Haïti rend un dernier hommage à Manno Charlemagne, la voix de la résistance à la dictature
"Manno représente cette conscience haïtienne qui veut sortir du joug colonialiste et il a fait tous ces efforts pour dire aux enfants du pays qu'ils doivent se tenir debout contre cette ingérence qui sévit dans nos têtes et sur nos territoires", a témoigné Marco Jeanty, musicien avec qui l'artiste a enregistré son premier album en 1978.
Né en 1948 à Carrefour, dans la banlieue de Port-au-Prince, Joseph Emmanuel Charlemagne de son vrai nom a subi dès son adolescence les exactions des "tontons macoutes", le bras armé du régime duvaliériste. Ouvertement opposé à Jean-Claude Duvalier, après avoir été emprisonné et torturé, Manno Charlemagne est contraint à l'exil en 1980.
Dénoncer sans restriction
De retour en Haïti à la chute du régime en 1986, le chanteur est forcé de quitter une nouvelle fois son pays, après le coup d'Etat militaire de 1991 contre le président Jean Bertrand Aristide.Les autorités et les dignitaires religieux qui participaient vendredi aux funérailles nationales ont unanimement salué la volonté qui était la sienne de dénoncer, sans restriction aucune, les inégalités nées des régimes d'oppression.
"Faire ce choix était impératif car quelqu'un de conscient ne peut se permettre de rester indifférent face à la misère, face à nos enfants qui dorment dans la rue", a assuré Marco Jeanty.
Utiliser les chants traditionnels dans un contexte politique
Plus que sa brève carrière politique (il a effectué un mandat de maire de Port-au-Prince à son retour d'exil en 1995), Manno Charlemagne aura marqué les esprits par son militantisme et sa défense de la culture nationale."Manno Charlemagne représente une certaine liberté, un artiste qui a pris beaucoup d'engagements pour Haïti, qui a sublimé le créole", se souvient Erol Josué. "Il avait cette facilité de prendre les chants traditionnels du vaudou et de les utiliser dans le contexte politique pour pouvoir défendre Haïti et sa jeunesse", témoigne le chanteur, danseur et prêtre vaudou.
Manno Charlemagne est décédé dans un hôpital de Miami le 10 décembre, des suites d'un cancer du poumon. Sa dépouille a été rapatriée en Haïti cette semaine pour être enterrée, selon la volonté de l'artiste, dans la ville de Verrettes, à 60 km au nord de la capitale.
Selon le quotidien haïtien Le Nouvelliste, le chanteur voulait revenir mourir dans son pais mais son état n'a pas permis son transfert.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.