A Vitry-sur-Seine rappeurs et fans rendent hommage à Lionel D, le "pionnier du rap français"
C'est dans la ville de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) où il avait grandi que se sont tenues le 12 mars les funérailles de Lionel D., précurseur du rap français mort en février à Londres en Angleterre.
"Figure tutélaire", "légende"... Le rappeur Lionel D, mort dans l'anonymat en Angleterre fin février, a été inhumé le jeudi 12 février à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) en présence de centaines de fans et d'artistes dont Mc Solaar, venus rendre hommage au "pionnier du rap français".
Une grande fête à son honneur en juin
"Cela a été très compliqué de le ramener ici donc c'est très impressionnant et très fort que tout le monde soit présent pour lui aujourd'hui", commente au micro le DJ Dee Nasty, dans le nouveau cimetière de Vitry-sur-Seine. C'est Dee Nasty que l'hôpital de la ville d'Orpington en Angleterre a appelé pour annoncer la mort de Lionel D, "son frère". Enfant de la cité Cousy à Vitry-sur-Seine, il est "parti brutalement" à la suite d'un infarctus, à l'âge de 58 ans. "Il était important de faire rapatrier son corps ici et d'organiser cette cérémonie pour lui rendre hommage", a dit le maire communiste de cette ville de la banlieue parisienne, Jean-Claude Kennedy, qui organisera en juin une "grande fête à son honneur".
Avec Dee Nasty, rencontré en 1984, Lionel D, de son vrai nom Lionel Eguienta, a animé "Deenastyle" la première émission consacrée au rap français sur une radio nationale, Radio Nova, pendant deux saisons à partir de 1988. Pour Olivier Cachin, journaliste spécialiste du hip-hop, Lionel D est "une icône, le pionnier, celui qui a propulsé le fait qu'on puisse écouter du rap français à la radio et qui a introduit la langue française dans cette musique", raconte-il à l'AFP. "J'ai fait ma première radio grâce à lui, c'est là où j'ai rappé pour la première fois Bouge de là", le premier son "culte" du rap en France, se souvient le rappeur Mc Solaar.
"C'est lui qui nous a fait découvrir le rap", souligne-t-il. A la suite de cette émission, en 1990, Lionel D est le premier rappeur à signer dans une major, chez Sony, et sort "Y'a pas de problème", le premier album de rap français commercialisé en France. Prônant la défense des quartiers, militant contre les inégalités et le racisme, "il s'agit clairement d'un album de rap conscient", estime Olivier Cachin. "Il avait le rôle du grand frère, de l'éducateur et défendait une naïveté très belle", résume-t-il, tout en ajoutant qu'il n'a "pas bénéficié de la même lumière que d'autres artistes plus flamboyants comme Joey Starr", qu'il a fait connaître.
"Malédiction des pionniers"
Après "l'échec commercial" de son album, le rappeur a quitté la France pour l'Angleterre, où il a vécu comme "un clandestin" et "dans une grande précarité", devant "travailler au black car sans papier", a dit Dee Nasty, très ému. "Une vie chaotique", a aussi commenté Jean-Claude Kennedy. "Il été rapidement lâché de toute part, trop fade pour ce milieu mordant", précise le journaliste hip-hop. "Il est malheureusement rapidement tombé dans l'anonymat et est peu connu de la nouvelle génération".
Pour le rappeur originaire de Vitry, Doudou Masta, Lionel D est une "icône": "il m'a poussé à être ce que je suis aujourd'hui", a-t-il dit au micro. "Le rap français existe grâce à lui : il a été un moteur pour nous, c'est une légende, un précurseur", lance Mokobé, membre du groupe de hip-hop 113, aux côtés de Rim'K.
Au lendemain de l'annonce de sa mort, le ministre de la Culture Franck Riester, a qualifié, sur Twitter, Lionel D de "référence pour toute une génération de rappeurs et d'amoureux du hip hop". Pour l'animateur de Clique Mouloud Achour, le rappeur "a essuyé les plâtres d'une musique marginale devenue dominante", a-t-il tweeté. "Cette figure tutélaire a connu la malédiction des pionniers", résume Ismaël Mereghetti, journaliste spécialiste du rap.
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