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Natacha Atlas, Oum, Souad Massi, trois voix, trois styles pour une nouvelle chanson arabe

Chacune des trois chanteuses, qui vient de publier un nouvel album, dessine dans son style personnel les contours d'une nouvelle chanson arabe émancipée et ouverte à d'autres langages : jazz, folk, électro.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
De gauche à droite, trois chanteuses sur scène à Paris : Natacha Atlas au Trianon (25 février 2016), Oum à la Cigale (22 septembre 2016), Souad Massi au Café de la Danse (15 octobre 2019) (Edmond Sadaka / Sipa)

La Marocaine Oum avec Daba (Lof Music/MDC/Pias), la Franco-Algérienne Souad Massi avec Oumniya (Naïve), l'Anglo-Égyptienne Natacha Atlas avec Strange Days (Whirlwind/Socadisc), esquissent le profil d'une chanson arabe de plus en plus perméable à d'autres styles musicaux.

Oum, la scène "alternative"

"Il y a une vitalité, un renouvellement, une volonté d'actualiser le répertoire, un souffle nouveau, et de plus en plus d'assumation des femmes que nous sommes, une prise de conscience", déclare à l'AFP Oum, qui cite l'Égyptienne Dina El Wedidi, les Libanaises Yasmine Hamdan et Kamylia Joubran - productrice de son dernier disque et dénicheuse de talents -, Maryam Saleh comme faisant partie de cette mouvance.

Originaire de Marrakech, vivant à Casablanca, mariée à un Français, cette représentante d'une scène qu'elle qualifie d'"alternative", défend en concert mercredi à Paris, au Café de la Danse (c'est complet), puis en tournée en France en novembre les compositions de Daba ("Maintenant"). "Alternative, pour moi, ça veut dire une nouvelle façon de faire, de concevoir, de percevoir", estime cette artiste qui marie la tradition, les rythmes de diverses régions du Maroc, à des sonorités électroniques, une contrebasse avec un oud.

"Sur mon nouveau disque, il y a une mémoire d'un patrimoine local. Toutes les chansons, même celles où il y a des sons électro, partent d'une rythmique que vous allez forcément retrouver dans le répertoire traditionnel chez nous au Maroc", dit-elle. "Mais j'ai voulu leur mettre un manteau d'électronique, avoir des choses un peu +ambiant+ pour porter les gens."

Souad Massi, de la folk aux accents d'Orient

De son côté, Souad Massi poursuit dans Oumniya ("Mon souhait") la quête d'un folk qui a l'accent du châabi. "Quand j'étais jeune, j'ai été très influencée par la musique des westerns. Kenny Rodgers [célèbre chanteur de country] est le premier qui m'a marqué", se souvient la chanteuse, qui a été séduite ensuite par d'illustres artistes folk féminines comme Tracy Chapman ou l'icône Joan Baez.

"Je faisais alors un rejet de la musique arabe et africaine", confie-t-elle à l'AFP. "Maintenant, j'ai mûri, et cette musique fait partie de ma culture". Souad Massi a déjà quelques dates programmées en France en novembre et à partir de 2020.

Natacha Atlas, de l'électro au jazz oriental

À partir du milieu des années 90, Natacha Atlas a décomplexé la chanson arabo-orientale avec ses versions électro-choc, tout en arabesques, de Mon amie la Rose ou I put a spell on you. "Elle chantait à l'orientale, mais comme la production était anglaise, ça a donné une autre dimension, la fusion entre la musique orientale et l'électro pop", note Souad Massi.

Dans Strange Days, son nouvel opus, Natacha Atlas s'oriente de plus en plus vers un jazz oriental, avec des alliages subtils violon oriental-trombone-trompette. Ce qui unit aussi toutes ces chanteuses, c'est la langue. Oum chante en darija (dialecte marocain répandu), Souad Massi en algérois, Natacha Atlas en égyptien vernaculaire quand elle ne choisit pas l'anglais. Au-delà de ces subtilités de langages, toutes se comprennent. "Chaque pays a son dialecte, et même ses dialectes, mais l'arabe classique en est le socle, et on se comprend", explique Souad Massi.

Porteuses de revendications, mais pas prophètes en leur pays

Ces chanteuses sont aussi porteuses de revendications, abordant les thèmes des libertés individuelles, des réfugiés, du droit des femmes et des homosexuels, de façon directe ou métaphorique. Et si elles élargissent le champ des possibles et apportent une nouvelle vitalité à la chanson arabophone, ces femmes ne sont pourtant pas prophètes en leur pays.

"J'aimerais bien qu'on puisse aussi se produire chez nous", se désole Oum, la seule des trois à vivre dans son pays de naissance. "Dans mon pays je ne suis pas beaucoup diffusée, je ne corresponds pas du tout à ce qui passe à la radio, du rap un peu facile, de la chanson d'amour de 2min50 avec deux phrases et demie."

Toutes ont enregistré leur album hors de leurs pays, Oum à Berlin, Souad Massi à Pantin, Natacha Atlas entre Londres, la Gascogne, le Brésil et Paris. Pour ciseler leurs textes, trouver le bel arrangement, elles ont aussi besoin de temps, dans le monde du règne de l'immédiateté. "On m'a raconté que pour une chanson qui durait deux heures, Oum Kalthoum répétait pendant six mois avec un grand orchestre, du matin au soir", se souvient Souad Massi... Autres temps, autres mœurs.

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