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David Marton bouscule "La Damnation de Faust" à l'Opéra de Lyon

L'Opéra de Lyon a choisi "La Damnation de Faust" de Berlioz pour lancer sa saison 2015/2016. Sous la baguette toute en nuances de Kazushi Ono et dans une mise en scène inspirée, audacieuse et chahutée de David Marton. Laurent Naouri, Charles Workamn et Kate Aldrich, entourés de choeurs magnifiques, font briller l'oeuvre si particulière de Berlioz. A voir et entendre jusqu'au 22 octobre.
Article rédigé par Jean-Michel Ogier
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Marguerite, Faust et Méphistophélès 
 (Stofleth)

"La Damnation de Faust" n'est pas un opéra. Voilà un préambule qui va expliquer beaucoup de choses... notamment les libertés du metteur en scène.



David Marton qui signe cette version 2015 de l'oeuvre de Berlioz se plaît à rappeler que le compositeur ne l'a jamais vue mise en scène et pour cause : il a écrit une "Légende dramatique" comme cela est porté en tête de partition. Inspiré par Goethe et sa "Damnation de Faust", Berlioz a complètement réécrit l'oeuvre du dramaturge allemand avec ses propres mots ce qui lui a valu d'ailleurs, à l'époque, de nombreuses critiques notamment en Allemagne .

Le rideau se lève sur un décor dépouillé. Faust (Charles Workman) est au bord d'un pont en béton inachevé au pied duquel se trouve une Peugeot 203, camionnette des années 50 largement inspirée des Américaines de l'époque. Une camionette et un pont qui auront chacun un rôle central. 
  (Stofleth)
Sauvé du désespoir par Méphistophélès qui, de la taverne d'Auerbach à la chambre de Marguerite l'entraîne vers un monde de plaisirs qui causera sa perte, Faust ne va guère quitter la scène pendant les deux heures que dure l'opéra. Le ténor américain Charles Workamn  donne toute son élégance longiligne à un Faust tantôt mélancolique tantôt exalté.

Alors que Goethe concentrait son histoire sur le triangle Faust, Mephistophélès et Marguerite, Berlioz a mis le choeur au centre de l'histoire au point d'en faire le personnage principal. Les choeurs tiennent donc une place prépondérante, voire centrale dans l'oeuvre. Et ceux de l'Opéra de Lyon, dans le décor de Christian Friedlander, ont la puissance et les nuances pour endosser ce rôle et occuper tout cet espace.
  (Stofleth)
Et Méphistophélès me direz-vous ? Il chante moins que Faust mais Laurent Naouri réussit, par son talent, à le rendre omniprésent. Il faut le voir dans l'habitacle de la 203, auquel le spectateur a accès grâce à une caméra en direct, "embobiner" Faust et le convaincre de le suivre sur le chemin des plaisirs. Cette caméra braquée sur la 203 est une des bonnes idées de David Marton. Elle nous invite dans l'intensité des dialogues entre les deux hommes, et nous permet de saisir la forme de candeur de Charles Workman face à un Laurent Naouri machiavélique en diable. 
  (Stofleth)
De même cette caméra nous fera entrer plus tard dans l'intimité du dialogue entre Faust et Marguerite. 

La deuxième partie est visuellement très différente car le décor a été entièrement drapé de blanc. Un décor peuplé, un instant, de clones de Méphistophélès en queue de pie et chapeaux melon. On se croirait dans un tableau de Magritte. David Marton a le sens du choc visuel
  (Stofleth)

C'est dans cet espace rêvé que Faust et Marguerite vont se consumer dans une passion fatale. La belle mezzo-soprano Kate Aldrich, en très peu de temps, donne sensualité et profondeur à cette Marguerite promise à un funeste destin. Tout comme Faust dont le public pourra assister à la fin et à la descente aux enfers en direct et en vidéo dans une scène télévisuellemnt extrêmement réaliste.
 
Tandis que le Choeur commente "le mystère d'horreur" qui s'accomplit en enfer, Méphistophélès-Laurent Naouri descend dans les profondeurs de l'Opéra de Lyon suivi d'une caméra et quitte l'édifice dans la nuit lyonnaise pour partir accomplir d'autres sombres desseins. 

Au final cette "Damnation de Faust" sera saluée par des applaudissements nourris (mention spéciale à Laurent Naouri, au chef Kazushi Ono et aux choeurs) mais aussi par quelques sifflets et huées adressés à David Marton dont l'audace a pu désarçonner, voire déranger. Comme sa mise en scène de la célèbre "Marche hongroise" où des enfants sont rassemblés (comme dans les images de propagande totalitaire) pour applaudir et se réjouir mécaniquement du départ au combat des soldats.

"La Damnation de Faust" d'Hector Berlioz à l'Opéra de Lyon
Direction musicale: Kazushi Ono / Philippe Forget
Mise en scène David Marton
Orchestre, choeurs et maîtrise de l'Opéra de Lyon

Du 7 au 22 octobre 2015

1 Place de la Comédie, Lyon
04 69 85 54 54






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