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30 ans de Hip-Hop français : les pionniers témoignent

Pour fêter les 30 ans du hip-hop en France, le magazine hip-hop en ligne Down with This voulait marquer le coup. Il a réussi le tour de force de réunir au Bataclan à la mi-novembre une belle poignée de pionniers et d’activistes du mouvement, soit quelque 70 personnes au total, dont Mode 2, Chino, Dj Chabin, Solo, Aktuel Force, Sidney, EJM, Cut Killer, Dan de Ticaret, Jay One et Jonone...
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Photo Officielle des 30 ans du hip hop en France au Bataclan. Paris, Bataclan – 18 nov. 2012 
 (Down With This (www.downwiththis.fr) avec la participation d’Aurore Vinot, photographe.)

L'équipe du magazine en ligne a mené en parallèle plusieurs entretiens au long cours avec certains des acteurs capitaux des premiers pas du mouvement en France, dont Bernard Zekri. Ce journaliste, aujourd'hui à la tête de la société de production Capa, reste dans les annales du hip-hop comme l'organisateur en 1982 de la fameuse première tournée française d’une vingtaine de jeunes breakeurs, graffeurs, dj’s et rappeurs venus du Bronx, sous la bannière « New York City Rap ».

New York années 70  : l'émergence d'un mouvement avec ses codes
Son témoignage, à lire absolument, est savoureux. Dans les années 70, il habite à New York à deux pas du club jamaïcain Négril, l’un des épicentres à Manhattan du hip-hop naissant avec la présence d’artistes comme Afrika Bambaataa, fondateur de la Zulu Nation, et le Rock Steady Crew.
 
Il y avait là « un mélange magique, de filles sublimes, beaucoup de top models, de gens du Bronx avec ces nouveaux looks, cette nouvelle démarche, ce nouveau langage », se souvient Bernard Zekri sur Downwiththis.fr

« Et il y a surtout cette énergie qui est explosive, avec ces types qui veulent bouffer le monde ! Je suis au milieu de tout ça, une espèce de gentil blaireau et je me dis « Waouh » (rires) Les mecs déménagent ! Il y avait cette danse étonnante, avec les mecs qui tournaient sur la tête, on n’avait jamais vu ça ! L’art du mix, pareil, le scratch (…) Ils réinventaient le monde. »

Le premier morceau de rap en français
« Ce mouvement est en train de monter", continue Bernard Zekri. "Je fais des aller-retours entre Paris / New York, j’en parle à Paris. Je deviens assez copain avec (Fab Five) Freddy, Bambaataa, Blue, DST. J’habite avec Futura (2000). On partage un appartement ensemble. (...) Massadian, qui s’occupait d’Actuel, était un ami très proche et me prenait la tête : «on va faire une tournée, le rap, avec le magazine Actuel, etc…».

Finalement, c’est avec Alain Maneval, animateur sur Europe 1 à l’époque, que se nouent les modalités de la tournée, qui devra être appuyée par une sortie de disque. Voilà comment ce journaliste se retrouve à « faire des disques », à sortir le premier morceau de rap en français – « Une sale histoire » (ci-dessus) - écrit par lui et avec Fab 5 Freddy au micro, mais aussi à faire venir en France « 25 mecs du Bronx » pour la tournée « New York City Rap » en 1982.

Les danseurs du Rock Steady Crew retournent le public
La tournée, qui s’avère « un flop » pour moitié, sera émaillée d’anecdotes et de bastons. « Par contre, partout, il y avait un truc qui marchait systématiquement, c’était le Rock Steady Crew », souligne Bernard Zekri.  «Le Bataclan est la première date qu’on a fait en France. Il y avait même Mick Jones, le mec des Clash dans la salle. (...) C’étaient des moments magiques, je trouvais ces gens formidables, d’une inventivité géniale. Ca a été un moment formidable dans leur vie, et dans la mienne ! »
Dan de Ticaret et Alain Maneval électrisés dès le début
Les témoignages de Dan de Ticaret et d'Alain Maneval valent aussi le détour. Le premier, alors danseur de jazz-funk et présent au fameux premier show "New York City Rap" du Bataclan, raconte n’avoir pas été du tout convaincu au départ avant d’être finalement électrisé lorsque le danseur Mr Freeze est entré en scène « en faisant la marche arrière avec les gants blancs ». « Là, c'est comme si Dieu te touchait (...) A la minute, j'ai su que ça allait être fort par la suite. Le hip-hop allait me porter. »

De son côté, Alain Maneval, animateur radio-télé et passeur sur Europe 1, plutôt orienté punk, se souvient. « Ce qui m'intéressait dans le rap, c'est que ça correspondait à un discours politique super important au même titre que la parole des punks anglais en plein gouvernement de Margaret Thatcher. Ca avait du sens. (...) Il y avait donc une logique que je passe du punk au rap. J'ai adhéré complètement. » Et il n'a pas été le seul. Dès lors, plus rien n'allait arrêter l'enthousiasme, la sève et la fièvre du hip-hop.

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