La mort de Doudou Ndiaye Rose, grand percussionniste sénégalais
Le journaliste Aboubacar Demba Cissokho, membre de l'Association de la presse culturelle au Sénégal, a précisé que le célèbre musicien était mort dans un hôpital dakarois où il avait été évacué à la suite d'un malaise.
"Aujourd'hui, nous avons perdu notre père, notre ami, un grand homme, Doudou Ndiaye Rose", a déclaré mercredi à l'AFP un de ses neveux, le chanteur Doudou Ndiaye Mbengue. Dans l'après-midi, plusieurs télévisions locales ont bouleversé leurs programmes pour lui consacrer un hommage, diffusant des images de la récente célébration de son 85e anniversaire.
La veille de sa mort, Doudou Ndiaye Rose avait assisté à la levée du corps de son ami Vieux Sing Faye, également musicien et père du percussionniste Mbaye Dièye Faye, membre du Super Étoile, le groupe de Youssou Ndour.
Dès l'annonce du décès de Doudou Ndiaye Rose, le chanteur Youssou Ndour a déploré "une grosse perte pour le Sénégal". "Il a beaucoup fait pour moi" et a apporté le même soutien à "tous les autres artistes", a-t-il dit à l'antenne de TFM, sa chaîne de télévision.
Plusieurs autres artistes ont salué dans les médias la mémoire du musicien. Ismaël Lô a rendu hommage à Doudou Ndiaye Rose qui "a su propager partout les rythmes africains et sénégalais". Baaba Maal, chanteur et artiste, a salué "un monument de la Culture et de la musique" ayant travaillé "avec de grandes personnalités du monde de la musique et du cinéma". Enfin, la chanteuse Coumba Gawlo Seck s'est dite "meurtrie".
Depuis mercredi, politiques, diplomates, religieux et médias rendent hommage à Doudou Ndiaye Rose. Ses obsèques, célébrées jeudi en début d'après-midi dans le quartier des HLM à Dakar, où il vivait, ont attiré une foule nombreuse et plusieurs officiels parmi lesquels le Premier ministre Mohamed Dionne.
Créateur de rythmes et d'instruments
Considéré comme le maître du sabar, un instrument de la famille des tambours, Doudou Ndiaye Rose avait de nombreux surnoms, tels que "mathématicien des rythmes". Créateur de rythmes, inventeur de nouveaux instruments, il avait fondé la première école de percussions de Dakar et était capable de diriger une centaine de percussionnistes.Il avait créé également un groupe totalement féminin de tambours, composé de ses filles et de femmes de sa famille. Il l'avait baptisé les Rosettes, en hommage au prénom de sa mère, Rose. En 2010, il avait confié à l'AFP avoir "quatre femmes et au moins 15 filles et 15 garçons".
Né le 28 juillet 1930, Doudou Ndiaye Rose était l'un des musiciens africains les plus célèbres. Il se passionne pour les percussions dès l'âge de 7 ans bien que son père, comptable, ait rejeté la musique. Tout en apprenant le métier de plombier, le jeune Doudou est obsédé par le son et la pratique du tambour. Son père finit par céder face à sa vocation.
En 1959, lors d'un voyage à Dakar, Joséphine Baker le remarque. Elle lui aurait dit : "Tu seras un grand batteur."
En 1960, le jour de l'indépendance du Sénégal, Doudou Ndiaye Rose joue devant le président Léopold Sédar Senghor dans le grand stade de Dakar, en compagnie de 110 joueurs de tambours. Il voyage ensuite à travers le pays en quête d'enseignements des anciens, avant de devenir à son tour pédagogue.
"Je n'ai jamais voulu jouer aveuglément ! Je rencontrais les anciens pour qu'ils me transmettent ce langage très précis des percussions que tout le monde connaissait alors : comment annoncer qu'il y a un feu de brousse, qu'un serpent a piqué quelqu'un et quel genre de serpent, que la femme qui vient de se marier a rejoint la demeure conjugale et que son mari est content d'elle", avait-il expliqué, cité par l'AFP.
"Chef tambour major"
Constatant qu'il a su apprendre "plus de 100 rythmes différents", les anciens décident de le nommer "chef tambour major". Devenu chef-tambour des Ballets nationaux, Doudou Ndiaye Rose est repéré par Maurice Béjart.En 1986, sa participation au festival Nancy Jazz Pulsations, avec sa troupe d'une cinquantaine de batteurs, lui vaut une renommée internationale. En 1988, il participe à la fameuse bande-originale, signée par Peter Gabriel, du film "La Dernière Tentation du Christ" de Martin Scorsese.
En 1989, Doudou Ndiaye Rose prend part aux fêtes du Bicentenaire de la Révolution française. En 2000, il joue son propre rôle dans le film "Karmen Geï" de Joseph Gaï Ramaka, pour lequel il compose également la musique.
Depuis une trentaine d'années, Doudou Ndiaye Rose avait eu l'occasion de jouer avec des artistes de tous horizons, sur scène ou en studio, comme Peter Gabriel, Alan Stivell, France Gall, les Rolling Stones, Dizzie Gillespie ou le groupe japonais de percussions Kodo.
Parmi ses disques les plus connus, figurait "Djabote", enregistré en 1991 sur l'île de Gorée (près de Dakar), un haut lieu de mémoire de l'esclavage. L'album était sorti sur le label Real World de Peter Gabriel.
"Trésor humain vivant"
D'après le journaliste Aboubacar Demba Cissokho, cité par l'AFP, Doudou Ndiaye Rose avait été classé "Trésor humain vivant" par l'Unesco en 2006, en même temps que ses compatriotes Joseph Ndiaye, conservateur de la Maison des Esclaves de l'île de Gorée, aujourd'hui disparu, et Samba Diabaré Samb, chanteur et traditionaliste célèbre.Cette distinction vise "des personnes ou groupes de personnes détenant des savoirs ou savoir-faire dont ils sont les acteurs stratégiques de transmission", selon un document officiel du ministère sénégalais de la Culture.
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