Encouragés par le rappeur Stormzy, de plus en plus d'étudiants noirs entrent à Cambridge
Soutenus par le programme Target Oxbridge et la bourse inaugurée en 2018 par l'artiste, les élèves noirs talentueux d'origine modeste accèdent plus facilement à Oxford et Cambridge
Le programme Target Oxbridge s'emploie à diversifier le recrutement des élèves noirs talentueux d'origine modeste pour qu'ils accèdent à Oxford et Cambridge, ces deux plus anciennes universités britanniques, qui forment l'élite britannique et mondiale.
Une initiative encouragée par la star du rap Stormzy qui a lancé une bourse en 2018 pour soutenir les étudiants noirs qui rêvent de Cambridge mais n'ont pas les moyens de payer leur scolarité (environ 10.000 euros par an) et les frais annexes.
"Avoir un impact sur le monde"
Rejoindre Cambridge, "c'était le rêve de ma vie", explique Matthew Omoefe Offeh. A 18 ans, il fait partie des étudiants noirs de plus en plus nombreux à intégrer la prestigieuse université anglaise, encouragés, entre autres, par le rappeur Stormzy.
Le jeune homme originaire de Luton, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Londres, vient de débuter des études d'ingénieur au Magdalene college, fondé en 1428 dans la célèbre ville universitaire traversée par la rivière Cam.
Ce fan de basket et grand lecteur a bénéficié du soutien de Target Oxbridge. "Certains pensent qu'ils ne s'intégreront pas, que Cambridge n'est pas un endroit pour les étudiants noirs (...) mais ça ne devrait pas être un sujet d'inquiétude", constate Matthew.
L'enjeu de mieux représenter les minorités, souligne-t-il, dépasse la seule éducation : "Cela place les personnes noires dans une meilleure position pour avoir un impact sur le monde". Matthew figure parmi les 137 étudiants britanniques noirs admis en premier cycle cette année, 50% de plus que l'année dernière. A la rentrée 2015, ils n'étaient que 38. Cette année 4,6% des étudiants britanniques de premier cycle sont noirs. A titre de comparaison, 3,3% de la population en Angleterre et Pays de Galles est noire.
"C'est le chiffre le plus élevé que nous ayons jamais eu", se félicite le professeur Graham Virgo, vice-président de l'université. "Nous avons déployé de grands efforts pour encourager plus d'étudiants noirs à candidater", assure-t-il, après que l'université a "pris conscience que les étudiants noirs étaient sous représentés".
"Un plafond de béton"
Le monde universitaire britannique, avec ses établissements parmi les plus prestigieux de la planète, reste marqué par "une profonde discrimination structurelle et systémique", dénonçait en juin, en plein mouvement Black Lives Matter, Valerie Amos, première femme noire à diriger une école universitaire au Royaume-Uni, l'école des études orientales et africaines (SOAS) à l'Université de Londres.
"Pourquoi n'y a-t-il qu'environ 25 femmes noires sur près de 19 000 professeurs au Royaume-Uni - et seulement 400 professeurs noirs ou issus de minorités ethniques ?", écrivait cette ancienne responsable travailliste. "Pourquoi les étudiants noirs sont-ils plus susceptibles d'abandonner leurs études universitaires, renforçant les inégalités plutôt que de les résoudre ?", s'interrogeait-elle, évoquant "un plafond de béton" pour étudiants et enseignants noirs.
Le coup de pouce de Stormzy
Pour diversifier son recrutement au delà des coûteuses écoles privées qui fournissent une part importante de ses étudiants, Cambridge a lancé des campagnes d'information, des bourses et mis en avant ses étudiants noirs sur les réseaux sociaux.
La star du rap Stormzy a lancé de son côté une bourse en 2018 pour soutenir les étudiants noirs qui n'ont pas les moyens de payer leur scolarité et les frais annexes. Cette année encore, deux élèves bénéficient de 18.000 livres (près de 20.000 euros) en 2020/21.
"Cela a été très important pour ces étudiants. (...) Mais ça a aussi vraiment joué en termes de visibilité", explique le professeur Virgo.
Entre consécration et inquiétude
Wanipa Ndhlovu, 20 ans, en dernière année de droit à Trinity College, a "vraiment vu un changement" cette année. Première de sa famille à étudier à Cambridge, elle se souvient de ses premières impressions : "ma première réaction a été : c'est grandiose (...). Et une de mes grandes inquiétudes était que je ne rencontrerai pas des gens comme moi", témoigne la jeune fille, qui a trouvé de la compagnie en s'impliquant dans une association d'étudiants originaire d'Afrique ou des Caraïbes.
A Cambridge, Wanipa raconte avoir "subi des microagressions ou été ignorée" par certains. Mais la jeune fille arrivée au Royaume-Uni de Zambie à trois ans relativise ces "incidents isolés" qui "ne caractérisent pas" sa situation.
La mort de George Floyd, Américain noir tué par un policier à Minneapolis, a en revanche été "très difficile" à vivre, raconte-t-elle : "Cela m'a fait de nouveau prendre conscience que peu importe ce que je fais, ce que je réussis, il y a beaucoup de gens qui ne verront pas comme leur égale".
Le professeur Virgo s'est alors entretenu avec de nombreux étudiants: "Nous faisons en sorte que leurs voix soient entendues en classe, et nous examinons nos programmes pour nous assurer que notre enseignement reflète les voix noires et l'expérience noire". Un programme de "décolonisation des bibliothèques" a été lancé pour diversifier et élargir les collections.
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