Mônica Passos, la passionaria venue du Brésil
Depuis 1989, Mônica Passos a sorti une demi-douzaine d’albums à son nom et travaillé avec de célèbres jazzmen comme Archie Shepp, Emmanuel Bex, Bernard Lubat, Aldo Romano ou, plus récemment, Baptiste Trotignon. Ces deux dernières saisons, l'artiste s’est partagée entre deux projets, « Vermelhinho », véritable coup de gueule anticapitaliste, et un hommage au poète brésilien Vinícius de Moraes, dont 2013 marquait le centenaire de la naissance.
Avec « Vermelhinho », toute de rouge vêtue, jusqu’aux fleurs dans ses cheveux, la chanteuse ravit le public du Studio de l’Ermitage. Entre concert et happening, chaque soirée réserve son lot de surprises, d’invités inattendus, d’instants d’émotion contenue, de minutes truculentes. Mônica Passos s’entoure sur scène d’un groupe pouvant compter jusqu’à six musiciens.
Le répertoire se compose de chants révolutionnaires français, sud-américains ou espagnols, de chansons célèbres - d'Hasta Siempre à Avec le temps, en passant par le sublime Alfonsina y el Mar - réarrangés dans des rythmes latinos, flamenco ou bossa nova, et de surprises. Vermelhinho, un spectacle de résistance
- Culturebox : Pouvez-vous nous parler de ce projet Vermelhinho ?
- Mônica Passos : Ça veut dire "tout rouge". Rouge de quoi ? De très grosse colère. Je rappelle ma passion pour le célèbre "Liberté, égalité, fraternité". Si la France est le pays de ma préférence, c'est parce que je croyais qu'elle portait ces valeurs ancrées en elle. Je suis venue ici parce que je suis marxiste. Chez moi, c'était presque un gros mot de le dire. Gravissime. Des gens mouraient pour ça. Je suis venue ici pour apprendre comment faire pour réaliser vraiment ce "Liberté, égalité, fraternité". J'ai envie de citer une phrase de Milton Nascimento dans la chanson "Caxangá" : "Tant que ma mort ne vient pas, je vis de la lutte contre le roi." Je viens d'une famille aisée, d'un quartier complètement réac de São Paulo. Depuis ma petite enfance, je ne peux pas supporter qu'il y ait des gens qui se croient supérieurs aux autres.
- Quand est né ce projet, et qu'est-ce qui vous l'a précisément inspiré ?
- En 2005 (année du référendum sur la Constitution de l'UE, ndlr), quand j'ai vu où l'Europe était en train de nous mener, c'est-à-dire vers le bas du panier, j'ai commencé à m'intéresser de plus en plus à un moyen de parler de la chose publique. Cette année-là, on a dit "non" lors du référendum, mais ils nous ont quand même fait avaler cette Europe des marchés. J'ai commencé à écrire le Vermelhinho. Les artistes qui ont marqué ma vie sont de gauche. Je viens d'un pays où les gens mouraient pour leurs idées. Je me suis dit qu'il fallait bien qu'un(e) artiste de gauche fasse quelque chose. Je ne savais alors pas que par la suite, le mouvement des "Indignados" (Indignés) exploserait en Espagne. Le jour de la grande manifestation de la Puerta del Sol à Madrid (15 mai 2011, ndlr), je faisais la première de Vermelhinho à Paris. - Vermelhinho est donc né de l'urgence de s'engager, de passer un message.
- Je suis une transmetteuse et j’ai envie de communiquer des choses à la nouvelle génération. Au Brésil, les grands artistes sont au service d’une tradition de transmission. En France, c’est le contraire. N’importe quel petit merdeux se sent supérieur dès qu’il fait sa petite composition ! Je trouve plus important de parler de Vinícius de Moraes que de parler de moi. Je n’ai pas besoin de parler de moi. Je suis quelqu’un de libre qui vient de la théologie de la libération (courant de pensée sud-américain, ndlr), des cathos marxistes. On est destiné à ne pas gagner d’argent, à ne dépendre d’aucune chose de la vie matérielle, à avoir les meilleurs amis du monde, à rigoler et à s’entraider.
- Il y a aussi quelques chansons brésiliennes, mais elles ne sont pas majoritaires.
- J’ai voulu ajouter des choses qui m’ont donné l’envie de vivre à un moment où, pendant la dictature militaire au Brésil (1964-1985, ndlr), tout le monde était en train de disparaître. Il y avait une espèce de plaque de plomb. Or, il y avait des civils qui s’en foutaient. Ça m’avait fait horreur. Je suis partie du Brésil fâchée avec le peuple brésilien, la classe moyenne brésilienne. Je chante quatre morceaux en portugais, dont deux de Geraldo Vandré, Arueira et Caminhando, une chanson qui a failli lui coûter la vie. Ces titres ont marqué mon enfance. J’ai mis surtout des chansons de l’Amérique du Sud hispanophone. J’ajoute aussi que quand j’ai fait ce spectacle, la première chose que j’ai voulu faire, c’est demander pardon au peuple du Paraguay en tant que Brésilienne. Au Brésil, on a fait des guerres horrifiantes. Le Paraguay a été démantelé par l’Argentine, le Brésil...
- Avez-vous réalisé les arrangements des chansons de "Vermelhinho", ou est-ce un travail partagé avec les musiciens qui vous accompagnent ?
- J'ai fait les arrangements de "Vermelhinho" à quelques exceptions près. J'ai confié à Marc Madoré (bassiste, guitariste, arrangeur, ndlr) l'arrangement de La Marseillaise que nous interprétons avec les nouvelles paroles. J'ai aussi demandé à Marc de composer une mélodie très française, puisqu'il porte cet héritage, sur un poème de Louise Michel.
Mercredi 18 juin 2014, 20H30
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