Jaroussky dans "Orfeo ed Euridice" : "Un drame auquel on peut tous s'identifier"
"Hier à la générale, j’ai dû perdre 2 à 3 litres d’eau !". Les amateurs d’art lyrique trouveront cette confidence de Philippe Jaroussky peut-être un peu "triviale" et pourtant, elle montre à quel point le rôle d’Orfeo est intense de bout en bout. Pendant 1h30, le contre-ténor est de toutes les scènes : "Je cours, je tombe et il y beaucoup d’émotions et d’intensité dramatique" confie le chanteur lyrique sur le plateau de France 3.
"Pureté de la mise en scène"
Impossible de tenir cet opéra dans sa version d’origine qui dure trois heures. Le metteur en scène canadien Robert Carsen a resserré l’intrigue en 1h30, offrant une version plus épurée, notamment au niveau des décors. Il n’y en a qu’un, qui est revisité avec un jeu d’ombres et de lumières. "On est dans un décor essentiel" explique le metteur en scène, interrogé par Pascale Sorgues et Moustapha Tafnil, "car l’œuvre parle de choses essentielles, l’Amour et la Mort." Quant à Philippe Jaroussky, il estime que "les lumières et la pureté de la mise en scène mettent en valeur la pièce".Gluck, le réformateur
En cela, Robert Carsen respecte l’esprit insufflé par Christoph Willibald Gluck. En 1762, plus d’un siècle et demi après Monteverdi, le compositeur allemand reprend au Burgtheater de Vienne le célèbre mythe grec d’Orphée et d’Eurydice (le titre original en italien est "Orfeo ed Euridice") mais il bouscule les codes en vigueur à l’époque à l’opéra.Enlevé tout ce qui est inutile
Son maître mot, c’est simplicité. "Gluck décide de composer Orfeo en réponse aux excès de certains castrats qui faisaient des vocalises, pirouettes et autres coloratures", explique Philippe Jaroussky. "Il veut trouver un équilibre parfait entre texte et musique".Musique qui doit être au service de la tragédie comme le confirme le chef d’orchestre suisse Diego Fasolis qui dirige l’Ensemble I Barocchisti : "Gluck a fait la réforme de l’opéra et la base de sa réforme, c’est "Orphée et Euridyce". On enlève tout ce qui est inutile, tout le virtuosisme du chanteur".
Philippe Jaroussky reprend donc le rôle tenu à la création de l’œuvre en 1762 par le castrat contralto Gaetano Guadagni. Un artiste "peu enclin à se donner lui-même en spectacle" (comme on peut le lire dans le Figaro qui, à l’occasion de cet "Orfeo ed Euridice", consacre un article au regain d’intérêt pour les castrats) mais doté d‘un vrai talent de tragédien.
"Pas fana du tout !"
On pourrait penser que pour un chanteur lyrique, interpréter Orféo est un rêve... La réalité est plus nuancée comme l’explique le contre-ténor quarantenaire : "Quand j’étais étudiant, la première fois que j’ai écouté le tube de cet opéra, "J’ai perdu mon Eurydice", je n’étais pas fana du tout ! Et puis je l’ai chanté pour la première fois il y a onze ans. Et c’est là, en tenant Eurydice dans mes bras, que j’ai compris toute la signification de cet air. Et je suis heureux de le reprendre aujourd’hui avec une voix qui a encore évolué".Voix qui, au passage, n’était pas sa "voie" d’origine. A ses débuts, Philippe Jaroussky était violoniste. Il a découvert à 18 ans qu’on pouvait chanter avec cette voix aigüe, de tête. "Je m’y suis mis et ça a changé ma vie !" confie- t-il.
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