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Kendrick Lamar sort un album magistral une semaine avant l'heure
Il était attendu pour le 23 mars, le nouvel album du rappeur américain Kendrick Lamar est finalement sorti ce lundi. Effet de surprise ou sortie prématurée pour contrer des fuites ? Peu importe, tant "To Pimp a Butterfly", précédé de deux chansons majeures, sent le chef d'oeuvre. L'album est à l'écoute ci-dessous.
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Temps de lecture : 4min
Un album particulièrement dense
Premier constat : "To Pimp a Butterfly", qui succède à l'acclamé "Good Kid M.a.a.d city" sorti il y a un peu plus de deux ans, est un album de 16 titres très dense et particulièrement exigeant. Qui ne lâche rien.
Complexe du point de vue des paroles, ce qui n'a rien d'étonnant de la part de ce poids lourd du micro, ce disque devra être longuement décrypté.
Kendrick Lamar, qui, en digne représentant du rap conscient, a toujours été soucieux de faire passer un message, semble en effet d'humeur particulièrement politique (le contexte actuel et la multiplication des faits divers racistes aux Etats-Unis s'y prêtent) tout en continuant à partager ses questionnements intimes, mêlant plusieurs degrés de métaphores à la minute.
On retrouve ici "I", qui avait signé son grand retour l'an passé, dans une version légèrement différente qui se termine sur ces mots "Combien d'entre nous sont morts rien que cette année ? Nous n'avons pas de temps à perdre". Mais aussi le rageur "The Blacker The Berry" inspiré au départ par le meurtre du jeune Trayvon Martin, ainsi que le dernier titre fuité, "King Kunta", référence à l'esclave Kunta Kinté, héros du livre "Racines".
Pas trace en revanche du magnifique morceau joué au Colbert Report en décembre en compagnie de Bilal, Anna Wise et du bassiste Thundercat, bien présents en revanche sur cet album.
Sur "Alright", Kendrick dit avoir combattu la dépression qui a suivi son immense succès en 2012 en cherchant les réponses à ses questions. Les unes et les autres lui ont semble-t-il fourni la matière première de ce disque à coeur ouvert, pour lequel il a été chercher l'inspiration jusqu'à la geôle de Robben Island (Afrique du Sud) où Nelson Mandela fut longtemps incarcéré.
"U", qui apparaît comme l'envers de l'hymne ultrapositif "I", est une pièce maîtresse de l'album. Ce titre sombre explore les tréfonds de la dépression - l'impression d'être un imposteur, un raté, un égoïste - et a été l'un des plus durs à écrire, de l'aveu même du rappeur.
L'ombre de Tupac
Le rappeur de Compton (Los Angeles) n'a jamais caché son admiration pour Tupac Shakur, auquel il a été souvent comparé. Il s'impose ici plus que jamais comme son fils spirituel et reprend le flambeau avec brio 20 ans plus tard ( "All Eyez on Me" fêtait ses 20 ans ces jours-ci).
Il faut écouter cet album jusqu'au bout du bout, jusqu'à la fin de la 16e chanson, "Mortal Man", basée sur un sample de Fela Anikulapo Kuti, pour découvrir le magnifique hommage du disciple au maître. Sauf que le fils semble ici en route pour dépasser le père.
Expérimentations musicales
Le troisième album studio de Kendrick Lamar place aussi la barre très haut musicalement, cherchant à la fois du côté du meilleur du funk (le génial parrain du genre, George Clinton est dans la place dès le titre d'ouverture), mais aussi du côté du jazz expérimental (on remarque la présence de Flying Lotus, avec lequel il signait le fabuleux "Never Catch Me" l'an passé).
Le rappeur, qui sort ici des sentiers battus (et rebattus) musicaux, met adroitement à l'épreuve ses auditeurs, qu'il embarque cette fois un peu plus loin, un peu plus haut, que la facilité des hits radio habituels. Ce faisant, il espère peut-être faire franchir à certains de ses fans un palier dans l'exigence musicale dont ils ne redescendront plus jamais. On applaudit.
Un concept-album, enfin (une rareté à l'époque du single roi et du tout jetable), qu'on imagine passer avec panache l'épreuve du temps, voire entrer dans la légende. Et que l'on se gardera donc bien de juger en quelques heures, après deux ou trois écoutes. A vous de jouer.
