Rencontre avec P-Dro, jeune rappeur du côté sombre de la force
Le studio Luna Rossa, dans le 13e arrondissement de Paris. C’est là que l’on rencontre le Parisien P-Dro, qui vient y répéter et faire ses interviews. Au premier abord, le jeune rappeur est à l’opposé du personnage qu’il donne à voir dans ses morceaux et ses clips. Le P-Dro punchliner, sombre et ténébreux laisse la place à Pierre (son prénom de naissance), souriant, humble et presque timide.
Voilà maintenant quatre ans qu’il a commencé le rap. P-Dro ? "Mon surnom depuis que je suis tout petit, tout le monde m’appelle comme ça". Il grandit dans la petite commune de Villeneuve-le-Roi, où il habite toujours, dans le Val-de-Marne. Issu d'une famille très portée sur la musique, il se plonge très vite dans l’univers du rap, et ce, de ses propres mots, "assez naturellement". Il monte son collectif (YEP) avec ses amis, groupe auquel s'ajoutent progressivement de jeunes beatmakers, vidéastes, photographes voulant percer dans leurs milieux respectifs, notamment son ami Nayrod, talentueux producteur à ses débuts, qui connait rapidement le succès en ajoutant ses beats aux textes de P-Dro.
"Jardin Noir" et "Lilith", chapitres d'une vie
Il sort son premier album, "Jardin Noir", en 2017, dont certains morceaux, comme "Takashi", rencontrent un franc succès pour un premier opus. Avec cet EP, il se dévoile à la scène du rap, définissant son style. ""Jardin Noir" était une manière… disons poétique de représenter ce que j’avais dans le cœur. Le jardin représente la dimension intimiste de cet album, et le noir laisse entrevoir la couleur de ce qui ce qui s’y trouve : la haine, la colère, la déception.».De "Jardin Noir" à "Lilith", on retrouve une succession logique, explicitée par les premiers morceaux des deux EP, "Saison 1" et "Saison 2". "Chaque album regroupe des périodes de ma vie, des sujets personnels que j’ai pu vivre de manière active ou passive. "Jardin Noir" est venu à une période de ma vie où j’avais beaucoup de haine en moi et beaucoup de venin à cracher". "Lilith" est plus un regroupement d’expériences récentes, de déceptions amicales ou amoureuses, avec des questionnements sur ma vie en général", analyse-t-il. On sent déjà, d'un album à l'autre, un gain en maturité et en expérience, ce qui augure bien pour la suite.
Un rap introspectif, révélateur d'obscurité
Ce qui caractérise P-Dro, c’est son univers ténébreux, torturé. Ses paroles, enchainées dans des flows ultra-rapides ou dans des couplets plus chantés, sont souvent très dures et sans filtre, une sorte d'exutoire à la noirceur qui dort au fond de lui et, selon ses propres mots, "de tous les êtres humains". Une rage purement personnelle, issue de son expérience de vie, d'une introspection, de questionnements autour de sujets comme l'amour, l'amitié, la foi, ses choix de vie et son avenir. Un univers qui peut rappeler celui du rappeur belge Damso, avec qui il admet certaines similitudes, mais qu'il ne cite pas comme une "influence directe".Moi, quand je rentre dans un studio, c'est mon côté obscur qui prend le pouvoir.
Bien que dans ses textes il puisse faire référence à l'esclavage, à la montée du FN ou au racisme, P-Dro ne revendique pas un quelconque message politique : "Je n’ai pas de volonté de me positionner politiquement, je ne me sens pas légitime, je n’ai pas la connaissance suffisante des sujets politiques pour prendre position. Ensuite, parfois, je peux émettre des pensées qui me passent par la tête, qui peuvent être considérées comme des opinions" explique-t-il. Sa musique est pour lui un moyen de sonder son propre intérieur, et non pas une plateforme de revendications.
Des clips sombres à l'image de son univers
La meilleure porte d'entrée dans l'univers de P-Dro, ce sont ses clips. Il les voit comme "une deuxième lecture" de ses morceaux. Pour un rappeur à ses débuts, on est frappé par la qualité esthétique, la poésie sombre et le style bien particulier de ses vidéos qui, à l'instar de ses textes, nous plongent dans une atmosphère underground faite de quais de métro vides, de sous-sols, de cages et de mises en scènes flirtant avec le glauque.Mises en scènes qu'il ne construit pas seul, s'appuyant sur les bons conseils de son équipe : "les clips, c’est un travail collectif, on réfléchit tous ensemble à comment on veut doser l’esthétique et le symbolique. C’est l’occasion de représenter visuellement ce que je dis dans mes textes, et c'est pour ça qu'on y met autant de travail" explique-t-il.
Ses projets pour l'avenir
Pour l'instant, P-Dro est totalement indépendant, ayant produit ses deux albums avec l'aide de son équipe et un contrat de distribution. Malgré les nombreuses propositions qu'il a reçu, notamment depuis la sortie de "Lilith", P-Dro revendique son indépendance. "Pour l'instant, je me concentre sur la musique. Pour le reste, on verra." dit-il avec un grand geste de la main."2019, ça va être l’année de "Lilith". Je pense qu’on a vraiment un produit de qualité, et on va passer l’année à faire sa promotion, à tourner des clips, faire des concerts, etc. On ne va pas se gêner! " s'exclame-t-il en riant. Avis aux intéressés, P-Dro ne compte pas mettre les bouchées double sur les albums, mais préfère "prendre son temps" pour travailler ses projets dans les moindres détails. Mais, comme pour rassurer, il dit être déjà retourné au studio, pour commencer à préparer une possible "saison 3". "En tout cas, je serai sur scène le 30 janvier au festival "Hip-Hop is Red" à Paris !" conclut-il.
P-Dro EP "Jardin noir" et "Lilith". D-Pro est en concert le 30 janvier au festival "Hip-Hop Is Red" (centre FGO Barbara, Paris 18e)
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