes les seuls fabricants de vinyle aujourd'hui en France.

Quelle est votre production de disques vinyle ? Et comptez vous l'augmenter ?
Serge de Poix : Nous produisons 30.000 vinyles par jour sept jours sur sept avec 14 presses. Mais d'ici la fin juin nous allons augmenter notre capacité à 40.000 vinyles en moyenne par jour (soit une hausse de 33%) avec la mise en place de deux nouvelles presses. Nous sommes actuellement en train de transférer notre atelier vinyle et ses 50 salariés dans un espace plus grand, une usine née en 2005 où se trouve la fabrication de CD.
Fredi : ce déménagement et la nouvelle chaudière ont été de gros investissements. Mais il faut continuer à répondre à la demande. Tout récemment, nous avons dû décliner l'offre d'un Américain qui voulait faire presser 360.000 disques vinyles. Si nous avions honoré la commande, ça aurait été au détriment de petits clients historiques et fidèles. Nous lui avons proposé de lui presser 100.000 exemplaires et il va faire réaliser le reste de sa commande ailleurs.
Fabrication des disques vinyles chez MPO, en Mayenne.
 (MPO France)
Qui sont vos clients ?
Serge de Poix : Ils viennent de partout. Notre plus gros client est un distributeur américain. Mais nous avons beaucoup de clients européens, notamment anglais, allemands et espagnols, et nous exportons également vers le Japon.

Avez-vous surtout des demandes pour de petites quantités ?
Serge de Poix : Pour nous, il n'y a jamais eu de "petits clients". La fourchette va de 500 exemplaires à 10.000. Nous travaillons aussi bien pour de petits labels indépendants que pour des poids lourds de l'industrie.
Fredi : moi qui m'occupe de la France, je peux dire que nous mettons un point d'honneur à honorer les petits clients.

Certains styles musicaux son-ils sur-représentés ?
Serge de Poix : Pendant longtemps, nous avons travaillé essentiellement pour les disc-jockeys (donc c'était plutôt de la dance, du hip-hop, de la techno et de la musique électronique). Mais aujourd'hui, les artistes plus classiques comme Johnny Hallyday, Zaz ou Mylène Farmer sortent aussi sur support vinyle.
Fredi : Aujourd'hui, c'est le rock qui tient le haut du pavé. Le rock dans sa globalité, avec tous ses sous-genres. L'électro revient bien également. Mais surtout, chaque artiste, même en variété chez les majors, sort en vinyle, comme Shaka Ponk, Sébastien Tellier, Moriarty, Metronomy, Daft Punk, L'Entourage.
Disques Vinyles de couleur chez MPO.
 (MPO France)
A quoi attribuez-vous ce regain d'intérêt pour le vinyle?
Serge de Poix : Ce sont majoritairement le fait des jeunes, qui n'ont connu que le cd et le MP3 et se rendent compte que la compression du son n'est pas bonne. Ils redécouvrent ce support, le bel objet, avec une belle pochette et un son de qualité. C'est un phénomène international qui va de pair avec le retour des platines vinyle.
Fredi : Les gens se rendent compte que le cd n'est qu'un bout de plastique sans beaucoup de valeur ajoutée. Au niveau du son, il est en concurrence directe avec le numérique. Ce qui n'est pas le cas du vinyle, de bien meilleure qualité sonore. En plus, les disques vinyles sont souvent accompagnés aujourd'hui d'une carte de téléchargement pour pouvoir écouter les morceaux aussi sur son ordinateur, son smartphone etc.. Et parfois même en haute définition, la meilleure qualité possible, comme lors de l'enregistrement en studio.

Que proposez vous comme produits ?
Serge de Poix : Nous proposons aussi bien des 45T que des 33T et même des 25cm. Et à la demande, des vinyls de couleur et des picture discs. Bien entendu, nous imprimons également les pochettes.

Quel est le prix moyen d'un vinyle ?
Serge de Poix : Je vais vous étonner mais le vinyle est plus cher que le CD. Pour un CD ou un DVD, il faut compter moins d'un euro. Et le double pour un vinyle, c'est-à-dire moins de deux euros. Le vinyle est plus cher car il est techniquement plus complexe et plus long à fabriquer : de 2,5 secondes pour un CD on passe à 25 secondes pour un vinyl ! Et puis nous sommes exigeants sur la matière première, le chlorure de vinyle, et sur le résultat : pas question que le disque vieillisse mal ou se gondole ! Nos presses, qui sont d'origine suédoises, meilleures que les Américaines, sont non seulement très bien entretenues mais aussi constamment améliorées. Entre ce matériel de qualité en raréfaction et la compétence de nos techniciens, je peux dire aujourd'hui qu'en matière de vinyle je ne crains pas la concurrence.

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