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Arno livre ses derniers mots sur "Opex", un album posthume qui célèbre la beauté de la vie

Ce 30 septembre parait "Opex", l'album qu'Arno a enregistré juste avant de mourir à 72 ans il y a cinq mois, le 23 avril 2022. Le chanteur belge, qui a marqué la scène rock, voulait à tout prix sortir ce quinzième et dernier disque.

Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
Arno en studio pour l'enregistrement de son dernier album "Opex" (Danny Willems)

La parution d’un disque posthume suscite toujours des sentiments partagés. Opération commerciale jouant sur la corde sensible ? Compilation d’inédits à l’encontre de la décision de l’artiste ? Rien de tout ça avec Opex, le quinzième et dernier album d’Arno qui sort vendredi 30 septembre.

Le chanteur belge est décédé le 23 avril 2022, mais il était encore en studio fin mars pour enregistrer cet opus qu’il voulait sortir à tout prix. Il y a mis toute son énergie et a puisé dans ses dernières forces pour terminer la production débutée au printemps 2021. Une œuvre à la fois testamentaire et tournée vers la vie. 

Un disque pour boucler la boucle

Le titre de l'album doit son nom à un quartier populaire d’Ostende où Arno a grandi. "Opex" est aussi appelé "quartier du phare". Les grands-parents maternels du chanteur y tenaient un café populaire très apprécié, et l'artiste rend hommage dans ce dernier disque à son grand-père qui l'emmenait dans des bals populaires et lui montrait comment séduire les femmes. Porte d’entrée de l’Angleterre et lieu de bouillonnement musical, Ostende était le carrefour idéal pour découvrir le rock’n’roll. Arno y a entendu vers l’âge de 8 ans One night with you d’Elvis Presley. Avec plus tard Like a Rolling Stone de Bob Dylan, c’est une chanson qui le marquera à vie. Alors quoi de plus naturel que l’enregistrer afin de boucler la boucle.

Arno en studio pour l'enregistrement de son dernier album "Opex" (Danny Willems)

Ambiance en clair-obscur

Arno se sait condamné et n’y va pas par quatre chemins pour évoquer sa maladie, voire sa mort prochaine. "Mon esprit n’arrive pas à suivre mes jambes", chante-t-il dans I can’t dance (" je ne peux pas danser"- NDLR), tandis qu’il déplore un "court-circuit dans mon esprit" sur un autre titre. Quant à l’ouverture de l’album, La vérité, elle annonce presque déjà son départ : "Je vais me marier avec le vent,  Je prends le soleil comme mon amant (...) Embrasse le passé, il n’existe plus, Hier, c’était le passé, aujourd’hui la vérité". Le solo de guitare écorché renforce cette sensation inéluctable.

Mais dans cette même chanson, il affirme aussi : "La vie aujourd’hui, elle est plus importante". Arno nous invite a savourer le présent, à vivre malgré tout.

Sur le dernier morceau, c’est mon frère Peter qui joue du saxophone et moi de l'harmonica. C'est ce que je voulais : c'est mon dernier disque, non ?

Arno

à propos du titre "I'm Not Gonna Whistle"

C’est toute la dualité de cet album. La mort mais aussi la vie. À la première écoute, on ressent d’abord une atmosphère souvent crépusculaire comme dans Take me back et ses paroles en guise d’adieu. "L'heure est passée, le feu est parti. Maintenant il y a plus un sentiment d'au revoir que de bonjour". C’est aussi l’harmonica déchirant dans Mon grand-père ou encore le très émouvant Court-circuit dans mon esprit accompagné par le piano de Sofiane Pamart. Arno avait d’ailleurs enregistré son album précédent Vivre en 2021 avec le jeune pianiste lillois.

Quant à l’harmonica sur le dernier titre I’m not gonna whistle ("Je ne vais pas siffler" - NDLR), il semble presque hors de la tonalité du morceau, comme si le musicien était déjà ailleurs.

Mais celui qui a souvent chanté la fête et les femmes garde un petit brin d’euphorie pour ses dernières chansons. Même s’il avoue payer pour ses "conneries du passé", il se souvient qu’il "aime encore Elvis" dont il reprend One night with you. Dans Boulettes, il oublie presque sa maladie, "Mais on s’en fout, on fait la fête", et parle sans détour d’onanisme : "Je le fais avec ma main gauche, comme ça je pense que c’est quelqu’un d’autre qui le fait". Malgré son statut d’ultime album, Opex reste une ode aux plaisirs de la vie.

Un duo avec Mireille Mathieu

Et le titre central synthétise cette ambivalence de sentiments. Une reprise de La Paloma Adieu, un succès de Mireille Mathieu en 1975. Un rythme guilleret entre tango et reggae sur un texte nostalgique qui évoque des souvenirs d’enfance et un amour de marin. La chanteuse a posé sa voix sur l’enregistrement d’Arno alors que celui-ci était en train de partir… un peu comme le bateau de la chanson.

On peut être surpris au premier abord d’un duo entre le chanteur belge à l’esprit plutôt rock’n’roll et la vedette de variété accoutumée aux succès populaires, qui aujourd’hui encore véhicule une image ringarde. Mais sans doute qu’Arno a voulu une fois de plus célébrer l’insouciance avec cet air méditerranéen. Il ne faut pas oublier que son premier grand tube en solo était Les Filles du bord de mer, une reprise d’Adamo, autre chanteur parfois catalogué à tort "has been" et gentillet. Les deux artistes ont d’ailleurs eu l’occasion d’interpréter le morceau ensemble sur scène à plusieurs reprises.

Peut-être qu’Arno a simplement voulu nous rappeler que toutes les musiques peuvent cohabiter, que tous les styles peuvent se marier et nous aider à vivre l'instant présent. "La vie est trop courte pour être petit", clame l'artiste dans Court-circuit dans mon esprit. Indubitablement, Opex est un disque poignant, beau et intense comme un flacon d’absinthe. Qu’importe la chanson pourvu qu'on ait l'ivresse.

la pochette de l'album "Opex" d'Arno (Pias)

Arno "Opex" - sortie le 30 septembre (Pias). Toutes les infos sur le site officiel et la page Facebook

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