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Pluie de tubes et de sourires : le concert des ténébreux The Cure était particulièrement enjoué vendredi à Rock en Seine

The Cure, ce groupe dépressif, n’a jamais paru prendre autant de plaisir à communier avec le public que vendredi soir à Rock en Seine, où Robert Smith et les siens ont offert un concert impeccable de 2h15. On vous raconte.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Robert Smith de The Cure, souriant comme jamais au concert du vendredi 23 août 2019 à Rock en Seine. (NATHALIE GUYON/ FRANCE TELEVISIONS)

A force de les entendre explorer album après album les affres de la dépression, les tourments amoureux et le spleen existentiel, on avait presque fini par oublier que The Cure pouvait aussi être un groupe enjoué. Vendredi soir à Rock en Seine, où il donnait son seul concert en France de l’année, le groupe britannique nous l’a prouvé de manière éclatante : entre les larmes peut affleurer la joie.

On s’en rend compte à mesure que le jour tombe, que le noir se fait et que le chanteur se détend. La foule, qui rassemble la plus formidable et diverse collection de T-shirt de The Cure qu’il nous ait été donnée de voir, commence à trépigner d’impatience lorsque le groupe fait son entrée, à 21h tapantes. En guise de présentation, Robert Smith, se tortillant les doigts et visiblement ému, se promène lentement, ostensiblement, d’un bout à l’autre de la scène, balayant la foule de son regard intense et charbonneux, comme pour jauger les forces en présence.

Son charisme naturel éteint les derniers chuchotements et durant un instant le silence se fait. Plus qu’aux applaudissements, c’est à cette qualité d’écoute qu’on juge la ferveur des fans. Elle est énorme. Robert nous gratifie alors d’un demi-sourire, encore timide.

La gestuelle particulière de Robert Smith, lors du concert de The Cure vendredi 23 août 2019 à Rock en Seine. (NATHALIE GUYON/ FRANCE TELEVISIONS)

La setlist balaye 40 ans de chansons

Les majestueux Plainsong et Pictures of You, extraits de l’album Disintegration dont on célèbre les 30 ans cette année, inaugurent le concert. Quasi intacte, la voix donne le frisson. La setlist d’une trentaine de morceaux (27 au total), va balayer ensuite l’ensemble de leur discographie, avec une prédilection pour les albums Disintegration (1989), Wish (1992) et The Head on The Door (1985).

Rapidement on perçoit, dans les échanges de regards complices entre les membres du groupe et dans les interactions avec le public, que la petite troupe de cinq musiciens file l’entente parfaite et n’est pas juste venue remplir le tiroir caisse (même si la rumeur parle d’un chèque de 700.000 euros quand même). The Cure, ce groupe ténébreux à la réputation triste, voire lugubre, n’a jamais paru prendre autant de plaisir à communier avec les quelque 30.000 personnes, parmi lesquelles un fort contingent d’étrangers, venues les applaudir religieusement sans oublier de danser.

Sur Lovesong, Robert Smith, qui a fêté ses 60 ans en avril, parvient encore à nous bouleverser en mettant autant d’intention qu’au premier jour, ce qui paraît fou quand on pense au nombre de fois qu’il a dû la jouer en concert. Sur Last Dance, il esquisse quelques pas de danse, ou plus exactement se balance maladroitement comme un petit garçon dans ses chaussons gothiques. Il sourit vraiment alors, visiblement ravi d’être là. Et, alerte, "Bad Robert" rit même franchement sur Fascination Street en faisant une pantomime avec de grands gestes des bras. L’euphorie se poursuit sur le très rock Never Enough, pour lequel la foule assure les chœurs à pleins poumons.
 

Le bassiste Simon Gallup, très en forme, assure le mouvement sur scène le 23 août 2019 au concert de The Cure à Rock en Seine. (NATHALIE GUYON / FRANCE TELEVISIONS)

Espiègle, le bassiste Simon Gallup est très en forme

Si le jeu de scène du chanteur se réduit généralement à une gestuelle gracieuse des mains et des bras et à quelques grimaces douloureuses, son bassiste Simon Gallup assure à lui seul le mouvement. Avec son chignon haut et son jean’s béant aux genoux, il fait le job, sautille, cavale de long en large, braque la foule de son instrument de distraction massive sourire aux lèvres et pose régulièrement un pied sur les enceintes bordant la scène, tel le Roi Lion sur son rocher.

Sur Burn, Simon joue dos à dos avec Robert, les deux semblant s’appuyer l’un sur l’autre au propre comme au figuré. On l’aura aussi vu pourchasser le clavier Roger O’Donnell comme on joue à chat perché et chercher parfois à mettre en lumière le second guitariste Reeves Gabrels (qui officia un temps pour Bowie), impressionnant ce soir de maitrise et de discrétion, tout comme le batteur Jason Cooper.

Il y a, dans la dernière partie avant le long rappel, un passage un poil difficile pour certains, où l’on replonge brièvement dans la noirceur et la distorsion, Robert contraint de pousser sa voix pour se faire entendre derrière un mur du son. Autre petit regret : ne pas avoir eu la primeur d’au moins un morceau du prochain album promis pour l’automne – peut-être parce que les chansons, dignes selon Robert Smith de Pornography, chef d’œuvre de noirceur absent de la setlist ce soir, sont trop sombres pour cette tournée lumineuse censée souffler les 40 ans du groupe de Crawley (G-B) ?

Robert Smith au concert de The Cure le 23 août 2019 à Rock en Seine. (NATHALIE GUYON / FRANCE TELEVISIONS)

Le rappel convoque tous les tubes

Longtemps gêné aux entournures par l’aspect le plus pop de sa création, comme s’il s’agissait d’un compromis proche de la trahison de la part de cet ancien punk, Robert Smith semble en tout cas aujourd’hui avoir fait la paix avec ses tubes. Il joue ses classiques avec une jubilation évidente et le rappel est à cet égard un feu d’artifice dont on sort le cœur en vrac. Lullaby, Friday I’m in Love, Close to Me, les madeleines de Proust défilent.

Le concert se referme sur le menteur Boys Don’t Cry, dédié ce soir à un certain Ricky, en réalité Paul "Ricky" Welton, le "drumtech" du groupe mort ces jours-ci. De la joie derrière un rideau de larmes, donc.

Comme peu d’autres, The Cure a su écrire des chansons neurasthéniques sur lesquelles on peut danser, dire l’angoisse et la détresse sur des airs à fredonner. Ce paradoxe fait le bonheur des "curistes" depuis toujours : aujourd’hui comme hier, écouter leur musique dépressive rend extrêmement heureux.

Le concert est à revoir sous ce lien via Culturebox

La setlist du concert de vendredi 23 août à Rock en Seine
1. Plainsong
2. Pictures of You
3. High
4. A Night Like This
5. Just One Kiss
6. Lovesong
7. Last Dance
8. Burn
9. Fascination Street
10. Never Enough
11. Push
12. In Between Days
13. Just Like Heaven
14. From the Edge of the Deep Green Sea
15. Play for Today
16. A Forest
17. Primary
18. Shake Dog Shake
19. 39
20. Disintegration
RAPPEL
21. Lullaby
22. The Caterpillar
23. The Walk
24. Friday I'm in Love
25. Close to Me
26. Why Can't I Be You?
27. Boys Don't Cry

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