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Une « Vestale » de 206 ans, superbe de fraîcheur et de panache

Au Théâtre des Champs-Elysées, poursuite du cycle « Les Italiens à Paris » avec cette « Vestale » (1807) de Gaspare Spontini, maître de musique trentenaire de l’impératrice Joséphine. Napoléon lui-même adorait : « Votre ouvrage abonde en motifs originaux et il y a de très beaux airs ». L’empereur avait raison. Culturebox vous offrira ce magnifique opéra le 23 octobre à 19h30, puis en replay.
Article rédigé par franceinfo - Bertrand Renard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"La Vestale", mise en scène d'Eric Lacascade
 (Vincent Pontet)

1807, époque-charnière. Le classicisme s’efface, le romantisme balbutie. La vestale Julia est amoureuse, comme le sera la prêtresse Norma vingt ans plus tard. Amours encore plus impossibles : une prêtresse de Vesta, déesse romaine du foyer domestique, doit rester vierge. Julia laisse éteindre le feu sacré, elle périra emmurée avec son amant, Licinius, comme Aida et Radamès ! Les opéras se reproduisent, à la manière des tragédies.

Un opéra du temps où Napoléon dominait l'Europe
Voire ! 1807, ce n’est pas encore le romantisme, la soumission à l’emprise lugubre du destin. Julia et Licinius seront sauvés par le pardon de la déesse. Est-ce l’effet Napoléon ? Le « Fidelio » de Beethoven, deux ans avant, se terminait aussi de manière heureuse, en célébrant l’amour et la liberté. « Fidelio », « La Vestale », les deux seuls opéras encore représentés aujourd’hui de ces années où Napoléon dominait l’Europe.

De sacrées trouvailles dans la musique de Spontini
La musique de Spontini, d’abord classique, pleine de noblesse, se fait de plus en plus violente, pré-romantique, quand le drame se noue. Enfin agitée et furieuse quand s’affrontent l’amour et la loi. L’on passe ainsi de Gluck à Berlioz, avec des étapes Schubert ou Bellini, mais c’est bien du Spontini, finalement, avec de sacrées trouvailles, l’accompagnement au cor naturel (un piège pour le corniste) du grand air de l’acte 2, « Toi que j’implore avec effroi », où Julia choisit l’amour contre son devoir et signe sa condamnation. Air superbe qui poussa Maria Callas à ressusciter « La Vestale » en 1954 à la Scala de Milan, sous la houlette de Luchino Visconti.

La soprano albanaise Ermonela Jaho est la Vestale
 (Vincent Pontet)
On chavire de plaisir avec la soprano Ermonela Jaho (Julia)
C’est aussi à ce moment-là que l’on chavire de plaisir avec la soprano albanaise Ermonela Jaho et la mise en scène d’Eric Lacascade (dont c'est le premier opéra) : un timbre, une émotion juste, une ligne de chant parfaite, une flamme qui éclaire un visage dans la pénombre, devant un autel portatif ouvrant sur le Forum romain. Scène intime et bouleversante qui rachète un premier acte d’exposition où les chanteurs se montraient timides, la musique contrainte, la mise en scène pas très concernée (les vases de roses un peu « cheap » sur les tombes des morts, le grand banquet raide et confus), avec une Béatrice Uria-Monzon en Grande Vestale aux aigus parfois criés mais tout de même quelle autorité, quelle belle présence! Après le grand air, donc, c’est gagné : le duo si émouvant des amants (et le si émouvant Licinius d’Andrew Richards), le confident Cinna qui vient les sauver, trop tard (Jean-François Borras, magnifique de voix et de diction), le Pontife qui condamne Julia (« De ces lieux, prêtresse adultère… ») : Konstantin Gorny, basse étrange car au timbre clair, longs cheveux pendants, apparence échevelée de roman ou d’opéra russe !

Le premier opéra d'Eric Lacascade
C’est au dernier acte qu’Eric Lacascade montre vraiment son talent de metteur en scène. Non pas en plaquant sur l’œuvre des intentions qui n’y sont pas mais, simplement, par la gestion des mouvements de foule, la chorégraphie des corps. L’arrivée de la condamnée dans une pièce lugubre à la Abou Graïb, le retour d’un Licinius vengeur avec ses soldats prêts à la baston, façon Bruce Willis ou Jason Statham : justes correspondances avec aujourd’hui, s’appuyant aussi sur la très fine direction de l’excellent chœur Aedes devant Julia résignée (« Toi que je laisse sur la terre »). Enfin le coup de théâtre final où le chef Jérémie Rohrer conclut brillamment une partition où il a mis tant de couleurs et de fougue.
Le premier opéra d'Eric Lacascade
 (Vincent Pontet)
Dernière pirouette (et ravissante idée) : les amants heureux quittant la tragédie pour revenir à Marivaux ou au Mozart de « La flûte enchantée » (Papageno-Papagena) dans une course-poursuite inattendue et pleine d’humour. On en ressort touché, et tout ému. Prochaines étapes du cycle : Rossini au printemps… et Cecilia Bartoli en guest-star. 

"La Vestale" de Spontini au Théâtre des Champs-Elysées
15 avenue Montaigne, Paris VIIIe
Réservation : 01 49 52 50 50


Culturebox vous offrira ce magnifique opéra le 23 octobre à 19h30, puis en replay. 

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