"To Pimp a Butterfly" est en vente sur iTunes et à l'écoute sur Spotify ci-dessous.
Premier constat : "To Pimp a Butterfly", qui succède à l'acclamé "Good Kid M.a.a.d city" sorti il y a un peu plus de deux ans, est un album de 16 titres très dense et particulièrement exigeant. Qui ne lâche rien.
Complexe du point de vue des paroles, ce qui n'a rien d'étonnant de la part de ce poids lourd du micro, ce disque devra être longuement décrypté.
Kendrick Lamar, qui, en digne représentant du rap conscient, a toujours été soucieux de faire passer un message, semble en effet d'humeur particulièrement politique (le contexte actuel et la multiplication des faits divers racistes aux Etats-Unis s'y prêtent) tout en continuant à partager ses questionnements intimes, mêlant plusieurs degrés de métaphores à la minute.
On retrouve ici "I", qui avait signé son grand retour l'an passé, dans une version légèrement différente qui se termine sur ces mots "Combien d'entre nous sont morts rien que cette année ? Nous n'avons pas de temps à perdre". Mais aussi le rageur "The Blacker The Berry" inspiré au départ par le meurtre du jeune Trayvon Martin, ainsi que le dernier titre fuité, "King Kunta", référence à l'esclave Kunta Kinté, héros du livre "Racines".
Pas trace en revanche du magnifique morceau joué au Colbert Report en décembre en compagnie de Bilal, Anna Wise et du bassiste Thundercat, bien présents en revanche sur cet album.
Sur "Alright", Kendrick dit avoir combattu la dépression qui a suivi son immense succès en 2012 en cherchant les réponses à ses questions. Les unes et les autres lui ont semble-t-il fourni la matière première de ce disque à coeur ouvert, pour lequel il a été chercher l'inspiration jusqu'à la geôle de Robben Island (Afrique du Sud) où Nelson Mandela fut longtemps incarcéré.
"U", qui apparaît comme l'envers de l'hymne ultrapositif "I", est une pièce maîtresse de l'album. Ce titre sombre explore les tréfonds de la dépression - l'impression d'être un imposteur, un raté, un égoïste - et a été l'un des plus durs à écrire, de l'aveu même du rappeur.
L'ombre de Tupac
Le rappeur de Compton (Los Angeles) n'a jamais caché son admiration pour Tupac Shakur, auquel il a été souvent comparé. Il s'impose ici plus que jamais comme son fils spirituel et reprend le flambeau avec brio 20 ans plus tard ( "All Eyez on Me" fêtait ses 20 ans ces jours-ci).
Il faut écouter cet album jusqu'au bout du bout, jusqu'à la fin de la 16e chanson, "Mortal Man", basée sur un sample de Fela Anikulapo Kuti, pour découvrir le magnifique hommage du disciple au maître. Sauf que le fils semble ici en route pour dépasser le père.
Expérimentations musicales
Le troisième album studio de Kendrick Lamar place aussi la barre très haut musicalement, cherchant à la fois du côté du meilleur du funk (le génial parrain du genre, George Clinton est dans la place dès le titre d'ouverture), mais aussi du côté du jazz expérimental (on remarque la présence de Flying Lotus, avec lequel il signait le fabuleux "Never Catch Me" l'an passé).
Le rappeur, qui sort ici des sentiers battus (et rebattus) musicaux, met adroitement à l'épreuve ses auditeurs, qu'il embarque cette fois un peu plus loin, un peu plus haut, que la facilité des hits radio habituels. Ce faisant, il espère peut-être faire franchir à certains de ses fans un palier dans l'exigence musicale dont ils ne redescendront plus jamais. On applaudit.
Un concept-album, enfin (une rareté à l'époque du single roi et du tout jetable), qu'on imagine passer avec panache l'épreuve du temps, voire entrer dans la légende. Et que l'on se gardera donc bien de juger en quelques heures, après deux ou trois écoutes. A vous de jouer.
"To Pimp a Butterfly" est en vente sur iTunes et à l'écoute sur Spotify ci-dessous.
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